La compagnie aérienne espagnole Swiftair, qui assurait le vol d'Air Algérie qui s'est écrasé jeudi au Mali, offrait-elle des garanties de sécurité optimales ? Considérée comme « sérieuse » par les autorités françaises et espagnoles, en règle en matière d'autorisations de vol et d'inspection de sa flotte, elle a l'habitude de travailler avec des compagnies européennes reconnues, comme Air Europa, ou des organisations internationales, comme l'OTAN.
Mais des informations, connues au fil de la journée de vendredi, ont commencé à semer le doute sur la fiabilité de cette société spécialisée dans le wet lease : la location d'avions avec leur équipage à d'autres compagnies aériennes ou à des organisations diverses.
PRÉCARITÉ DES CONDITIONS DE TRAVAIL
Selon le site d'information espagnol El Economista, le 19 juillet, une semaine avant la catastrophe, le steward Miguel Angel Rueda, un des membres de l'équipage du vol AH 5017, qui s'est écrasé jeudi au Mali, avait envoyé un courriel au chef des stewards de la compagnie Swiftair, Daniel Maeso, dans lequel il prévenait de la « fatigue physique et psychologique généralisée » ou du « stress » dont souffraient les membres d'équipage sur la route Ouagadougou-Alger.
En cause : des plans de vol intensifs, avec sept jours de vol consécutifs. « Il est difficile de maintenir l'attention lors des décollages et des atterrissages durant les derniers jours de rotation », affirmait-il, selon le texte reproduit par le site d'El Economista, qui dit avoir obtenu ce courriel d'un membre de la compagnie. « Avec ce courriel, je ne veux pas porter préjudice aux compagnons qui sont payés par heure de vol, mais il faut être conscient que cela peut supposer un problème et qu'il peut se résoudre pour le bien de tous », ajoutait l'homme. Contactée pour réagir au contenu de ce courriel, la compagnie n'a pas souhaité faire de commentaire.
Ce n'est pas la première fois que la compagnie est pointée du doigt pour la précarité des conditions de travail. Elle avait fait l'objet l'été dernier d'un article dans la revue du Syndicat des pilotes espagnols (Sepla), Mach 82, critiquant notamment les bas salaires offerts par la compagnie aux pilotes sur certains avions, atteignant à peine 12 000 euros par an. Toutefois, vendredi, le Sepla a exprimé dans un communiqué son refus de « lier la situation dénoncée dans cet article avec l'accident de jeudi ».
« La précarité des contrats de Swiftair est connue. C'est une compagnie qui embauche les pilotes et le personnel de bord en fonction de ses besoins, qui les paie mal et les envoie plusieurs mois dans des bases très éloignées, ce qui explique qu'il y ait une importante rotation des équipes, résume un pilote de la compagnie Iberia. Les commandants ont généralement de l'expérience, mais les copilotes pas toujours : ce sont souvent des jeunes diplômés qui veulent acquérir de l'expérience et y font leur premières heures de vol. »
DOUTES SUR LA QUALITÉ DES INSPECTIONS
Le pilote et le copilote de l'avion retrouvé au Mali étaient cependant deux professionnels espagnols expérimentés, anciens pilotes de l'ancienne compagnie Spanair, qui avaient été embauchés pour toute la période estivale.
Restent les doutes sur la qualité des inspections effectuées sur l'appareil. Plusieurs incidents ont en effet été recensés récemment, comme la panne de moteur d'un avion ATR le mois dernier, provoquant un atterrissage d'urgence à l'aéroport de Madrid-Barajas, l'explosion d'un moteur d'un MD83 à Majorque en 2013, ou encore un accident, léger, en Afghanistan en 2012, dû une manœuvre non autorisée ayant endommagé une aile.
Dans un communiqué, le Sepla a « demandé à l'AESA [l'Agence espagnole de sécurité aérienne] qu'elle soit particulièrement scrupuleuse dans la supervision faite à ce type de compagnies, surtout quand elles opèrent en dehors de l'Espagne, où la capacité d'action de l'AESA pourrait se voir limitée ».
AUCUNE DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL
« Il est très difficile et coûteux de réaliser des inspections continues et approfondies de la flotte, mais aussi des opérations, de la gestion du personnel, des registres de bord des entreprises qui travaillent en wet lease, du fait de leur grande flexibilité aérienne, et que leur champ d'opération est le monde entier », souligne pour sa part Gustavo Barba, vice-doyen et expert en sécurité aérienne du Collège officiel des pilotes de l'aviation commerciale (Copac).
Ce dernier s'étonne par ailleurs qu'alors que « les institutions françaises ont montré leur confiance totale dans l'entreprise qui a réalisé la maintenance de l'avion à Marseille, le gouvernement espagnol n'ait fait aucune déclaration publique sur Swiftair ».
La numéro deux du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, s'est contentée de lire un communiqué de l'AESA, vendredi, au lendemain de l'accident, énumérant les contrôles faits dernièrement sur l'appareil et soulignant que la compagnie dispose de toutes les autorisations pour voler en règle.
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