René Chateau, Le Marginal

Il fut carreleur, journaliste, publicitaire avant de devenir le plus grand distributeur de films français des années 1960-1970. Voici René Chateau, l'homme qui a créé la « marque Belmondo ». Mais qui se cache réellement derrière le roi de la VHS qui vit reclus depuis vingt ans ? L'homme à la panthère noire est revenu avec FREDERIC BENUDIS sur ses heures de gloire, sa brouille avec Bebel et les plus folles rumeurs qui courent sur lui.
portrait rene chateau

C'est dans son hôtel particulier de quatre étages qu’il reçoit. Situés entre le Trocadéro et la place de l’Étoile, quatre cents mètres carrés au bas mot, totalement dédiés au cinéma. Au rez-de-chaussée, un salon aménagé en salle de projection. Un escalier en colimaçon orné d’affiches de films avec Jean Gabin, Marilyn Monroe, Louis Jouvet, Clark Gable, Fernandel, Orson Welles, Arletty, Elvis Presley. Dans son gigantesque bureau, l’homme qui a inventé le logo à la panthère noire est entouré, submergé, englouti par des centaines de livres, cassettes vidéo et DVD de ses propres collections. Les films sont classés par ordre alphabétique. Des coupures de journaux, photos, magazines, dossiers de presse sont empilés à même le sol, attendant d’être rangés à leur tour. Le maître des lieux, méticuleux jusqu’à l’obsession, collectionne, trie, recherche chaque jour en ligne une affiche qui lui manque, le numéro épuisé d’un magazine, une photo qui lui rappelle un souvenir.

Amis et ennemis du temps de sa splendeur se demandent à quoi ressemble le quotidien de René Chateau, lui qui ne fréquente plus depuis longtemps le milieu du cinéma, n’assiste à aucun dîner officiel, ne se montre à aucune avant-première. Chateau vit comme un fantôme, enfermé avec ses trésors. C’est un septuagénaire mystérieux et volubile dont la gouaille rappelle celle des titis parisiens d’Audiard mais dont la vie recluse évoque le Masque de fer. Son nom est devenu une marque mais lui a disparu depuis trente ans. S’il avait conçu la bande-annonce d’un film consacré à sa propre existence, elle aurait pu dire à peu près ceci: il a été carreleur, journaliste, attaché de presse, affichiste, publicitaire, écrivain, distributeur, exploitant de salles, producteur, associé de Jean-Paul Belmondo, amant de l’ex-star du porno Brigitte Lahaie. Rumeurs, scandales et procès ont flotté autour de lui comme des nuages menaçants. Argent, pouvoir, sexe, crime. Ce n’est pas une vie, mais plusieurs.

Personne ne connaît cet homme qui a pourtant changé la face du cinéma populaire en France. Depuis 1984, René Chateau ne s’est presque jamais exprimé – on l’a dit marqué par le meurtre de Gérard Lebovici, le plus grand imprésario de l’époque. La même année, Chateau se brouillait avec Belmondo dont il était le bras droit, l’alter ego et le meilleur ami. Tout Paris en parlait, tout le monde du cinéma en parle encore aujourd’hui. Chacun y était, chacun a sa version des faits : « Belmondo lui a cassé la gueule », « il s’est pris un coup de tête », « c’était pour une histoire de pognon », « un trafic de cassettes VHS ». Bribes d’histoires anciennes qui dégringolent en rumeurs, se changent en légendes.

Aujourd’hui, Chateau a accepté de sortir du silence. Il en avait assez, dit-il, d’entendre le pire sur sa personne, de chercher en vain son nom dans les livres, d’être écarté systématiquement des hommages rendus à Jean-Paul Belmondo. Son assistante me sert à boire sur un plateau à l’effigie de James Dean. Il est vêtu de blanc, pantalon à pinces et chemise, montre en or clinquante au poignet. On le croirait sorti d’une soirée d’Eddie Barclay du côté du golfe de Saint-Tropez, où il possède une bastide. « J’ai fait de ma passion mon métier », explique-t-il en cherchant sans cesse des documents pour appuyer ses dires.

René Chateau est né au Mans en 1940, le jour du bombardement de Mers el-Kébir par les Britanniques. Comme souvent chez les cinéphiles, la salle obscure est pour lui, dès l’enfance, « un moyen d’échapper à la médiocrité de la vie », raconte-t-il. « Et puis je cherchais des pères de substitution, je n’avais pas de guide. Alors j’étais avec Gary Cooper quand il combattait les Indiens, j’étais avec Errol Flynn dans L’Aigle des mers, j’étais Burt Lancaster et Kirk Douglas dans Règlements de comptes à OK Corral. » Il ne veut guère plus en dire sur sa prime jeunesse. Tout juste admet-il, du bout des lèvres, que ses parents ont divorcé, qu’il a suivi sa mère sans le sou au Pré-Saint-Gervais. À la communale, il était 31e sur 32, mais « on ne va pas faire du Dickens non plus » – il me rappellera le soir de notre premier entretien pour regretter d’avoir évoqué son enfance. Pendant les longues heures que dureront nos rencontres suivantes, il reviendra régulièrement sur un mot, corrigera, enverra des documents par coursier, ajoutera un détail par e-mail ou par lettre.

