11 juin 2013, le jour où la bourgeoisie d’Etat a enterré les classes populaires
Le 11 juin 2013, jour des obsèques de Pierre Mauroy, un hommage national lui est rendu dans la cour d’honneur des Invalides. Toutes les composantes de la bourgeoisie d'Etat : politiques, grands patrons, hauts fonctionnaires et tous les leaders syndicaux viennent saluer la mémoire du premier « Premier Ministre » de François Mitterrand, de celui qui aimait à rappeler: «Ouvrier, ce n’est pas un gros mot».
Aux premiers rangs, on distingue : François Hollande (ENA, promotion Voltaire), Dominique de Villepin (ENA, promotion Voltaire), Laurent Fabius (ENA, promotion Rabelais), Ségolène Royal (ENA, promotion Voltaire), Alain Juppé (ENA, promotion Charles de Gaulle), Jean-François Copé (ENA, promotion Liberté-Egalité-Fraternité), Martine Aubry (ENA, promotion Léon Blum), Pierre Moscovici (ENA, promotion Louise Michel), Jacques Toubon (ENA, promotion Stendhal), Michel Sapin (ENA, promotion Voltaire), Lionel Jospin (ENA, promotion Stendhal), Aquilino Morelle (ENA, promotion Condorcet)… La plupart ne le savent pas, mais Pierre Mauroy, lui-aussi a fait l’ENNA. Une ENNA avec deux N, l’Ecole Normale Nationale d’Apprentissage.
Ce 11 juin 2013, l’Ecole Nationale d’Administration crée par de Gaulle et Thorez à la Libération enterre l’Ecole Normale Nationale d’Apprentissage, où Pierre Mauroy, fils d’instituteur, a fait ses classes. La bourgeoisie d’Etat enterre les ouvriers, les employés, les artisans, les petits commerçants et les agriculteurs. Elle enterre les classes populaires, tous ceux et celles qui n’ont plus leur mot à dire. Le constat ne date pas de ce 11 juin 2013, mais ce jour-là, il saute aux yeux. La bourgeoisie d’Etat triomphe, elle a tout raflé. Elle est à l’Elysée, dans les ministères, la haute administration, les directions des principaux partis et dirige l’économie française. Quelques pas derrière les politiques, plus discrets et moins connus du grand public, les managers des grandes entreprises nationales. Un quart d’entre eux a fréquenté l’ENA.
Aux feux de la politique, ils ont préféré le parcours qui mène de l’ENA à la Direction du Trésor, de la Direction du Trésor aux cabinets ministériels, des cabinets aux présidences prestigieuses. Ils sont nombreux, ces hauts fonctionnaires, à avoir emprunté ce parcours. Tellement que l’ENA est devenue la sixième école au monde à former le plus de PDG.
Une performance d’autant plus surprenante que rien dans les missions de l’ENA ne correspond à cet objectif. « La mission de l’ENA est de recruter et de former les hommes et les femmes qui feront vivre et évoluer les administrations, tout en leur transmettant l'éthique du service public, fondée sur des valeurs de responsabilité, de neutralité, de performance et de désintéressement. » Le modèle vertueux issu de la Résistance a fait naître, faute de contrôle, une classe dominante qui a la main mise sur tout ce qui concerne la conduite des affaires.
Autre pièce du puzzle ; les représentants des grandes organisations syndicales. Depuis la Libération, la proportion des salariés syndiqués est passée de 30% à 25 % en 1970, 20 % en 1980, 10 % en 1990, pour tomber à moins de 7% aujourd’hui. Le nombre de syndiqués à la CGT a été divisé par 6. La désaffection qui touche les organisations syndicales, plus particulièrement sensible chez les jeunes, les classes populaires, les salariés du privé et les chômeurs, est révélateur du fossé qui s'est créé. Il tient au conservatisme de la plupart des dirigeants syndicaux qui privilégient (hors syndicats réformistes, CFDT en tête) les intérêts de leurs organisations à celui de la société française. La France est le pays d’Europe qui compte le moins de syndiqués mais c’est aussi celui qui compte le plus grand nombre de permanents syndicaux rapporté au nombre d’adhérents.
Comment a-t-on pu en arriver là ? En octobre 1945, pour l'élection des députés à la Constituante, la gauche rallie pour la première de son histoire jusqu'à un électeur sur deux. Les Français et les Françaises (c'est la première fois qu'elles votent), placent le PCF, fer de lance de la Résistance sur le sol national, en tête. Avec 26% des voix, le parti des fusillés devient le premier parti de France. Ce rapport de force est déterminant pour comprendre la nature du compromis qui va être signé. Tout aussi important, de Gaulle ne fait pas confiance à la bourgeoisie. A ses yeux, elle l'a trahi en faisant le choix de Pétain. Il veut un Etat fort comme principal acteur de la reconstruction.
Ce contexte éclaire la nature du compromis entre l'homme de la France libre et les communistes. L'accord de la Libération, à l'origine d'extraordinaires avancées sociales, économiques et industrielles, sera fondé sur les bases d’un capitalisme d’Etat à la française - nationalisation de l’énergie, des banques, des assurances, de Renault. Les grandes entreprises seront contrôlées par des grands commis de l’Etat, les syndicats récupèreront la gestion et la manne des comités d’entreprise. Mais le choix de ce « modèle français », n’est pas sans conséquence. Alors que l’Europe du Nord se rebâtit avec un pôle social-démocrate et une alternative libérale, la France, elle, donne naissance à des jumeaux : une gauche et une droite étatique. 70 ans plus tard, 75% des Français ne voient plus de différence entre la gauche et la droite (Baromètre confiance Cevipov 2017). D'où le succès dans l'opinion du slogan l'UMPS et de sa version républicaine, le « ni droite, ni gauche ». Cette dégénérescence d'un pacte vieux de 70 ans qui n'a pas été renouvelé est la condition objective qui a prévalu à l'élection de Emmanuel Macron.
Avec le temps et par manque de garde-fous, les grands commis de l’Etat, ceux qui gagnaient peu mais défendaient avec dévouement l’intérêt du pays, sont devenus, sous l’effet de la révolution néo libérale, une bourgeoisie d'Etat (au sens marxiste du terme). De leur côté, les représentants de la classe ouvrière sont majoritairement devenus une bureaucratie syndicale. Leur point commun, source des frottements au sein du pays, la défense exclusive de ceux qui sont à l'intérieur du système.
Claude Posternak
Le nouveau partage aux Editions Fauves
La schizophrénie de l’opinion française aux Editions Fauves
Par Berivan Firat
Ce n’est pas la faim qui nous tue, c’est le silence !
Le 7 novembre, Leyla Güven, Députée kurde du HDP (Parti démocratique des Peuples) entamait une grève de la faim dans la prison turque de Diyarbakir pour dénoncer les conditions inhumaines des prisonniers politiques kurdes, tortures systématiques, viols des femmes, et l'isolement carcéral imposé depuis 20 ans au leader kurde Abdullah Öcalan sur l’île-prison d’Imrali.
Depuis, plus de 7000 prisonniers politiques ont entamé à leur tour une grève de la faim. Parmi eux, neuf se sont donnés la mort.
En solidarité, 14 personnes, depuis le 17 décembre sont en grève de la faim à Strasbourg et sont aujourd’hui dans une situation dramatique.
Il est plus que temps, que l’Occident, l’Union Européenne, la France voient et reconnaissent le véritable visage de la Turquie sous la présidence d’Erdogan qui, chaque jour, viole les conventions européennes, la Convention des droits de l’Homme, la Convention de Genève dont son pays est signataire.
Les Kurdes ont perdu des dizaines de milliers des leurs en combattant en première ligne contre l’Etat islamique. Les kurdes sont le seul peuple du Moyen-Orient qui garantit une société pluraliste multi-ethniques, multi-confessionnel et séculaire.
Il est temps de soutenir ouvertement nos alliés, ceux qui ont combattu pour nous tous, les ennemis de l’humanité.
Il est temps de missionner le Conseil de l’Europe et son comité de prévention de la torture (CPT) afin qu’il assure les fonctions pour lesquelles il a été créé.
Il faut agir au plus vite pour que Leyla vive, pour que les Kurdes ne meurent pas de votre silence dans les prisons turques et en plein cœur de la capitale de l’Europe, en plein cœur de la ville française de Strasbourg.
Les Kurdes ont combattu pour nous tous. Aujourd’hui c’est à notre tour d’élever notre voix pour que le cri des Kurdes en grève de la faim soit entendu. La torture, la violence, les viols, l’isolement carcéral sont des crimes.
Il est plus que temps de le dénoncer à haute voix et de joindre votre voix à la voix des Kurdes pour que cesse cette barbarie.
Pour agir, pour dénoncer, pour soutenir, pas besoin d’être Kurde, soyons seulement humain.
Signez la pétition pour sauver les Kurdes en grève de la faim : ACCEDEZ A LA PETITION
«Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire»: Albert Einstein
Nous, femmes des médias, appelons à faire barrage à l’extrême-droite en votant Emmanuel Macron
Nous, féministes et engagées, appelons tous les femmes et les hommes sensibles à la cause des femmes à se mobiliser contre l’abstention et le vote blanc au second tour de l’élection présidentielle.
Parce que nous sommes féministes, nous savons qu’il a fallu arracher de haute lutte tous nos droits, à commencer par le droit de vote.
Parce que nous sommes féministes, nous luttons pour l’universalité de nos droits, au delà de nos différences politiques ;
Parce que nous sommes féministes nous savons combien nos acquis si difficilement gagnés sont fragiles.
