“Nasawiyat, les nouvelles féministes du monde arabe” font leur printemps

En quête d'égalité et de justice, les femmes nord-africaines se lèvent pour défendre leurs droits et conquérir leur émancipation. On veut y croire !

Par Laurence Le Saux

Publié le 17 juillet 2014 à 00h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h16

«Elles ne connaissent pas Internet, ne savent pas qu'elles ont le droit de divorcer. On dirait qu'elles vivent dans un monde de cendres. » Révoltée par le sort de celles qui l'entourent, la Tunisienne Sanae a décidé de résister, d'informer, d'instiller une solidarité dans sa région isolée, où l'usine locale de boîtes de tomates exploite ses employées, qui triment douze heures par jour sans contrat de travail. Avec Ghofrane, créatrice de l'Association femme et citoyenneté, ou Houda, animatrice de la radio Mines FM, elle témoigne dans Nasawiyat, les nouvelles féministes du monde arabe. « Je suis allée plusieurs fois en reportage en Tunisie pour France Culture et Arte, raconte Charlotte Bienaimé, qui a imaginé cette série. J'y ai vu beaucoup de jeunes femmes engagées, j'ai senti que la façon de militer se renouvelait. »

La productrice se rend au Maroc, en Algérie, interroge à Paris des Egyptiennes, pour élargir le spectre. A son micro, Amal, 27 ans, raconte son parcours intime : une éducation traditionnelle ; un mariage fortement souhaité par sa famille, avec un ingénieur qui finit par la violenter ; un rejet de la sexualité (« chez moi, on se douchait avec sa culotte, le vagin n'existait pas »). Aujourd'hui, cette Tunisienne vit seule, et s'assume financièrement. Elle écrit des poèmes : « Pense faux, mais pense par toi-même », a-t-elle inscrit au mur.

Encore plus saisissants, les témoignages de Shahinaz et Zeinab, deux Egyptiennes en lutte dans un pays où, selon un rapport de l'ONU de 2013, 99,3 % des femmes subissent un harcèlement sexuel. « Dans la rue, il faut marcher vite, calculer rapidement la trajectoire des hommes autour de toi : ils peuvent te toucher les jambes, les seins, te dire à l'oreille un mot très vulgaire. » Après un mariage forcé puis un divorce, Shahinaz a choisi de ne plus porter le voile. « J'étais considérée comme une pute, car je vivais seule. Je trouvais des papiers avec des numéros de téléphone devant ma porte. Ici, rien n'a changé depuis la révolution de 2011, alors qu'on voulait un pays civil, ni militaire ni islamiste. »

Finement mis en ondes par Annabelle Brouard, certains de ces récits glacent, d'autres revigorent. « Ces vingtenaires et trentenaires ont abdiqué les discours théoriques, elles préfèrent les actes, précise Charlotte Bienaimé. De plus, elles font bouger les lignes : j'ai rencontré des femmes voilées pro-avortement, et des féministes radicales qui défendent le droit de porter le voile. » En huit épisodes d'une demi-heure, elles racontent une société certes encore terriblement inégalitaire, mais dans un état d'ébullition porteur d'espoir.

A écouter

Nasawiyat, les nouvelles féministes du monde arabe, samedi 19 juillet, à 12h00, sur France Culture

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