À 14 ans, certificat d’études en poche, René Chateau se rêve en photographe. Son père lui trouve une place d’apprenti chez Honoré et Villanova, spécialiste en maçonnerie et carrelage. « J’étais nul ! » admet-il. Le soir, il se partage entre les salles du Quartier latin et la lecture assidue des magazines de cinéma où il découvre les plumes de Truffaut, de Chabrol et de Godard. Il adhère au club James Dean et crée à 20 ans un fanzine, La Méthode (référence à la célèbre technique de jeu développée par l’Actors Studio). En petit format et en noir et blanc, anarchiste, anticléricale et antimilitariste, la revue met en couverture Zbigniew Cybulski, le James Dean polonais, mitraillette à la main, mâchoire carrée. Chateau s’en souviendra des années plus tard pour concevoir l’affiche des Morfalous (Henri Verneuil, 1984).

Coïncidence, dans le même numéro, il écrit son tout premier article sur un film qui l’a impressionné, À bout de souffle . Derrière la caméra, Jean-Luc Godard. Au côté de Jean Seberg, un comédien âgé de 27 ans, Jean-Paul Belmondo. « Il faut le voir descendant les Champs-Élysées (...), roulant des épaules comme un jeune dieu à la veille du printemps. » « Premier texte écrit de ma vie, et c’est sur Belmondo », dit aujourd’hui René Chateau en souriant. Déjà, une logique se dessine chez lui, cette passion pour les acteurs à gueule qui impressionnent la pellicule. Les hommes veulent leur ressembler, les femmes les mettre dans leur lit. Au même moment, il rencontre Gérard Blain à la sortie d’un théâtre. Qui se souvient du Beau Serge que toute la Nouvelle Vague se disputait ? Chateau raconte: « En 1959, Blain m’emmène sur le tournage des Cousins de Claude Chabrol. Quand tu habites à Montreuil et que tu travailles dans le BTP, l’environnement, c’est des beaufs incultes. Là, je suis à Hollywood, c’est le paradis. »

Il entre au magazine Lui, copie conforme du Playboy de Hugh Hefner, revu par Daniel Filipacchi : des filles nues et des articles de fond. Cul et culture. C’est Gérard Blain qui présente René Chateau au directeur artistique, Régis Pagniez. Au fil des pages apparaît un autre jeunot, Philippe Labro, qui le décrit ainsi, avec le recul : « Je me souviens d’un cinglé de cinéma très débrouillard, très actif, un “cours toujours” comme on les appelait. Il avait cette énergie, cette vista, et en même temps une aura un peu interlope. Il y avait même une légende qui tournait dans la rédaction comme quoi il aurait été élevé dans une maison close ! »

Le directeur du magazine s’appelle Jacques Lanzmann, ancien ouvrier agricole devenu écrivain. Le futur parolier de Dutronc brosse dans ses Mémoires (Le Voleur de hasards, JC Lattès, 1992) le portrait d’un homme « grand, mince, visage en lame de poignard, avec un regard de granit », « son sourire glacial se réchauffait immédiatement quand on touchait quelques mots du septième art ». Quelques pages plus loin, il ajoute : « Je ne savais pas quoi faire au juste de Chateau car il n’avait jamais écrit autre chose que des cartes postales, je le mis à l’essai et à toutes les sauces. Il faisait du mieux qu’il pouvait mais le mieux de Chateau était souvent le pire du journal. Quoi qu’il en soit, il s’insérait malgré tout assez bien dans l’équipe et nous choisissait des filles plutôt photogéniques. »

Le « responsable des playmates »

Chateau précise : « J’avais peur de me faire virer, alors je me suis créé un poste : “responsable des playmates”. » C’est auprès de lui que Jean-Luc Godard ira chercher des filles dénudées pour Pierrot le fou. Chateau accompagne les figurantes effeuillées sur le tournage et en profite pour faire une interview de l’acteur principal. C’est Lanzmann qui trouve le titre du portrait : « Bebel fricotin ». « Je ne gagnais pas beaucoup d’argent à Lui, raconte le futur monteur de coups. J’avais 24 ans, je détonnais un peu, c’était un environnement bourgeois, je n’avais pas la même culture, le même accent, la même façon de parler. On voyait bien que je ne sortais pas de Janson-de-Sailly. » Labro précise : « C’est ce qui fait son charme. Sa belle gueule, son ton, il a ce langage qui vient de la rue. Il est le premier type que j’aie entendu utiliser l’expression “se planter”. Peut-être qu’il l’a inventée. Dites-le, ça fera joli dans votre papier. »