Parce que nous sommes féministes nous n’ignorons pas le mouvement mondial de régression du statut des femmes et de leurs droits, emporté par tous les partis conservateurs, extrémistes et rétrogrades.
C’est donc cette voix féministe que nous souhaitons faire entendre aujourd’hui, dans ce contexte politique extraordinaire, où encore une fois, hélas, un parti d’extrême droite, le Front National, est au second tour de la présidentielle.
Au-delà de nos différentes sensibilités politiques, les signataires de cette tribune, appelons à la mobilisation contre l’abstention !
Ne pas voter ou voter blanc c’est être indifférent à l’issue du second tour et c’est donc penser que Macron ou Le Pen c’est pareil !
Ne pas voter ou voter blanc revient à donner force à Mme Le Pen et à promouvoir implicitement son programme dont on sait qu’il serait, du seul point de vue des femmes et de leurs droits, un recul historique.
Pour prendre mesure de cette régression, il suffit d’examiner les positions de Mme Le Pen et des autres députés d’extrême droite au Parlement Européen sur les questions d’égalité, d’accès à l’avortement, de droit à disposer de son corps, des droits génésiques, pour s’en convaincre.
Si on peut légitimement avoir des débats et des divergences politiques ceux-ci ne peuvent se faire au détriment du statut et de la place des femmes dans la société. C’est là une question fondamentale au cœur de la République.
Alors nous l’affirmons avec force, appeler à ne pas voter ou voter blanc, est non seulement une faute politique, mais plus encore un aveuglement, une irresponsabilité quant au risque que nous prenons de voir nos idéaux d’égalité, de liberté et de fraternité s’effondrer.
Les signataires de cette tribune appellent donc chacune et chacun à voter pour Emmanuel Macron pour faire barrage à l’extrême droite française.
Signataires
Bouchra Azzouz, réalisatrice ; présidente des Ateliers du féminisme populaire.
Laurence Bachman productrice
Marie Binet Cinéaste
Nathalie Cottet
Eva Darlan ; Comédienne
Mercedes Erra; fondatrice BECT présidente du CA du musée de l’immigration
Andréa Ferreol , comedienne
Emmanuelle Guilbart
Simone Harari Baulieu ; productrice
Laurence Herszberg ;
Elsa Lafon ; Directrice des éditions Michel Lafon
Caroline Lang
Bouchra Rejani Productrice
Delphine Remy-Boutang
Sonia Rolland ; comédienne, réalisatrice
Fabienne Servan-Shreiber ; productrice
Léa Wiazenski ; écrivaine
Maryse Wolinski ; écrivaine
« Pour les Femmes Dans les Medias » est une association apolitique de femmes dirigeantes des médias, dont l’objectif est de rendre les femmes plus visibles et plus présentes sur les antennes comme dans la hiérarchie. PFDM soutient par ailleurs les « ateliers du féminisme populaire » afin de créer un pont entre celles qui sont dans les médias et celles qui s’engagent sur le terrain.
Lettre ouverte aux agents publics
À tous les agents publics de notre pays,
Je m’adresse à vous en tant qu’ancien collègue : comme vous, j’ai souhaité consacrer une partie de ma vie active au service de l’Etat car je crois profondément aux valeurs du service public. Elles m’animent toujours aujourd’hui et sont au cœur de ma candidature pour la Présidence de la République.
Je connais votre engagement, vous qui enseignez, soignez, assurez notre sécurité et nos services de proximité, rendez la justice et faites vivre notre système de solidarité. Je sais à quel point des services publics efficaces et de qualité sont indispensables à la cohésion sociale, à l’égalité républicaine, à la croissance économique. J’aimerais donc vous présenter personnellement ce que j’entends porter avec vous si les Français me choisissent, ce que j’attends de vous et ce que je compte porter pour vous.
Mon ambition est de renforcer avec vous les services publics et de vous rendre encore plus fiers de servir la République et ses valeurs.
Le service public que j’appelle de mes vœux est un service public plus accessible dans les territoires qui se sentent les plus délaissés : au cœur de la France rurale comme dans les quartiers populaires, dans les zones périurbaines comme en outre-mer.
Ensemble, nous allons organiser le retour des services publics dans ces territoires, avec le soutien des associations et en impliquant les habitants dans les décisions qui les concernent. Partout où c’est nécessaire et utile, nous développerons les maisons de service public pour regrouper dans un même lieu tous les services essentiels à la vie de tous les jours (poste, prestations sociales, accès à l’emploi...). Nous doublerons le nombre de maisons de santé d’ici 2022. Pour que le service public soit mieux ancré dans le quotidien des Français et réponde mieux à leurs besoins, je ferai appel à vos idées en développant l’expérimentation de nouvelles solutions au plus près du terrain.
Nous continuerons à adapter avec vous l’accès aux services en fonction des contraintes et des attentes nouvelles des usagers : en renforçant l’ouverture le soir et en fin de semaine pour certains, comme les bibliothèques ; en développant pour tous les services numériques. D’ici 2022, 100% des démarches administratives – du dépôt d’une plainte en ligne à l’inscription d’un enfant à la cantine en passant par le renouvellement des papiers d’identité – devront pouvoir être effectuées sur internet. Nous ferons ainsi de la France la référence pour les services publics en ligne et répondrons à l’attente d’une grande partie de nos concitoyens. Nous répondrons aussi à votre attente de consacrer moins de temps aux tâches administratives répétitives, et davantage à l’accompagnement personnalisé des usagers qui rencontrent le plus de difficultés.
Ces transformations impliqueront de revoir profondément les méthodes de travail ; c’est ainsi que nous répondrons aux attentes de nos concitoyens.
Le service public de demain devra aussi faire plus pour ceux qui ont moins. Nous ne pouvons plus nous contenter d’offrir le même service à tous et partout, je veux donc fixer au service public des obligations de résultat et non plus seulement de moyens. C’est l’honneur du service public que de veiller à ce que chacun, quelle que soit sa condition, ait accès à un service public de qualité.
Dans cet esprit, je m’engage à donner à celles et ceux d’entre vous qui enseignent en zones prioritaires plus de temps par élève, en divisant par deux les effectifs des classes de CP et de CE1. Nous réussirons ce projet en réorientant une partie des 60 000 postes créés ces dernières années et en créant jusqu’à 5 000 postes supplémentaires. Je souhaite aussi renforcer les effectifs de police et de gendarmerie dans les quartiers et les territoires où la sécurité quotidienne est la plus fragile. Pour faire face aux nombreuses difficultés que rencontrent les hôpitaux et au vieillissement de notre société, je maintiendrai les effectifs de la fonction publique hospitalière durant les cinq prochaines années.
Notre service public est une richesse, nous devons investir dans son avenir. Je veux pour vous de meilleures conditions de travail. J’investirai 5 milliards d’euros pour moderniser le service public, améliorer vos outils de travail, alléger les procédures, libérer du temps utile et engager enfin la révolution numérique au sein de l’administration. Nous investirons également 5 milliards d’euros dans la prévention et l’hôpital, pour développer la télémédecine en aidant financièrement les patients, les associations, les professionnels et les établissements à s’équiper en technologies numériques. Enfin, je soutiendrai les collectivités territoriales dans leur effort de modernisation.
Le service public de demain reposera, plus que jamais sur le principe de confiance. Vous aurez davantage de marges de manœuvre pour agir en fonction de la réalité du terrain – et pas des règles dictées d’en haut. Je donnerai plus d’autonomie aux administrations locales dans la gestion des équipes et des budgets. Les changements d’organisation seront dictés par les besoins identifiés, en concertation avec vous et vos représentants.
Pour améliorer la confiance entre le service public et ses usagers, il faut davantage de transparence et une évaluation plus claire de la performance. Je souhaite que chaque établissement recevant du public – des commissariats aux préfectures en passant par les écoles, les mairies, les hôpitaux et les tribunaux – affiche ses résultats et rende des comptes sur la qualité du service qu’il dispense en fonction des réalités locales. Vous le savez d’ailleurs : si le service public ne porte pas lui-même cette exigence, d’autres le feront pour lui.
Pour préparer l’avenir et rendre la dette publique soutenable pour nos enfants, nous réduirons dans le même temps nos dépenses de fonctionnement. A l’échéance du quinquennat, j’ai fixé un repère : le non-remplacement de 120 000 départs à la retraite. Et nous aurons une règle simple : réduire les recrutements sans dégrader la qualité du service public.
Enfin, je veux pour vous plus de reconnaissance et davantage de perspectives de carrière.
La reconnaissance, c’est d’abord une plus juste rémunération. J’augmenterai votre pouvoir d’achat, comme celui des salariés des entreprises : vous paierez moins de cotisations et votre salaire net sera augmenté d’autant. La reconnaissance, c’est aussi payer mieux ceux qui s’impliquent plus dans leur travail. C’est pourquoi j’introduirai davantage de rémunérations au mérite qui récompensent les efforts, plutôt que des mesures générales qui s’appliquent à tous de la même manière.
Enfin, je veux un service public qui gère mieux ses agents. Je ne remettrai pas en cause le statut de la fonction publique mais je veux m’attaquer à ses rigidités, en introduisant plus de mobilité professionnelle avec un effort exceptionnel en faveur de la formation, plus de passerelles, plus de possibilités de reconversion, moins d’obstacles statutaires qui limiteraient votre progression.