René Chateau commence à fréquenter le milieu du cinéma et à murmurer à l’oreille des réalisateurs. Il suggère le nom d’Anny Duperey à Jean-Luc Godard, celui de Gérard Blain à José Bénazéraf. « L’Antonioni du porno », comme on surnomme ce dernier, demande alors au jeune homme de s’occuper de la presse pour son polar Du suif chez les dabes. Chateau change le titre en J oë Caligula, « parce qu’au niveau des titres, s’emballe-t-il, je suis hyperdoué. On va dire “assez doué”. » Il organise une projection, les journalistes rigolent, Bénazéraf hurle, tout le monde sort. Trop de violence, trop de sexe: Joë Caligula sera interdit par la censure en 1966. « C’est la dernière fois que j’ai fait une projection pour la pres se », affirme Chateau. Le gamin regorge d’idées. On lui propose de mettre en scène un cycle James Dean sur les Champs-­Élysées. Il monte une exposition consacrée à l’acteur américain, fait imprimer des badges à son effigie.

Le jeune fougueux séduit alors le patron de la Warner, qui lui déroule ses grandes sorties à venir. Mais Chateau s’intéresse surtout à un petit film obscur, négligé par le studio, Bonnie and Clyde. Nous sommes en 1967. Pour faire parler de ce polar avec Faye Dunaway et Warren Beatty, il propose à l’un des paroliers habituels de Johnny Hallyday d’écrire une chanson. Le résultat est désastreux. Chateau ne se démonte pas. Au culot, il appelle Serge Gainsbourg qui lui raccroche au nez. Il insiste : « Je vais le chercher avec ma vieille Chevrolet de 1952. Après dix minutes de projection, Gainsbourg se lève. Je suis tétanisé. Il me dit que c’est formidable, me demande de la documentation. Je lui donne les poèmes de Bonnie Parker. Il compose la chanson dans la nuit, enregistre le lendemain à midi. Quarante-huit heures plus tard, Bardot et Gainsbourg font la “une” de France Soir, habillés comme dans le film. »

C’est la force de René Chateau : pousser les portes, s’adapter à son environnement, se réinventer perpétuellement. Faire son trou. Ne pas redevenir le petit carreleur de Belleville. Jamais. Et faire sa vie dans le cinéma. Il demande au patron de Warner France de le présenter au producteur de Ho ! , un projet écrit pour Jean-Paul Belmondo par José Giovanni, ancien prisonnier lié au milieu et à la Collaboration, reconverti dans le polar. « Tout le monde voulait être l’attaché de presse du film, de Georges Cravenne à Bertrand Tavernier », se souvient Chateau. Mais Belmondo ne veut pas entendre parler de lui, depuis une sombre histoire de posters édités par Chateau. Il en faut plus pour le décourager. Ne partagent-ils pas, tous les deux, un même amour pour les films de Jules Berry, les comédies de Fernandel et les salles du Quartier latin ? Les deux beaux gosses au physique de petites frappes deviennent vite inséparables. On est en 1967, ils ne se quitteront plus jusqu’en 1984. Tout passe alors par René Chateau, les invitations, les sollicitations, les dîners aux frais de la princesse, les soirées chez l’ambassadeur. Qu’on demande quoi que ce soit à Belmondo, aussitôt la réponse fuse : « Voyez avec Chateau ! » « Il est le bras droit, l’éminence grise, appelez ça comme vous voulez, de celui qui est la star absolue de l’époque avec Delon, se souvient Philippe Labro, qui réalisera deux films avec Belmondo. C’est une conception de la star totalement hollywoodienne. Gary Cooper, Clark Gable, John Wayne étaient comme ça: ils avaient quelqu’un qui était là pour les protéger, parler à leur place, servir d’écran, de récepteur. »

Pour démontrer l’amitié intense qui l’a uni à l’acteur, Chateau extrait de ses archives d’incroyables photos en noir et blanc. En voyage, en tournage, c’est un festival de testostérone. Je fais remarquer qu’ils étaient très beaux tous les deux – les filles ne devaient pas résister beaucoup. Chateau ne répond pas. Pourtant, il a du mal à définir leur relation virile et fusionnelle. Un long silence s’installe entre nous (Belmondo n’a pas donné suite à mes différentes demandes d’entretien). Quelques jours auparavant, alors que je l’interrogeais sur sa vie privée actuelle, Chateau m’a confié que sa plus longue histoire sentimentale a été son amitié de dix-huit ans avec Belmondo. « Pour entrer dans le Chateau, il faut franchir Lahaie », disait-on à l’époque. C’est ce que j’ai fait. L’ex-star du cinéma X, ancienne maîtresse de René Chateau, aujourd’hui reine des après-midi de RMC, m’a livré sa vision très personnelle de l’amitié entre les deux hommes : «J’ai toujours analysé leur complicité comme une relation d’homosexualité latente extraordinaire. Vous savez, à partir du moment où ils partageaient les mêmes femmes... »