Je souhaite aussi ouvrir le service public par le recrutement sur contrat dans certaines fonctions, notamment d’encadrement et d’expertise, pour attirer des professionnels d’expérience et d’horizons variés, issus de l’entreprise ou du secteur associatif. Je ne doute pas une seconde de la qualité de celles et ceux qui servent la sphère publique, mais celle-ci a besoin de s’ouvrir à d’autres talents et d’autres expériences. Les organisations inventives sont celles qui savent accueillir en leur sein des hommes et des femmes dont les parcours et les regards sont divers.
Enfin, je veux instituer pour vous comme pour tous les actifs un système de retraite universel, plus lisible et plus juste. Votre régime de retraite n’est pas plus généreux que le régime général. Mais ses règles sont source de complexité, d’injustices parfois. Elles désavantagent les mobilités. Les règles seront les mêmes pour tous. Elles seront mises en place progressivement, après concertation et examen des différentes options possibles, et ne concerneront ni les retraités actuels ni les agents qui sont à moins de cinq ans de la retraite. Nous ne ferons pas d’économies sur les retraites des fonctionnaires.
Voilà, en quelques lignes, l’ambition que je porte. Je vous inviterai à y prendre pleinement part. Je connais la force, la constance et la sincérité de votre engagement. Comptez sur ma détermination à écrire avec vous une nouvelle page de l’histoire de notre service public qui, plus renforcé que jamais, incarnera les valeurs de la République et fera vivre notre idéal commun d’une société plus juste et plus solidaire.
Emmanuel Macron : un candidat engagé pour la nature et le bien-être animal
Sébastien Mabile, avocat, Maître de conférences à Sciences Po
Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde
Sylvie Rocard, administrateur de la Fondation Brigitte Bardot
Thème confidentiel de la campagne, la protection de la nature demeure un enjeu prioritaire et nécessite un engagement politique fort pour mettre un terme à la sixième phase d’extinction de masse des espèces, dont l’humain est l’unique responsable. Emmanuel Macron affirmait dans Les Echos que « la transition écologique, c’est la grande affaire du siècle ». Affaire économique sans aucun doute, mais également éthique, tant notre responsabilité à l’égard de la disparition des espèces ou de la souffrance animale est grande. Gandhi affirmait que « la façon dont une nation s’occupe des animaux reflète fidèlement sa grandeur et sa hauteur morale ».
Les espèces, l’eau et l’air ne connaissant pas les frontières, toute politique de protection de la nature doit d’abord s’appréhender dans un cadre européen et international. Les conventions internationales et directives communautaires constituent les premiers outils d’une politique efficace, appréhendant les espèces dans leur habitat, lequel couvre parfois des océans ou des continents entiers. Aussi, tout repli nationaliste est voué à l’échec. L’hostilité de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen à l’égard des politiques communautaires traduit une méconnaissance des dispositifs européens mis en place pour protéger les espèces sauvages et leurs habitats. Emmanuel Macron souhaite au contraire renforcer ce mouvement en organisant une grande conférence internationale sur la biodiversité et impulser une mobilisation mondiale identique à celle du climat. Nos océans en particulier, biens parmi les plus précieux, devront faire l’objet d’une protection renforcée.
Il est également le seul candidat à proposer de renforcer la lutte contre le commerce illégal d’espèces protégées, à vouloir soutenir la lutte contre le braconnage en Afrique ou en Asie et lutter contre les trafics d’animaux en Europe. Il n’est pas admissible que des êtres vivants soient l’objet de tels trafics, pour alimenter des filières de fourrures ou de produits prétendument médicinaux.
Exiger des autres Etats, notamment africains, de protéger leur faune sauvage suppose d’accepter, ici, la cohabitation avec les derniers grands prédateurs que sont l’ours, le loup ou le lynx. Emmanuel Macron va poursuivre le programme de réintroduction de l’ours dans les Pyrénées qu’il chérit tant. L’Agence française pour la biodiversité, créée par une loi du 8 août 2016 à laquelle l’ensemble des parlementaires Républicains et Front national étaient opposés, sera ainsi renforcée. Qualifiée par François Fillon de « gadget écologique », l’Agence sera consolidée, particulièrement dans les outre-mers qui concentrent la part la plus riche et précieuse de la biodiversité.
Protéger la nature, c’est aussi protéger les habitats naturels. Là encore, Emmanuel Macron est le seul à s’engager pour un objectif ambitieux de zéro artificialisation nette des sols à travers de nouveaux contrats de transition écologique avec les régions, au-delà des propositions de M. Mélenchon. Il s’agit d’un enjeu essentiel quand on sait que c’est l’équivalent de la surface d’un département qui disparaît tous les 10 ans sous la pression foncière. La sauvegarde des espaces naturels inclura les terres agricoles et profitera aussi aux agriculteurs. Ces derniers seront rémunérés, à hauteur de 200 millions d’euros par an en échange des services environnementaux rendus.
Protéger les animaux, c’est également améliorer le bien-être animal. Ce thème est cher à Marine Le Pen quand il s’agit de critiquer l’abattage rituel, alors qu’elle s’est constamment opposée au parlement européen à toute amélioration du traitement des animaux d’élevage. Emmanuel Macron propose lui d’accompagner les éleveurs pour moderniser leurs exploitations et améliorer le bien-être des animaux. 5 milliards d’euros seront mobilisés dans ce plan de transformation agricole qui contribuera à atteindre l’objectif de 50% de produits bio, de labels de qualité ou de circuits courts dans la restauration collective et scolaire.
Le respect des animaux de ferme doit l’être jusqu’à la mise à mort. La question du maintien de l’abattage sans étourdissement devra inévitablement se poser, eu égard à la souffrance endurée. Emmanuel Macron s’est engagé à généraliser la vidéosurveillance dans les abattoirs et souhaite renforcer les méthodes de remplacement d’expérimentation animale qui n’impliquent aucun animal, vivant ou tué. Nous saluons ces deux prises de positions et appelons à lancer la réflexion concernant le rôle des associations spécialisées. Leurs salariés constituent de véritables lanceurs d’alerte et doivent être protégés pour permettre aux associations de se constituer partie civile dès lors que des infractions seront dénoncées.
Emmanuel Macron affirme que la « bienveillance » constitue sa règle. Cette bienveillance se diffusera ainsi dans l’ensemble des composantes de la société, y compris vers les non humains qui méritent aussi respect, attention et considération.
« C'est une triste chose de songer que la nature parle, et que le genre humain n'écoute pas » disait Victor Hugo.
A nous dans cette campagne de l’écouter. A nous d’être bienveillants à son égard et de changer nos comportements. A nous d’en prendre soin. En Marche !
Assurance-chômage : que proposent les candidats?
Par Marc-Antoine Authier, rédacteur à l'Institut Montaigne
Le chômage demeure la première préoccupation des Français, selon un sondage réalisé par l’Ifop en janvier. Avec un taux de chômage avoisinant encore les 10 % et une dette cumulée de l’Unédic qui devrait atteindre 33,8 milliards d’euros en 2017, la situation semble effectivement alarmante et il devient urgent de mener des réformes de fond.
Le régime d’assurance-chômage joue un rôle central dans les politiques de l’emploi en France. En effet, le montant des cotisations impacte directement la compétitivité des entreprises et les règles de l’indemnisation des chômeurs jouent un rôle clé dans leur accompagnement vers le retour à l'activité. En France, l’Unédic est l’organisme chargé de piloter ce régime. Sa gestion est paritaire, c’est-à-dire assurée conjointement par les organisations patronales et syndicales représentatives.
Après l’échec des négociations en juin 2016, les partenaires sociaux ont finalement repris les discussions à la mi-février. Ils devraient ainsi s’accorder sur une nouvelle convention avant l’élection présidentielle. Et pour cause : le régime d’assurance-chômage se trouve encore au cœur des débats, et l’arrivée d’un nouveau gouvernement au printemps pourrait les déposséder de cette prérogative. Décryptage des solutions proposées par les candidats en matière d’assurance-chômage.
Réformes à régime constant
La convention qui fixe les paramètres du régime d’assurance chômage - montants des cotisations, durée des allocations, taux de remplacement, etc. - est établie tous les deux ans par les partenaires sociaux et non par l’État, qui se contente seulement d’agréer cette convention. Autrement dit, le Président de la République ne peut pas directement modifier les paramètres de l’assurance-chômage sauf s’il propose de changer la gouvernance de l’Unédic, organisme paritaire chargé de gérer le régime.
Marine Le Pen propose de réduire le déficit de l’Unédic en instaurant une taxe additionnelle sur tout nouveau contrat d'employé étranger. La recette ainsi constituée serait alors versée à l'indemnisation des chômeurs. Étant donné la situation financière du régime, cette nouvelle ressource financière ne se traduirait pas directement par une augmentation ni de la durée ni du montant des allocations, mais occasionnerait tout de même une réduction du déficit de l’Unédic. Ces mêmes recettes financeraient également une baisse des cotisations salariales pour l’assurance-chômage.
Jean-Luc Mélenchon propose quant à lui de faire reconnaître un droit opposable à l'emploi. Autrement dit, tout citoyen en situation de chômage de longue durée pourrait faire valoir ce nouveau droit, l'État devenant l'employeur en dernier ressort. La puissance publique devrait proposer un emploi au chômeur en lien avec sa qualification, sur une mission d'intérêt général. L'indemnisation par l'allocation-chômage se poursuivrait jusqu'à ce qu'un emploi soit proposé, quitte à ce que l’État prenne en charge l’augmentation éventuelle de la durée d’allocation.
Priorité à la réduction des dépenses
Dans son programme économique, François Fillon propose d’économiser 10 milliards d’euros sur l’assurance-chômage au cours du quinquennat. Il prévoit à cette fin d’activer deux leviers : le plafonnement des allocations à 75 % de remplacement du salaire de référence, d’une part ; la forte dégressivité des allocations, d’autre part. Cette dernière mesure concernerait les demandeurs d’emploi ayant consommé au moins six mois de droits. Sa mise en œuvre nécessiterait un décret et, sans remise en cause de la gouvernance de l’Unédic, un accord des partenaires sociaux. Le candidat Les Républicains prévoit également d’appliquer la loi concernant le refus d’offres emploi. Enfin, François Fillon a indiqué qu’il souhaitait retirer la garantie apportée de fait par l’État à la dette de l’Unédic, ce qui mettrait les partenaires sociaux en situation de rétablir urgemment l’équilibre des comptes.
Emmanuel Macron propose une réforme du régime d’assurance-chômage qui permettrait également de réaliser 10 milliards d’euros d’économie pendant le quinquennat. S’il a pourtant annoncé sa volonté de ne pas modifier les paramètres du régime, ces réductions de dépenses proviendraient de réformes structurelles de ce dernier.
Notons que ces deux chiffrages reposent sur une hypothèse de réduction du chômage de 10 % à 7 % permise par une amélioration de la conjoncture économique et une meilleure compétitivité des entreprises françaises.
Adapter le régime aux mutations du marché du travail
Emmanuel Macron propose de revoir en profondeur la gouvernance du régime de l’assurance-chômage, qui ne serait plus paritaire mais publique. Ce changement de paradigme permettrait d'aller vers une assurance-chômage universelle, à l’instar de l'assurance-maladie. En conséquence, les cotisations salariales d'assurance-chômage seraient supprimées et cette baisse de recettes serait compensée par une hausse de la CSG sauf pour les petites retraites. Dans cette logique, l’assurance-chômage serait accessible en cas de démission une fois tous les cinq ans. Cependant, le candidat d’En Marche ! a également précisé qu’il souhaite en contrepartie que soit suspendu le versement des allocations-chômage après le refus de plus de deux offres d'emploi "décent", c’est-à-dire pour un salaire qui n'est pas inférieur de plus de 20-25 % à l'ancien poste.
Benoît Hamon a également fait de l’extension du régime d’assurance-chômage son principal axe de réforme du régime. Pour le candidat socialiste, cette réforme constitue d’abord un soutien à l’entrepreneuriat. Il veut ainsi permettre à chaque entrepreneur de bénéficier d’une protection contre le chômage, c’est-à-dire d’un droit à l’échec. Il s’agirait d’une protection chômage de base pour tous les indépendants.
François Fillon propose quant à lui de donner le droit à tout dirigeant d’entreprise avec un statut de mandataire social cotisant d’accéder à une caisse spécifique d’assurance-chômage.
Assumer un tripartisme transparent
Si les partenaires sociaux pilotent le régime d’assurance-chômage, l’articulation avec les politiques publiques demeure fondamentale. Ainsi, c’est elle qui prend en charge l’assistance portée aux chômeurs arrivés en fin de droits. Il est donc clair que les partenaires sociaux doivent travailler en bonne intelligence avec l’État pour ce qui concerne la détermination des autres paramètres influant sur l’emploi. Or, à l’heure actuelle, cette gouvernance tripartite n’est pas assumée, et la défenses d’intérêts politiques prend le pas sur un pilotage responsable du régime.
Dans son rapport ''Dernière chance pour le paritarisme de gestion'', l’Institut Montaigne recommande donc d’assumer un tripartisme clair en matière de gouvernance du régime d’assurance-chômage. Autrement dit, nous proposons une clarification des rôles de la puissance publique, des syndicats et du patronat. Dans cette configuration, les partenaires sociaux proposeraient des orientations pour la gestion du régime, qui seraient ensuite approuvées par le Parlement. Cette mise au clair devrait en outre répondre de la “règle d’or” obligeant les partenaires sociaux à présenter des comptes à l’équilibre pour tous les organismes qu’ils co-gèrent.
Le « lady boom » des conseils d’administration français
Par Lucille Desjonquères, Présidente de Femmes au Cœur des Conseils et Présidente en France du réseau International Women’s Forum
L’horloge tourne. La loi dite « Copé-Zimmermann » de 2011, mise en œuvre pour les sociétés cotées, oblige les entreprises à ouvrir leur conseil d’administration à au moins 20% de femmes depuis 2014 et à 40% à partir de 2017.
Les ETI (entreprises de taille intermédiaire) non cotées sous forme juridique de SA ou SCA (sociétés en commandite par actions) de plus de 500 salariés ayant plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, ont jusqu’à fin 2016 pour que leurs conseils soient conformes l’année prochaine, directement à 40%. Ce seuil passera à 250 salariés en 2020.
Un véritable « lady boom » est donc en marche dans les conseils d’administration français.
Les retardataires doivent se réveiller, ne serait-ce que pour ne pas tomber sous le coup des sanctions prévues en cas de non-respect de la loi. Il y en a au moins trois : la nullité des nominations non conformes à l’objectif de parité, la suspension de versement de jetons de présence et la possibilité d’être écarté des appels d’offres publics.
Les établissements publics sont également concernés. La loi Sauvadet du 12 mars 2012 les oblige de la même manière à ouvrir les postes de cadres dirigeants à 40% de femmes d’ici à 2017.
Cette féminisation du monde des affaires reflète une évolution profonde de notre société. En 2013, les femmes gagnaient en moyenne 24% de moins que les hommes. Mais ce pourcentage passe à 9,9% lorsque la comparaison est faite à secteur d’activité, âge, catégorie socio-professionnelle et temps de travail identiques. L’écart se réduit et surtout les entreprises ont largement intégré le fait que la mixité était un facteur de performance.
Aujourd’hui, la part des femmes siégeant dans les conseils d’administration et de surveillance a progressé de 39% pour les sociétés du CAC 40 et de 36% pour celles du SBF 120.
Mais ce n’est rien par rapport aux centaines d’administratrices qu’il faudrait trouver pour les PME, les fondations, les établissements publics ou les chambres de commerce dont beaucoup n’ont pas réalisé qu’ils allaient bientôt tomber sous le coup de la loi.
L’échéance approche et le chemin qui reste à parcourir requiert un engagement fort des membres des conseils, des assemblées et du management. On peut déplorer à cet égard que les femmes soient encore peu présentes dans les comités exécutifs. Ces « comex » sont les vrais centres de décision, en même temps que les lieux d’influence, d’animation et d’impulsion de la stratégie de toute entreprise. La part des femmes y progresse trop faiblement : un peu plus de 10% aujourd’hui contre 8,5% il y a cinq ans.
C’est dans les « comex » que l’on repère et recrute bien souvent les futurs administrateurs. Or, 56% des femmes de ces comités exécutifs sont des DRH, des directrices de la communication, des directrices juridiques ou des secrétaires générales… Elles occupent ainsi des postes qui conduisent moins facilement que d’autres aux fauteuils des conseils d’administration.
Présidentielle : sachez distinguer un candidat «sérieux», d’un candidat «pas sérieux».
Au moment où :
96% des Français désirent avoir plus d’élus issus de la société civile,
93% des Français estiment que les hommes et les femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels,
91% des Français déclarent ne plus avoir confiance dans les partis politiques,
91% des Français souhaitent que l’on prenne beaucoup plus souvent leur avis,
78% des Français se disent prêts à voter à la Présidentielle pour un candidat qui ne serait pas issu d’un parti politique,
A ce moment précis, les députés du Parti socialiste et des Républicains décident de voter une loi anti-démocratique pour museler la parole citoyenne.
Ils prennent en otage les élus et leurs 500 signatures.
Ils substituent au principe républicain d’égalité celui incertain d’équité et inventent ainsi le candidat à la Présidentielle à deux vitesses :
1) Le candidat « sérieux »
A quoi reconnaît-on un candidat « sérieux » ?
C’est assez simple.
C’est celui qui a un bilan sérieux : 6,5 millions inscrits à Pôle emploi, 2,5 millions de foyers au RSA, 63 000 dépôts de bilan d’entreprises, une dette de 2150 milliards, une extrême-droite à 30%...
Autre indice, le candidat « sérieux » c’est celui qui n’a jamais travaillé de sa vie.
2) Le candidat « pas sérieux »
C’est celui qui vit la vie des Français.
C’est celui qui pense que ce pays mérite que l’on se batte pour défendre ses valeurs.
C’est celui qui pense que la politique ne doit pas être un métier.
En fait, le candidat « pas sérieux » c’est celui qui, pour le plus grand bien de la France et des Français, veut en finir avec tous les candidats...« sérieux ».
Ça suffit !
Réforme El Khomri: anachronique, à défaut d’être visionnaire
Grégoire LECLERCQ, Président de la Fédération des Auto-Entrepreneurs
C’est donc acté: la réforme El Khomri n’aura pas lieu. Il faut dire que dès sa naissance, les oracles restaient réservés sur son sort. Pas de vraie méthode de préparation, une ministre bien chahutée, un calendrier incompréhensible, un positionnement libéral qui sied mal à la gauche, et encore moins à la gauche de la gauche… Mais le gouvernement brûla ses vaisseaux.
La suite du parcours n’a guère réservé de surprises: une pétition en ligne bien orchestrée, des manifestions syndicales malgré un front désuni, un peu de manipulation estudiantine, une journée de consultations avec les syndicats… Et l’affaire est bouclée. Bouclée ou presque, car il reste à passer l’étape parlementaire qui, si elle évite le 49-3, a encore mille fois l’occasion de retirer ce qu’il reste au texte de tentatives de flexibilisation, de n’être votée ni par la droite ni par la gauche, et de finir de mettre en miette la confiance des entrepreneurs dans ce gouvernement. Qui vont perdre espoir et patience!