Difficile de cerner Chateau. L’homme déteste parler de lui autrement qu’à travers le prisme du travail. « Il porte un masque, ajoute Brigitte Lahaie. Quand on s’est rencontrés, c’était pour des raisons “soi-disant” professionnelles. Comme je suis passionnée d’astrologie, je lui ai demandé son signe zodiacal. Il m’a répondu “Bélier”, comme Belmondo. J’ai découvert plus tard que ça ne collait pas avec sa date de naissance. Quand je le lui ai fait remarquer, il m’a répondu : “Si je dis que je suis Cancer, les femmes vont penser que je suis un mou.” Il a mis un an à avoir un geste d’amour envers moi. »

La mollesse du Cancer

J’ai rendez-vous avec René Chateau pour déjeuner. Au rez-de-chaussée de son antre parisien, une table est dressée pour deux. Il est 13 heures pile. À sa droite, une sonnette reliée à la cuisinière. Le septuagénaire remonte le temps devant son plat, un délicieux carpaccio de saint-jacques qu’il effleurera à peine. Nous voici en 1968. Belmondo part aux États-Unis tourner Un homme qui me plaît de Claude Lelouch. Dans ses bagages, sa fiancée de l’époque, Ursula Andress. La James Bond girl embarque Chateau dans sa Rolls blanche pour une visite guidée de Hollywood, lui désignant du doigt les maisons des célébrités. La femme de Dean Martin les invite tous les trois dans sa somptueuse villa où l’un de ses enfants joue dans le jardin avec un vrai tank, comme le vôtre avec ses Lego. Le soir, le trio part à Las Vegas pour assister aux spectacles du crooner et de Barbra Streisand. Au retour, au volant d’une Ford Mustang louée pour l’occasion, René Chateau remonte Hollywood boulevard. « C’est la seule fois où j’ai pleuré de bonheur, souffle-t-il. Je venais d’avoir 30 ans, j’avais fait mon parcours, j’avais fait une vie. »

Un instant, il semble baisser les armes, les larmes aux yeux. Ce temps glorieux ne s’est pas effacé. Il garde le souvenir précis de ces années où Belmondo exigeait sa présence. Tout le temps, partout. Alain Poiré, Christian Fechner, Alexandre Mnouchkine, les producteurs, en ce temps-là, ne veulent pas entendre parler de ce Chateau qui se mêle de tout. Attaché de presse, publicitaire, homme de main, complice, bouclier humain, copain comme cochon, rayez les mentions inutiles. Il travaille « douze mois sur douze » pour la star, il est de tous les tournages, de tous les dîners, de toutes les soirées. Il lit les scénarios, souffle des idées de scènes, prend en main toute la communication autour de son unique client. Belmondo est alors l’acteur le mieux payé du cinéma français. Mais son entourage se rend compte que les producteurs se taillent la part du lion. Sur les conseils de son agent, l’implacable Gérard Lebovici, et de sa fiancée, Ursula Andress, Belmondo monte en 1971 sa société de production, Cérito (en hommage au patronyme de sa grand-mère maternelle). Il attribue la majorité des parts à sa famille et un petit morceau du gâteau à son ami René.

Si les films sont choisis par Belmondo en accord avec son agent, l’acteur discute des scènes avec Chateau. Belmondo lui-même l’avouera à demi-mot dans une interview accordée au magazine Première en 1985, juste après leur rupture : « Il est arrivé qu’il intervienne sur des scripts pour dire : “On devrait rajouter une scène là...” » Chateau se délecte à raconter les coulisses : « Pour Le Marginal (1983), j’ai proposé à Jacques Deray de faire la même poursuite en voiture que dans French Connection. Il a claqué la porte de mon bureau en lançant : “S’il y a une course de voitures dans mon film, je ne le fais pas !” J’ai appelé le cascadeur Rémy Julienne et c’est devenu le plus grand succès de Deray. » Je lui fais observer qu’une cascade ne fait pas un film et que Le Marginal est loin d’être un classique du cinéma. Il s’emporte : « Qu’est-ce qui a fait le succès de Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975) ? C’est la course-poursuite sur le toit du métro ! Et ce n’était pas dans le scénario. Ça, c’est du Belmondo-Chateau. »

C’est lui encore qui propose à la star de changer la bande originale du film Le Professionnel (Georges Lautner, 1981), en remplaçant celle qu’Ennio Morricone avait spécifiquement écrite pour le film, par un titre oublié du même compositeur, tiré d’une production italo-yougoslave. Chateau organise une projection avec les deux musiques différentes : le cinéaste et le musicien sont furieux. Mais Le Professionnel dépassera les 5 millions d’entrées, le thème C hi Mai connaîtra un succès instantané et la ban de originale s’écoulera à plus de 3 millions d’exemplaires. Voilà pourquoi René Chateau a déjà, à l’époque, si mauvaise réputation. Dans le duo, il est celui qui l’ouvre, qui impose.

Il regorge, en outre, d’idées pour muscler une sortie de film. C’est un homme de marketing hors pair au bagout indéniable. Il vous vendrait une seconde fois la chaise sur laquelle vous lisez ce magazine. Il sait surtout séduire – les femmes, un interlocuteur, les spectateurs. Il va transformer son amour pour le cinéma populaire américain en machine à gagner au service de Belmondo. Sa meilleure arme : le don de la formule qui fait mouche. Ainsi, il suggère le titre Le Magnifique (De Broca, 1973) en lieu et place de Comment détruire la réputation du plus grand agent secret du monde . Il transforme L’Inspecteur de la mer en Flic ou Voyou (Lautner, 1978). Monsieur Alexandre d evient Stavisky (Alain Resnais, 1974). Chateau consacre un temps fou à concevoir les affiches, qu’il fait dessiner par les meilleurs artistes du genre. Le poster, c’est sa passion, il en collectionne des milliers qu’il entasse chez lui. « Ça lui permet de posséder le film au sens propre du terme, de le toucher ; faudrait demander à un psy ce qu’il en pense », analyse Brigitte Lahaie. Chateau acquiesce à la suggestion en souriant.

Ainsi, pour Peur sur la ville, il imagine le visuel de l’affiche avant même le tournage du film : c’est la réplique de celle de Bullitt avec Steve McQueen. Jean-Paul Belmondo pose en col roulé noir, un holster sous l’épaule, tenue qu’il ne porte jamais dans le polar de Verneuil. L’affiche du Professionnel , où l’acteur pointe son .357 Magnum vers le public ? Un copier-coller de celle de L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. Et, coup de génie marketing, il va jusqu’à retirer le prénom de Belmondo des affiches. L’acteur devient alors une marque. Avec ces posters tape-à-l’œil et des titres qui vous explosent la rétine, Chateau en met plein la vue. « Avant de le rencontrer, Jean-Paul était un acteur populaire, raconte Bertrand Tessier, journaliste et biographe de Belmondo. Mais Chat eau a fait en sorte qu’on aille voir un Belmondo comme on achète un Coca, c’est-à-dire en sachant exactement ce qu’il y a dedans. » L’homme va jusqu’à triturer le son des bandes-­annonces pour les rendre plus efficaces. Sur les courses-poursuites, il ajoute les crissements de pneu de Bullitt. Sur les scènes d’action, le bruit des coups de poing de Bruce Lee. Il vend du spectacle et du rêve, quitte à manipuler la réalité.

En ce temps-là, déjà, Chateau n’est pas tendre avec la presse. Il limite l’accès aux plateaux de tournage à une seule équipe de télévision, le jour de la cascade la plus prestigieuse. Il n’organise aucune projection et limite les apparitions de Belmondo. Les journalistes lui rendent vite sa détestation. « C’est la stratégie de la raréfaction du produit poussée à l’extrême, analyse Tessier. Si les gens veulent voir Belmondo, ils doivent payer leur place de cinéma. Tout le contraire d’aujourd’hui où l’on sature l’espace médiatique à chaque sortie de film. » En 1980, Chateau propose à l’acteur de devenir distributeur et de contrôler toute la chaîne de fabrication, de l’écriture à la sortie des films. Ainsi est né Cérito & René Chateau distribution. Jamais, depuis la création en 1912 de United Artists par Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks et Mary Pickford, on a vu un acteur distribuer lui-même ses films.

1984 : le roman d’amitié s’achève

L’année 1984 va bouleverser le chemin de Chateau. C’est un moment charnière. Et tragique. Aujourd’hui encore, la plaie n’est pas cicatrisée. Il y a d’abord le meurtre de Gérard Lebovici. Le puissant patron de l’agence Artmedia réunit alors sous son enseigne plus de deux cent cinquante artistes: Jean-Paul Belmondo, mais aussi Catherine Deneuve, Yves Montand, Gérard Depardieu, François Truffaut, Michel Audiard... Aucun film, ou presque, ne peut se monter sans lui. « C’était un personnage triomphant, secret, un peu bourru », se souvient l’avocat Georges Kiejman, ami intime de l’imprésario assassiné.