Par delà les questions éternelles sur notre capacité à nous réformer collectivement, et celles tout aussi importantes du courage politique, cette loi doit être l’occasion d’une troisième réflexion: celle de son anachronisme. Partout, il est question du fonctionnement du travail, mais jamais de la définition du travail; prérequis pourtant indispensable à toute évolution législative.
C’est d’autant plus dommageable que nos modes de travail n’ont jamais autant évolué. Partout en France, dans les grands groupes, comme dans les PME ou les TPE, les nouvelles formes de travail prennent un essor grandissant, poussées d’abord par une recherche de flexibilité, et ensuite par la montée en puissance du régime autoentrepreneur, du portage salarial, du temps partagé, des plateformes digitales et de l’ubérisation…
Dans le même temps, de nombreux rapports viennent analyser, conforter et proposer d’encadrer tout ceci: Mettling, Combrexelle, CNNUM, Terrasse, France Stratégie, BPI France. Tous évoquent la question des nouvelles formes de collaboration, tous font des propositions pour mieux protéger, mieux encadrer, mieux réguler ces nouveaux travailleurs, qui n’ont certes pas d’emploi, mais ont bien un travail et un revenu.
On le voit bien: le débat philosophique préexistant sur «l’actif et le salarié» ne semble pas avoir eu lieu. Il est pourtant indispensable. Et faussé par la persistance de notre modèle social hérité du Conseil National de la Résistance, dans lequel le travail rime forcément avec le salariat: les luttes historiques autour de la condition de citoyen salarié, travailleur assujetti aux contraintes de l’entreprise et du patronat restent la norme; le syndicalisme tire ses lettres de noblesse des combats gagnés avant-guerre et aspire depuis à encadrer les relations entre les salariés et les employeurs à coup d’accords de branche et forts du monopole de la négociation collective. Mais aujourd’hui, leur représentativité largement discutable et leur image de corps intermédiaires embourgeoisés, loin des réalités concrètes du terrain, rend leur action illégitime ou incomprise, surtout chez les plus jeunes.
Si l’on sort de ce modèle pour reconsidérer dans leur ensemble tous les actifs, on repose de fait la question du contrat social, et de la dignité de l’homme au travail: plutôt qu’un salarié «contraint» par son patron, c’est une partie prenante de l’entreprise engagée dans la même logique que son patron qu’il faut considérer. Plutôt qu’une logique purement autoritaire, laissons place à une logique de discussion, de coopération, de négociation (que ce soit dans le cadre d’accords d’entreprise ou dans le cadre de relations entreprise-prestataire). Plutôt qu’une logique exclusive rendant le contrat de travail obligatoire et figé, évoquons une logique ouverte, plurielle, permettant au travailleur d’intervenir quand l’entreprise le sollicite tout en lui permettant de réaliser ailleurs d’autres missions. Les modèles anglo-saxons sont en la matière une grande source d’inspiration, à adapter évidemment.
Cette réflexion a un dernier mérite: sortir du déni pour s’attaquer réellement aux problèmes posés par l’économie de demain. Parce que la nier nous dessert, mais la comprendre nous renforcerait. Les sujets sont nombreux: meilleure protection sociale et financement de celle-ci, meilleure définition des relations de subordination, meilleur encadrement du recours aux prestataires, meilleure formation pour chacun, meilleur suivi des carrières (en cela le CPA est une bonne piste)…
Il reste donc à repartir du bon pied.
D’abord, se forger une certitude sur la manière dont on travaillera demain, en cohérence avec l’économie mondialisée dans laquelle nous agissons. Pourrons-nous tous travailler demain? La recherche fait avancer à pas de géant le robot humanoïde: jamais en pause, ni en congés et encore moins en grève, il remet en question notre notion du travail dans les années à venir. Est-ce à dire que le revenu universel pour tous doit être étudié sans plus tarder?
Ensuite, travailler à la réforme du code de l’actif plutôt qu’à celle du travailleur. Avec courage politique, il faudra proposer une vision raisonnable face à un modèle dépassé. Une vision courageuse qui remette en cause certains droits pour assurer à tous un droit à l’activité. Une vision technique sur la formation, les carrières morcelées, le financement d’une protection sociale unifiée… C’est ainsi que les Allemands ont renversé la tendance: saurons-nous nous en inspirer?
Loi El Khomri : le fusil à deux coups de Valls
Le chômage aurait, paraît-il, baissé de 0,3% en janvier. Si c’est la réalité il faut s’en féliciter. Après des mois et des mois d’augmentation continue, toute bonne nouvelle sur le terrain de l’emploi est bonne à prendre. Il n’en reste pas moins que les demandeurs d’emploi sont 6,5 millions dans notre pays et que leur nombre a augmenté de 4,2% en un an. Cet échec est une catastrophe. Le chômage de masse reste la plaie de la société française. Hollande avait pourtant toutes les clés en main pour inverser la tendance.
1) Le Président avait toutes les manettes du pouvoir. Le PS tenait l’Assemblée nationale, le Sénat, les régions, les départements et la grande majorité des grandes villes. Il avait donc tous les outils institutionnels et politiques pour imposer une solution hardie et efficace.
2) Sur le plan économique, les conditions objectives d’une reprise étaient toutes réunies: pétrole, euro et taux historiquement bas.
Lui qui croit en sa bonne étoile, avait toutes les raisons d’y croire. Encore fallait-il prendre les décisions qui s’imposaient.
La répétition incantatoire du « Il faut garder le cap » ne peut faire office de dessein fixé au pays. Surtout quand on oublie de nous dire où nous mène ce cap. C’est clair François Hollande n’est pas un homme d’Etat, les Français l’apprennent tous les jours à leur dépens. Les commentateurs croyaient déceler pourtant un manœuvrier sans égal. A défaut de stratégie et de vision, la tactique pourrait faire la farce. La-aussi, Hollande déçoit. Face à un problème aussi central et risqué que le chômage, tout bon Président de la Vème république aurait passé le plat à son Premier ministre. Il était simple de dire: « Le chômage est la mère de toutes les batailles, j’ai demandé au Premier ministre d’y consacrer tous ses efforts. » Au lieu de cela, faute majeure, il s’en rend comptable. Une aubaine pour Valls.
Un Valls qui, avec la loi travail, vient de tirer une cartouche mortelle pour le Président de la République. Le Premier Ministre le prive définitivement des voix de gauche à la Présidentielle. Il le met dans la quasi-impossibilité de se représenter. Valls sort Hollande du jeu avec une violence inouïe. Voilà pour la première cartouche. La seconde est destinée à Macron. Le ministre de l'économie est le seul et vrai rival de Valls pour 2017. Hollande avait mis dans les pattes de son premier ministre le jeune et brillant ministre de l’économie pour le ringardiser. L'imaginaire de la modernité est passé de Matignon à Bercy. Avec la loi El Khomri, Valls réaffirme : la vraie modernité c’est moi. Et si la loi ne peut passer, il pourra se démettre. Il pourra dire ce que tout le monde pense : on ne peut réformer ce pays avec François Hollande. Il faudra alors attendre la Présidentielle pour savoir si la deuxième cartouche a bien atteint sa cible.
"Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux"
Quand l’UOIF convie les pires représentants de l’islamisme radical, la ministre de l’Education nationale envoie un délégué ministériel en guise de caution.
La Boétie le disait en parlant des tyrans : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Et son livre de disséquer il y a plus de 450 ans, les mécanismes de la « servitude volontaire ». Ce livre, il est plus que temps de l’envoyer à nos responsables politiques. Même s’ils n’ont le temps d’en lire que le titre, ils auront saisi l’essentiel du message. Il semblerait en effet que plus les islamistes parlent haut et montent en puissance dans leur stratégie de visibilité dans l’espace public, plus nos représentants, de gauche comme de droite, baissent les yeux et nous trahissent en catimini.
A Lille donc, le 7 février 2016, l’UOIF, antenne des frères musulmans en France tient meeting. A l’affiche, ce que l’on fait de mieux en matière d’obscurantisme, de haine de l’Occident, des femmes, des Juifs et des homos. Les ennemis de la République, de l’égalité des droits et de la démocratie sont accueillis à bras et à micros ouverts : le Syrien, Mohamed Rateb Al-Nabulsi, le Marocain Abouzaïd Al-Mokri, le Saoudien Abdallah Salah Sana’an et bien sûr l’incontournable pourfendeur suisse de la laïcité, Tariq Ramadan.
Cerise sur le gâteau, le ministère de l’Education nationale y dépêche son délégué interministériel à l’excellence qui rejoint le gratin des intervenants. Ce que l’UOIF met fort opportunément et fort habilement en avant. Car la participation d’un représentant ministériel est une caution politique et marque la reconnaissance de son influence auprès du gouvernement. C’est un message de puissance pour les islamistes et une preuve de faiblesse de l’Etat : sur notre territoire, non seulement tout est permis, mais on vient tirer la révérence à ceux pour qui, ce que nous sommes est impur, offensant et devrait être chassé de la surface de la terre… D’ailleurs les non-quiétistes parmi les islamistes ont prouvé qu’ils étaient prêts à s’en charger…
Après les 7, 8 et 9 janvier 2015, après le 13 novembre dernier et alors que pas une semaine ne passe sans qu’un lycée ne soit évacué, suite aux menaces que l’Etat islamique a lancé contre notre système éducatif, le manque de discernement du ministère de l’Education nationale est pour le moins étonnant. Comment ne comprend-il pas qu’une telle attitude nourrit le sentiment de puissance des islamistes et leur influence ? Cela incite les populations ciblées par leur propagande à se rallier à leur cause. Entre le fort et le faible, qui à la fin sera le plus protecteur ? En général dans ce cas-là, c’est la force qui rassure, là où la faiblesse expose.