Le lundi 5 mars 1984 à 3 heures du matin, Lebovici achève sa flamboyante trajectoire sur le volant d’une Renault 30 TX, dans un parking de l’avenue Foch : quatre balles dans la nuque, trois douilles au sol, la dernière posée à la verticale sur la lunette arrière de la voiture. La marque d’un contrat exécuté à l’ancienne. Le meurtrier a laissé le portefeuille rempli d’argent, mais a pris les papiers d’identité. Comme pour prouver à son commanditaire que sa mission est accomplie.

Lebovici n’a pas d’égal et n’en aura pas après sa mort, descendu comme on abat les puissants dans les polars qu’il a aidé à monter. «Qui a tué Lebovici, l’homme invisible du cinéma français ? » se demande Libération à l’époque. Ce crime d’une violence froide glace le milieu du cinéma. Dans les coulisses, sur les plateaux de tournage, on ne parle que de ça. Les liens supposés de Lebovici avec l’entourage du gangster Jacques Mesrine, sa ferveur dévorante pour le philosophe Guy Debord, ses amours tarifées et sa passion pour le jeu, tout alimente la machine à soupçons. Grand banditisme, engagement politique, sexe et cercles de jeu, les liaisons dangereuses de l’agent des stars sont complexes et nombreuses. Un personnage lui ressemblant étrangement apparaîtra quelques années plus tard dans Master (Éditions N°1), un roman à clef qui met en scène un nabab de la VHS dont la fiancée, actrice porno, assassine un agent du cinéma. Pour une affaire de cassettes vidéo. Dans un parking, à la .22 Long Rifle. Le livre est cosigné par François Caviglioli et Marc Francelet, dit « Marco les bons tuyaux », ex-journaliste, homme d’affaires et proche de Belmondo. Dès sa parution, il s’arrache en librairie et relance les spéculations dans le monde des salles obscures. À en croire l’un des deux auteurs, il n’y avait pas de quoi. « Bien sûr, nous nous sommes inspirés de la réalité, m’explique avec le recul Marc Francelet, d’une voix forte et enjouée ; mais nous avons inventé une histoire, comme les scénaristes d’un film. Les personnages ont vraiment existé mais tout le reste était de la fiction... »

En 2004, le journaliste du Monde Jean-Luc Douin publie une longue enquête sur l’imprésario disparu, sous le titre Les Jours obscurs de Gérard Lebovici (Stock). Il évoque différentes hypothèses sur sa mort. L’une d’elles implique René Chateau – ce dernier a assigné l’auteur en diffamation et obtenu gain de cause. Quand on interroge Jean-Luc Douin aujourd’hui, il se contente de préciser : « Toutes les personnes qui ont cité Chateau et ­Lebovici dans un même article ont été attaquées en justice et ont perdu. Je mets tout le monde en garde contre lui. Mais je ne pense pas qu’il soit le commanditaire. » Depuis tant d’années (et de recherches), personne n’a en tout cas apporté le moindre indice probant susceptible d’inscrire le nom de René Chateau au générique de ce thriller macabre.

Oui, il y avait une certaine compétition entre Lebovici et Chateau, une « rivalité constante et féroce, comme deux hommes qui se disputent la même femme », se remémore Philippe Labro. Mais ce n’était pas suffisant pour constituer un mobile. « Il avait tellement d’ennemis que vous trouverez forcément quelqu’un qui dira que c’est lui qui a cassé le vase de Soissons », estime un de ses amis de l’époque, aujourd’hui fâché avec le roi de la VHS. Kiejman lui-même écarte catégoriquement la piste Chateau et insiste sur « l’incurie de la police judiciaire ». « Au bout d’un an d’enquête, explique l’avocat, les policiers n’avaient toujours pas auditionné la veuve de Lebovici. Le juge était persuadé que le meurtre était lié à un trafic de VHS. » Pour Jean-Jacques Valance, alors officier à la brigade de gendarmerie et chargé au même moment d’une affaire de VHS piratées (68 arrestations en trois semaines), les deux histoires n’ont rien à voir: « Le lien n’a jamais été établi entre les deux affaires. C’est également faux de dire que rien n’a été fait. J’ai vu de mes propres yeux des armoires pleines de documents. Ils ont enquêté dans les milieux de la vidéo, du cinéma, dans l’entourage de Mesrine [Lebovici était le protecteur de sa fille], dans les mouvements d’extrême gauche, dont il était proche. Le désarroi de mes collègues était surtout lié à sa vie tumultueuse. C’est le qualificatif qu’ils employaient. Il y avait trop de pistes. » Valance affirme à présent que « la rumeur Chateau est une grosse connerie ». C’est pourtant l’explication que Chateau m’a donnée à son silence de trente ans : « Démentir une rumeur, c’est la confirmer. » Et après un instant de silence, il m’a lâché : « Cette histoire m’a fait énormément de tort. La calomnie, c’est abominable. C’est du napalm. »

De cette même année 1984 date sa brouille avec Jean-Paul Belmondo. Le filon commercial a commencé à se tarir, l’acteur approche de la cinquantaine, les scénarios sont transparents, seuls les dialogues de Michel Audiard et les cascades de Rémy Julienne sauvent les films de la débâcle. Chateau, lui, multiplie les réussites. Depuis 1973, il est l’exploitant du cinéma parisien Hollywood Boulevard, à deux pas du musée Grévin. Souvenir fameux pour tout amateur de cinéma bis. Il commence par exploiter ses films américains fétiches, Règlements de comptes à OK Corral et Le Pont de la rivière Kwaï. Le succès arrive à la suite d’un voyage à Dakar. C’est dans la capitale sénégalaise qu’il découvre Bruce Lee et les productions de la blaxploitation – le cinéma afro-américain des années 1970 – dans un cinéma des bidonvilles. Il achète les films de la star asiatique, qui vient de mourir, et applique la méthode rodée avec Belmondo : il fait dessiner des affiches mémorables, crée une silhouette géante du Fred Astaire du kung-fu, qu’il accroche (sans autorisation) sur la devanture de son cinéma. Et surtout, il n’hésite pas à couper de nombreuses scènes pour rendre les films plus accessibles à un public occidental. Pour les longs métrages de la blaxploitation, il glisse le mot « noir » ou « Harlem » dans tous les titres. Coffy, avec la pulpeuse Pam Grier, devient ainsi La Panthère noire de Harlem, même si l’histoire se déroule... à Los Angeles. Karaté, action, films d’horreur, films porno, les Antillais croisent les pieds-noirs, les bagarres sont légion, une ouvreuse se fait même poignarder. Il y restera dix ans.

« Les films que vous ne verrez jamais à la télévision »

Quand la censure l’empêche d’exploiter en salles Massacre à la tronçonneuse , il mont e sa propre société d’édition vidéo. Toute une génération découvrira ainsi Maniac ou Zombie, des films d’horreur interdits en salles et à la télévision. La f orce de Chateau est à nouveau de retourner à son avantage une contrainte. Les jaquettes percutantes des cassettes dégoulinent d’hémoglobine et le titre de la collection – « Les films que vous ne verrez jamais à la télévision » – est d’une formidable efficacité commerciale. « On louait tous ses films car il y avait cet interdit qui attisait vraiment l’envie, se souvient Bruno Terrier, qui tient désormais la boutique parisienne cinéphile Metaluna. On croyait qu’on ne les verrait jamais autrement. C’était magique. » C’est grâce à la vente des droits télévisés des films de Bruce Lee à La Cinq de Berlusconi que Chateau s’offre son hôtel particulier parisien et sa demeure tropézienne. « Ici, c’est la maison de Bruce Lee », aime-t-il à répéter devant ses visiteurs, histoire de bien souligner qu’il ne doit pas sa fortune à Belmondo.

Son millier de films en VHS, puis en DVD, de Sissi impératrice à Si Versailles m’était conté, lui crée des inimitiés dans le milieu. Des cinéphiles lui reprochent régulièrement la qualité médiocre de certaines copies, l’absence de chapitres sur la plupart de ses éditions. Certains ayants droit se dressent parfois contre Chateau. Souvent l’affaire en reste là, faute de preuves suffisantes, mais il arrive que les événements tournent en sa défaveur. Exemple le plus connu, celui de la VHS de La Belle Équipe, film sur la classe ouvrière à l’époque du Front populaire, réalisé en 1936 par Julien Duvivier. Chateau perd en appel face au fils du cinéaste « qui en a fait le combat de sa vie », explique son avocat Me Choukroun. Chateau avait acquis des catalogues auprès d’ayants droit qui n’en étaient pas réellement propriétaires. Il avait donc acheté des coquilles vides. Il perdra ainsi l’exploitation de dix films de Duvivier. « Je n’avais pas les droits, mais je ne le savais pas », se défend Chateau. Quand on sait que le fils de Duvivier a dépensé 400 000 euros en honoraires d’avocats dans ce combat, on imagine combien l’affaire a coûté à Chateau. Aujourd’hui, c’est la famille du cinéaste Gilles Grangier qui est en procès avec lui. « Le secret de Chateau, c’est qu’il lui arrive d’acheter les droits producteurs sans rechercher les droits d’auteur, ce qui est monnaie courante dans ce métier », raconte un professionnel du milieu qui préfère rester anonyme. Chateau s’insurge. « Toutes les lois sont pour les auteurs, hurle-t-il. C’est vrai qu’on a parfois du retard à payer les ayants droit, que parfois j’ai foncé trop vite. Mais j’ai toujours ensuite régularisé la situation. » Dès le lendemain de cette discussion houleuse, il m’enverra deux douzaines de témoignages de célébrités en sa faveur.