Deuxième effet délétère, la sidération que cela entraîne dans l’opinion publique. Nous sommes censés être en guerre. Nous vivons sous le régime de l’état d’urgence et ceux qui ne se cachent pas d’être les ennemis de la République peuvent diffuser leur propagande mortifère sans limite, ni freins, ni même une critique. Où sont les politiques locaux qui protestent et qui les relaient ? J’espère qu’il y en a à Lille pour s’insurger contre une telle manifestation. En attendant on perçoit surtout un assourdissant silence. Calcul, lâcheté ou peur panique, en toute sincérité cela importe peu. Si La ministre ne rappelle pas son délégué et n’annule pas sa venue, elle aura fait le cadeau de la légitimité de l’Etat aux islamistes et à leur discours. Après la séquence face à Baraka City, cette attitude serait du plus mauvais effet…
Oh je ne doute pas qu’à Lille, les prédicateurs feront une version light de leurs discours enflammés, car alors ils auront déjà gagné : la vraie victoire c’est leur venue, la caution de respectabilité que cela leur apporte et la démonstration de force qu’ils effectuent. L’essentiel est de légitimer les pires représentants de l’Islam. Car pour des gens simples, s’ils étaient si haineux et violents, si leurs appels aux meurtres étaient si condamnables, ils ne se produiraient pas si aisément en public avec l’aval (et la participation) des autorités.
Ainsi, en poliçant quelque peu un discours dont personne n’est dupe le temps d’un meeting, ils peuvent diffuser ensuite leur propagande avec un brevet de conférencier français… Que nos politiques fassent semblant de ne pas comprendre cette stratégie devient pénible… D’autant que derrière la venue du délégué interministériel à l’excellence, c’est aussi une opération de blanchissage d’un lycée, le lycée Averroès, que certains soupçonnent d’être l’incubateur d’un système radical voire visant à la fabrication d’une élite islamiste française.
Il faut dire que celui-ci a été créé au nom du refus d’accepter les règles de la laïcité, pour que les filles voilées puissent continuer à porter le voile en classe. Les liens des dirigeants du lycée avec les frères musulmans sont notoires et le lycée a déjà fait l’objet de polémiques suite au départ de certains enseignants. Mais Amar Lasfar, le président de l’association Averroès est un homme d’influence, président de l’UOIF, président de la ligue islamique du Nord et recteur de la mosquée de Lille sud, c’est un homme qui a d’autant plus de poids qu’il représente une autorité morale sur sa communauté. La venue du délégué ministériel est donc déplorable à plus d’un titre. A Lille, nul n’ignore qui est Amar Lasfar et Martine Aubry a pris ses distances avec lui dès 2013. Mais la drague alors active qu’a mené depuis le représentant de la droite auprès d’Amar Lasfar a peut-être eu raison de cette prise de conscience. Pierre Mathiot, l’envoyé du ministère, ancien directeur de sciences-po Lille ne peut non plus ignorer à qui il a affaire.
En attendant c’est avec impatience que l’on attend d’entendre la ministre de l’Education nationale sur l’envoi de son délégué ministériel. Bien sûr si cela était pour démentir toute participation d’un représentant officiel à cette sinistre mascarade, ce serait idéal. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Et si à cette occasion, nous pouvions entendre une parole politique qui porte haut les principes de la République et combatte l’obscurantisme islamiste au nom de nos principes laïques et de notre idéal républicain, nous ne laisserions pas à nos concitoyens en héritage, après une telle pitrerie, que le vote Front national pour exprimer leur sentiment d’abandon et de trahison par les partis traditionnels.
Céline Pina
Le nouveau partage
La première obligation de justice sociale n'est pas de savoir si Monoprix doit fermer à 21 heures au lieu de 22 heures, si les magasins peuvent ouvrir cinq ou sept fois le dimanche, mais de redonner un travail à ceux qui en sont privés.
Comment y parvenir ?
Les TPE et PME, premières créatrices d'emplois, ont perdu confiance dans la puissance publique. Alors que les conditions objectives d'une reprise sont réunies, pétrole, Euro et taux au plus bas, les entreprises ne recrutent pas.
Nous devons redonner confiance aux chefs d'entreprises.
Ce sont eux, avec leurs salariés, qui créent la richesse. Ce sont eux qui créent les emplois.
Pour embaucher et se développer, les TPE et PME veulent :
- moins de contraintes (les entreprises françaises s'acquittent de 25 paiements par an au titre des taxes et impôts et consacrent 261 heures à se conformer à la réglementation fiscale)
- des contrats de travail plus simples
- des seuils « syndicaux » plus souples
- des charges moins lourdes (les PME françaises sont imposées à hauteur de 62,7 % de leur résultat contre en moyenne 40,8% au niveau mondial)
- une visibilité fiscale et un rapport plus serein avec l'administration.
La Transition prendra les dispositions qui répondent à ces attentes.
Même sans croissance, ou dans le cadre d'une croissance limitée, ces nouvelles libertés permettront « mécaniquement » de relancer l'emploi.
En échange de ces mesures, les entreprises devront redistribuer plus équitablement les richesses.
Il faut élargir le principe de participation mis en place par le Général de Gaulle qui ne concerne aujourd'hui que cinq millions de personnes.
Chaque année, une partie des bénéfices sera attribuée à l'ensemble des salariés.
Pour moitié sous forme d'une prime immédiate afin d'améliorer le pouvoir d'achat, pour moitié en complément retraite pour préserver l'avenir.
Nous proposons à la société française un nouveau partage.
Plus de liberté pour les entreprises, des emplois et plus de pouvoir d'achat pour les salariés.
Nous ne voulons plus voter PS ni LR et jamais FN. Alors on fait quoi?
Front Républicain et sémantique
Jean-Daniel Lévy, Directeur du département Politique et Opinion de Harris Interactive répond à nos questions
Que recouvre encore aujourd'hui le concept de "Front Républicain" ?
L’actualité nous l’a montré. Les mots ont leur importance. Nous avons pu le voir il y a de cela quelques semaines : parler de « migrants » ou de « réfugiés » n’a pas la même incidence sur les représentations et sur les opinions. Parler de migrants, c’est véhiculer un imaginaire relatif à l’immigration et à son double corolaire de menace tant de notre identité nationale et que de déstabilisation économique et sociale. Evoquer les réfugiés fait, plus, vibrer une fibre sociale et d’ouverture qui traverse la plupart des citoyens français. Et l’incidence sur les attitudes est réelle : le regard sur l’autre, le jugement à l’égard des politiques publiques à déployer en sont impactés.
On voit à travers ce rapide exemple la force du message. L’importance des mots. On ne peut ainsi que nous interroger sur des termes aujourd’hui utilisés à l’envie : le « Front Républicain ». Il ne s’agit pas ici d’aborder les considérations tactiques ou l’opportunité d’y recourir, ou pas, mais bien de questionner le terme.
Comment justement mettre en regard Républicain et "Marinisation" des esprits?
Pour ce faire, revenons quelques années en arrière. Janvier 2011. Au Congrès de Tours, facétie historique, Marine Le Pen devient présidente du Front National.
Cette nouvelle responsabilité qui lui échoit n’est pas vue que comme un changement générationnel dynastique. Mais entendu comme un renouvellement de l’approche de cette formation politique.
Schématiquement, un passage de la sécurité à l’égalité.
Les thèmes du Front National tendent à se recentrer vers un politique garant d’un certain nombre de sécurités au niveau du territoire : sécurité des biens et des personnes (ce qui était déjà identifié), sécurité relative à la maitrise des personnes entrant sur le sol français (là aussi dans la droite ligne des discours tenus par le passé) mais également thématiques sociales plus marquées en matière d’emploi, de retraite, de pouvoir d’achat… ajoutons à cela une croissance de la réappropriation de termes jugés comme laissés en jachère par des autres responsables politiques : égalité territoriale (les « oubliés de la République »), laïcité (réinterprétée lorsqu’il est question de la pratique du culte musulman), défense des Services publics etc. Finissons en indiquant que la force du Front National – et notamment de Marine Le Pen – est de dire le réel. Ou, à tout le moins, de parvenir à mettre des mots sur une situation.
La perception par l'opinion d'une classe politique "Hors sol" ne peut suffire à faire adhérer aux thèses du Front National.
Les responsables politiques sont souvent vus, et critiqués, car considérés comme parlant « une langue morte ».
Marine Le Pen ne souffre pas de cette remarque. Son ton est clair. Et donne à voir d’une empathie qu’elle exprime aux Français. Si peu d’électeurs pensent que la présidente du Front National vit comme eux, nombreux considèrent qu’elle les comprend. Ce qui constitue un vrai atout en cette période où le politique (au moins les formations ayant été aux responsabilités ces trente dernières années) a laissé entrevoir son inefficacité sur la question principale : le chômage. Et qui plus est donnant le sentiment de vivre dans des tours d’ivoire coupées du réel.
En quelque sorte Marine Le Pen parle de sujets touchant les Français, avec des mots susceptibles d’être entendus par nombre d’entre eux et défend l’idée qu’elle se fait de la République. Elle donne le sentiment que le politique peut maitriser : maitriser le rapport à l’Europe, maitriser l’immigration, maitriser l’économie, maitriser la norme sociale, maitriser la répartition territoriale…
Aussi voter Marine Le Pen est-ce, aux yeux des électeurs conquis, attentifs ou même indifférent à la montée électorale du FN, voter contre la République ?
Rien ne nous permet de l’affirmer. Au contraire même. Le vote Marine Le Pen renvoie à l’idée de retrouver l’âge d’or (forcément reconstruit et magnifié) de la France d’avant. Une France où le politique avait la maitrise, pouvait investir, était respecté… Une époque où en France, cela marchait. Une période où la parole de la France était respectée à l’étranger. Une époque, en gros, où la République fonctionnait.
Nous pourrions donc considérer, avec un brin de provocation, que Marine Le Pen incarne pour ses électeurs acquis et potentiels (comme pour cette frange indifférente à la croissance de son poids électoral) que le vote en sa faveur est une aspiration à plus de République.
Aussi le terme « Front Républicain » se heurte à une difficulté sémantique. Comment proposer de recourir à une alliance trans-partisane pour défendre les mêmes valeurs que ses compétiteurs ? Un « Front Républicain » pour s’opposer à une personne – et une formation politique – parlant de la République, de ses valeurs et de ses déclinaisons peut-il être audible ?
Mais le concept même de Front Républicain ne s'adresse pas aux partisans de Marine Le Pen, mais à ceux qui s'y opposent.
Encore une fois, il ne s’agit pas ici, de parler des raisons pouvant amener des formations politiques à se retirer ou – plus hypothétiquement – à fusionner. Mais bien à voir la force du langage. Et les difficultés auxquelles sont confrontées les autres formations politiques à nommer ce qu’ils considèrent comme le danger d’un Front National aux responsabilités. On peut cependant penser que si un autre terme s’imposait, il aurait été – depuis le temps – trouvé. Une autre victoire du Front National.
Lettre ouverte à mes coreligionnaires
par Felix Marquardt, fondateur du think tank Youthonomics et de la Fondation Al-Kawakibi
Je m'exprime ici en tant que musulman serein et décomplexé, dépourvu par la grâce de Dieu du sentiment de manquer de légitimité pour m'exprimer qui pousse tant d'autres convertis à verser dans l'excès de timidité ou de zèle.
Le deuil des femmes et des hommes assassinés le treize novembre dernier dans les rues de Paris ne fait que commencer mais l'heure est venue pour nous, musulmans de France, de tirer enfin certaines leçons de l'horreur qui a frappé à nouveau puisque nous ne nous en sommes montrés incapables en janvier.
Il est indéniable que les musulmans sont parmi les premières victimes, en Syrie, en France comme ailleurs, des monstres qui tuent des innocents au nom de l'islam.
Il est indéniable également que nous vivons dans un pays qui n'a pas pris la mesure des conséquences de l'islamophobie et du racisme anti-arabe et anti-noir qui fermente depuis de longue années sans que l'on ne s'en émeuve, ni du coût de son incapacité à introduire des réformes économiques susceptibles d'offrir des perspectives dignes de ce nom à ses jeunes, dont certains, de confession musulmane ou non, finissent par se reconnaître dans le discours mortifère de l'État Islamique.
Il est indéniable enfin que les illuminés qui se réclament de notre religion n'ont aucun rapport avec l'immense majorité d'entre nous. Comme en témoigne leur trajectoire, dont nous prenons connaissance jour après jour, abasourdis et atterrés, ces jeunes vont le plus souvent de la petite délinquance au jihadisme sans passer ni par nos mosquées, ni par une lecture même superficielle de nos sources scripturaires.
Il n'en reste pas moins qu'il est temps que nous prenions nos responsabilités. En dépit du regain d'islamophobie qu'ont causé les kamikazes, dont on peut d'ailleurs reconnaître la nature prévisible et même compréhensible à l'aune de ce qui vient de se produire, être musulman en France demeure préférable, et de très loin, à l'être dans l'essentiel des pays à majorité musulmane.
Certes, ceux qui prétendent que l'islam est intrinsèquement belligène oublient que pour l'essentiel de son histoire et jusque récemment, on eut aisément pu prêter la même caractéristique ontologique au christianisme ou au judaïsme.
Il n'en reste pas moins qu'il existe un point commun entre nombre d'actes barbares commis dans le monde depuis quelques années: ils sont commis par des gens se réclamant de notre foi.
Se contenter dès lors de dire que ces crimes n'ont "rien à voir" avec l'islam ou se féliciter que des imams les condamnent se révèle moralement tant qu'intellectuellement un peu juste. La première condition nécessaire pour affronter efficacement un problème est de reconnaître qu'il existe. Les pirouettes intellectuelles qui permettent à certains de se contenter d'ânonner que "l'islam est parfait, ce sont les musulmans qu'il faut changer" ne nous permettront pas de transcender la présente crise de notre religion. Rejeter le terme de réforme sous prétexte qu'il ne s'agit pas tant de transformer l'islam que de revenir à ses fondements, non plus (la réforme chrétienne avait l'exacte même ambition).
Par où commencer, dès lors ? Non pas juste dans nos mosquées comme arguent les caciques du Conseil français du Culte musulman. Mais en acceptant et en nous mobilisant même pour exiger que l'État puisse de manière rigoureuse et scientifique établir des statistiques ethniques et religieuses fiables. Être musulman en France en 2015, c'est être plus pauvre que la moyenne des Français. C'est être plus mal logé, faire l'objet de discrimination à l'embauche, avoir un accès restreint aux bonnes écoles. C'est se voir refuser l'accès à des pans entiers du marché du travail et à nombre de cénacles... La liste des stigmates est longue.
En agissant aussi pour mettre ostensiblement au ban de notre communauté les néo-salafistes rigoristes, qui se prétendent pourfendeurs de l'islamophobie alors qu'ils ne cessent de l'alimenter, cultivent la fibre victimaire de nos jeunes en distillant en toute impunité leur nauséabonde vision du monde, intégriste, phallocratique, homophobe, réduisant la pratique de l'islam à une binarité grotesque entre le licite et l'illicite. Il est grand temps que nous, musulmans de France, nous nous distancions de manière claire de ces énergumènes. Faute de quoi il sera de plus en plus difficile d'être pris au sérieux par nos concitoyens non-musulmans. Avec des conséquences dont nous ne commencerons à mesurer l'ampleur que lors des élections régionales à venir. Alors, serons-nous à la hauteur?
Le 13 novembre et après?
Vendredi 13 novembre la France a été frappée au cœur par la barbarie, celle de l’organisation terroriste de l’état islamique. Un commando aguerri constitué de trois équipes agissant de façon coordonnées sur des sites différents à Paris et aux abords du stade de France ont tué de façon indifférenciée à l’arme automatique, les trop célèbres kalachnikovs, et à l’explosif, jeunes et moins jeunes attablés à des terrasses de café et de restaurants ou qui assistaient à un concert au Bataclan. Le bilan humain est sans précédent et sème l’effroi.
La France se savait menacée par l’état islamique depuis les attentats de janvier contre Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes et l’assassinat de policiers. Plusieurs attentats avaient été déjoués par notre dispositif antiterroriste et notamment par la DGSI. Mais la menace ne cessait de croitre et la survenance d’un attentat majeur était redoutée.
Daesh, contrairement à certaines analyses, s’inscrit dans la trajectoire de ses prédécesseurs et ne fait que reprendre les fatwas aujourd’hui oubliées des théoriciens du salafisme djihadiste que furent notamment Adulah Azzam, AymanEl Zawahiri et Oussama Ben Laden.
L’ennemi est le « juif et le croisé » qu’il faut combattre par le Jihad. La fatwa d’Oussama Ben Laden de 1998 rappelle cette exigence. Encore faut-il au préalable construire une base géographique, avant la reconquête par le djihad des « terres d’islam » et de porter l’épée contre les impies, les « juifs et les croisés » des pays occidentaux.
Abou Bakr Al Baghdadi a achevé la constitution de sa « base », par une conquête territoriale à cheval entre l’Irak et la Syrie. Une situation sans précédent qui lui donne des capacités financières et opérationnelles d’un état même s’il n’en a pas les attributs. Il peut donc désormais passer à la deuxième phase, celle du combat par le Djihad de l’ennemi lointain.
La France pour de multiples raisons, en particulier pour son engagement résolu de lutter contre les organisations islamistes en France et en Afrique, est devenue la cible principale de l’état islamique. Les attentats de janvier visaient la communauté juive, les forces de l’ordre et les journalistes, coupables pour d’Al Qaida et ses affidés d’avoir blasphémé le prophète.
Ceux du 13 novembre avaient pour objectif de semer la terreur en faisant le plus grand nombre de victimes sur un mode apparemment aléatoire mais en fait sur des cibles soigneusement choisies en raison de leur symbolique qui a sous tendu la planification de cette opération par l’état-major d’Al Baghdadi en Syrie.
Car ce sont bien nos valeurs qui étaient visées : la liberté de penser, d’agir, d’échanger, de partager sans contrainte, et par-dessus tout notre attachement à la culture, le théâtre, la musique, la littérature. Des manifestations que Daesh abhorre et qualifie d’idolâtrie. Al Qaida et les talibans avaient déjà détruit les Bouddhas de Bagram en Afghanistan. Al Baghdadi quant à lui, tenant d’une position beaucoup plus radicale, a fait de la destruction des trésors archéologiques de la cité antique de Palmyre une sinistre priorité. Le Bataclan n’était pas seulement un lieu où était concentré plus de mille personnes c’était avant tout une salle ce concert.