En 1984, Belmondo tourne Joyeuses Pâques, adaptation ridicule de la pièce de Jean Poiret. Au même moment, Chateau donne des interviews, en lieu et place de l’acteur fâché avec une presse qui a pris l’habitude de l’éreinter. Les titres vont froisser la star : « La vraie raison du succès de Belmondo » ( Le Monde ), « Le lanceur des morfalous » ( Défis ), « La PME Belmondo » (Télérama). Le comédien disparaît derrière une usine dirigée par Chateau. L’intéressé se défend : « Je reconnais que j’ai un ego important, mais tous ces articles, c’était pour dire du bien de Belmondo ! » Arrivé sur le tournage, l’acteur lui tomb e dessus et l’attrape par le col. Les versions divergent sur la suite de cette scène.

« Vous vous êtes battus ?
– Non, répond René Chateau.
– Il vous en a mis une ?
– Non. Belmondo a crié : “Pourquoi tu dis que Cérito, c’est toi ?” »

Les inséparables ne se sont jamais reparlé. « S’il est encore furieux aujourd’hui, c’est peut-être qu’après moi, il n’a pas fait les bons choix, insinue Chateau. Il suffit de voir la couverture de Paris Match en 1985 avec son yorkshire dans les bras. Abominable. Jamais je n’aurais autorisé ça. Avec moi, il faisait une apparition par an à la télévision, l’a nnée suivante il en a fait dix. J’ai mis une décennie à façonner son image de marque, il a mis un an à la détruire. » Belmondo n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien mais a évoqué le cas Chateau dans Première en 1985, un an après leur rupture : « Son travail a été très bien, très efficace. (...) Quand j’ai vu arriver le même projet d’affiche que d’habitude sur Joyeuses Pâques , j’ai craqué. J’en avais marre de voi r toujours les mêmes dessins, même quand les films étaient très différents. (...) Le système de Chateau, c’est de dire : “C’est une image de marque, si elle n’est plus ça, cela ne va plus.” (...) J’ai eu le sentiment, en lisant des interviews de Chateau, que je n’avais pas existé avant qu’il arrive. Quand même ! » L’acteur a la rancune tenace. Brigitte Lahaie, maîtresse de Chateau juste après la dispute, dit avoir trouvé « un homme qui a énormément souffert ». « C’était douloureux pour lui d’en parler. Le problème avec René, c’est qu’il veut trop formater les gens, alors que Belmondo voulait se sortir de cette image de cascadeur tout­puissant. Il a voulu faire la même chose avec moi. C’est son talent... et sa limite. » À chacun de no s entretiens, il n’a pas manqué de répéter qu’après leur séparation, Belmondo n’a rencontré qu’une seule fois le succès au cinéma, avec le film de Claude Lelouch It inéraire d’un enfant gâté. « Chateau est naïf, dit Philippe Labro. C’est l’époque qui a changé, les sensibilités, le cinéma. Et c’est surtout Jean-Paul qui n’est plus Jean-Paul. »

Dix-huit années effacées pour une simple histoire d’ego mal placé ? C’est peut-être un peu facile. En creusant, un autre motif de leur discorde apparaît au fil des témoignages de certains témoins de l’époque. « C’est une histoire de pognon, raconte l’un d’eux sous le couvert de l’anonymat. Chateau a compris avant tout le monde ce qu’allait devenir la vidéo. Il a signé des contrats avec Belmondo pour distribuer ses films en VHS. À l’époque, les clubs vidéo se montaient comme les boutiques de cigarettes électroniques aujourd’hui. Belmondo a exigé de toucher plus que ce qui était prévu. » Luc Ténard, le directeur général de Cérito à l’époque, confirme : « C’est moi qui ai alerté Jean-Paul. L’exploitation en VHS de ses films chez Chateau ne rapportait que des broutilles et le nombre de cassettes vendues n’était qu’une misère. Après, nous sommes allés au plus offrant, on a encaissé entre 1 et 4millions de francs d’avance par film, une somme qu’on n’avait jamais obtenue chez René. » En 1990, Belmondo a revendu la société Cérito au groupe Canal+. Les négociations ont duré six mois. Montant de la transaction : environ 43 millions d’euros.

Après un ultime entretien, j’ai laissé René Chateau sur le perron de son hôtel particulier. C’est alors seulement que j’ai compris qu’il ne vit pas dans cet immeuble. Son vrai domicile est situé de l’autre côté de la rue, derrière une autre porte qu’il n’a jamais ouverte à aucun visiteur. Ses souvenirs ont quatre étages rien que pour eux. Lui répète qu’il n’est pas si seul qu’on le croit, qu’il se protège, qu’il a du mal à parler de lui. Telle la panthère noire de son logo, il tourne en rond dans sa cage dorée, entouré de ses milliers de films, livres, photos, posters, comme autant de vestiges d’une vie d’homme d’affaires, de cinéphile, de faiseur d’étoiles...

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