L’état islamique n’a aucune raison de cesser ses frappes. Les attentats du 13 novembre s’inscrivent dans une progression programmée en rythme et intensité des frappes contre la France. Il en a la volonté au regard de son dessein de créer un califat mondial, rêve inachevé d’Oussama Ben Laden et les moyens en s’appuyant sur les réseaux dormants qu’il a constitué en Europe ou en activant des jeunes djihadistes fraichement radicalisés acquis à sa cause résidant sur notre sol. Mais qu’on ne s’y trompe pas, d’autres pays que la Belgique peuvent abriter des réseaux logistiques de soutien ou devenir demain des cibles de l’Etat Islamique, comme l’Allemagne ou l’Italie.
Notre système sécuritaire a été pris en défaut une nouvelle fois. Il faut en convenir. Mais l’heure est à la cohésion nationale, à la résistance et à la solidarité. Les dissonances politiciennes auxquelles on a récemment assisté à l’Assemblée Nationale sont inappropriées et irresponsables à ce stade et profitent à nos adversaires. Viendra plus tard le temps du bilan et de la responsabilité politique que l’opposition est en droit d’engager dans le débat démocratique.
Ceci étant il est urgent de réagir pour prévenir le renouvellement d’attentats meurtriers qui peuvent voir l’utilisation de moyens létaux les plus diverses y compris des armes non conventionnelles. L’accroissement de notre engagement militaire en Syrie aux côtés des américains et aujourd’hui des russes est justifié. Il ne suffira pas pour autant à réduire un ennemi recourant à la guerre asymétrique et peu vulnérable aux bombardements aériens.
La guerre, contre l’état islamique puisque le mot a été lâché par le chef de l’Etat doit être prioritairement conduite en France et en Europe. Notre stratégie antiterroriste doit être repensée et mettre davantage l’accent sur l’analyse du renseignement recueilli ce qui nécessitera des ressources nouvelles.
Au plan européen des progrès significatifs sont attendus sur le suivi de personnes suspectes ou recherchées dans l’espace Schengen. La mise en place du PNR* européen n’a que trop tardé et il est temps que puissent être contrôlés les ressortissants de l’Union Européenne entrant dans l’espace Schengen pour détecter les djihadistes porteurs d’un passeport européen comme Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats de Paris.
L’état islamique, hier Al Qaida, connaissent les failles d’une construction européenne inachevée. L’espace Schengen permet la libre circulation des biens et des personnes mais n’a instauré que des contrôles très limités autorisés par les traités protecteurs de la souveraineté des états membres Ce n’est pas le fait du hasard si les attentats de Paris ont été organisés dans la banlieue de Bruxelles.
Cette situation ne saurait perdurer. Les Etats membres et le Parlement européen doivent avoir le courage politique de prendre sans délai les mesures sécuritaires qu’impose une montée sans précédent de la menace terroriste en Europe.
* Passenger Name Record : enregistrement des données personnelles des passages du transport aérien
Elections en Turquie : les Kurdes garants du pluralisme et de la démocratie
Ce dimanche 1er novembre auront lieu en Turquie les élections législatives, provoquées par Erdogan, un président dont le pouvoir qu’il rêvait absolu a trébuché lors des dernières élections législatives de juin dernier. Incapable de voir son parti, les islamo-conservateurs de l’AKP, former un gouvernement, Erdogan a donc choisi de convoquer de nouvelles élections. A cette occasion, de nombreux Français, dont une délégation de SOS Racisme, sont en Turquie afin d’observer le bon déroulé des opérations électorales.
Nous avons répondu à l’appel du HDP (Parti Démocratique des Peuples), véritable bête noire du pouvoir d’Erdogan depuis que leur score, en dépassant les 10% leur a permis d’envoyer 80 députés à l’Assemblée nationale de Turquie, privant ainsi le pouvoir sortant de toute majorité. Conséquence de cet affront fait à celui qui semble se rêver de plus en plus ouvertement en sultan, le HDP a été victime d’une terrible répression depuis plusieurs mois. Tandis que ses militants, accusés d’activités terroristes étaient arrêtés par centaines, ses meetings étaient la cible d’attentats meurtriers, dont le dernier se déroula à la face du monde lorsque des explosions tuèrent près de 100 participants à une marche pour la paix. Bien évidemment, aucun des responsables de ce différents attentats, dans la pourtant très policière Turquie d’Erdogan, n’a été à ce jour retrouvé…
Les élections qui se déroulent ce dimanche sont un enjeu majeur pour la Turquie. Enjeu majeur sur l’enracinement de la transparence du scrutin électoral dont on peut craindre qu’il soit entaché d’irrégularités là où l’opposition ne sera pas en mesure de porter son regard. Mais enjeu majeur également sur la possibilité de forces alternatives au pouvoir d’Erdogan de pouvoir émerger.
A cet égard, il est important de rappeler ce qu’est le HDP par le contenu de son programme. Fortement enraciné parmi les populations kurdes, le HDP développe un programme laïque, social incluant toutes les composantes de la société turque, quelles que soient leurs religions ou origines.
De ce fait, le HDP, par une approche pluraliste de la société turque – ce qu’est cette société ! – et par une vision résolument progressiste (sur les questions de féminisme, de lutte LGBT, de reconnaissance de la culture kurde,…) est un OVNI dans la vie politique turque.
Si les kémalistes se présentèrent comme des laïques déterminés, n’oublions pas qu’ils portaient en eux un nationalisme farouche ainsi qu’un autoritarisme bien peu compatible avec l’épanouissement de la démocratie. C’est d’ailleurs sans doute l’avènement électoral du HDP et la nécessité de nouer des alliances nouvelles qui les a poussé à faire évoluer leurs positions.
Mais, au-delà du jeu des alliances électorales qui adviendront en temps venu si une coalition parvient à mettre fin au pouvoir d’Erdogan (qui dirige la Turquie depuis 2004), l’évolution en cours en Turquie est symptomatique de l’émergence d’une société tournée vers la démocratie et l’évolution des mœurs, bien loin de la vision d’un monde musulman au mieux tourné vers le passé, au pire vers une violence ontologique.
Les évolutions en cours en Turquie, où les forces laïques et progressistes émergent d’une longue nuit, viennent contredire les Cassandre qui, en France et ailleurs en Europe, n’ont que la haine des musulmans comme boussole idéologique et stratégique.
Sans compter que, n’en déplaise aux anti-musulmans compulsifs, l’alliance constituée par le HDP est un cadre qui pourrait également laisser entrevoir avec des possibilités nouvelles la cause kurde depuis si longtemps réprimée par tout les pouvoirs étatiques de la région.
Présentés comme un élément de désintégration, les forces kurdes – colonne vertébrale du HDP – montrent avec un éclat qui rend évidemment Erdogan furieux qu’elles sont des forces non seulement ouvertes mais surtout garantes d’une vision pluraliste, ouverte et progressiste des sociétés en Turquie et au Proche-Orient, comme elles l’ont montré avec un courage que nous ne cesserons de saluer leur résistance héroïque à l’Etat Islamique (qui est sans doute l’exécutant des attentats contre le HDP).
Résistance qui ne fut pas qu’une résistance territoriale ou une simple sauvegarde de sa vie. Mais une résistance qui se fit au nom de valeurs de nature à offrir le cadre de la paix civile que cette région réclame et nécessite.
La France sans «gêne»
En France, en 2015, la question de la nationalité bat son plein… En pleine crise existentielle, incapable de savoir où elle va, la France tente de se souvenir d’où elle vient, finissant par si bien se perdre qu’elle ne sait plus très bien qui elle est.
Décomplexés, désinhibés, politiques, chroniqueurs et intellectuels jouent aux apprentis sorciers, tentant frénétiquement tous les mélanges possibles pour accoucher de définitions toujours plus scabreuses. Samedi soir, une élue française du parlement européen, ancienne ministre de la République s’est même fendue d’une sentence aussi brutale que binaire : « La France est un pays de race blanche ». Comment a-t-on pu en arriver là ?
Evidemment, en se contorsionnant un peu, on pourra expliquer que derrière cette formule imbécile se cache une affirmation plus nuancée qui consiste à rappeler que la France est peuplée majoritairement d’hommes et de femmes de type caucasien. Certes, et après ? Cela devrait-il suffire à définir la France et donc par prolongement les français ?
Déstabilisé par ces vertigineuses traversées sur le fil distendu d’une République de funambules, j’en suis venu à me demander ce qui faisait de moi un français… 3 de mes grands parents ne l’étant pas eux-mêmes, il me faillait aller chercher ailleurs le gène patriote…
J’ai d’abord essayé de théoriser ma nationalité en la cherchant dans le sang, dans le sol, puis dans la loi et dans le droit, et puis la réponse est venue, simple, ancrée, limpide : je suis français parce que j’aime mon pays, sa singularité, ses extraordinaires paysages, son Histoire chaotique de la montagne inspirée jusqu’aux rivages de la mer latine, son goût du terroir, l’odeur de ses sous-bois, le vent qui souffle à travers les plaines de la voie sacrée, le Satan de Victor, le cœur simple de Gustave, l’amant de Marguerite, les imbéciles heureux de Georges, la Tour Eiffel quand chaque soir, le soleil se couche juste devant elle en rasant la Seine.
J’aime qu’on boive le Saint-Emilion dans un verre, le Chassagne-Montrachet dans un autre et le Champagne dans une coupe, j’aime qu’on mime la victoire avant de jouer le match et qu’on nie la défaite juste après l’avoir perdu, j’aime qu’on mette l’église au milieu du village même lorsqu’on est athée comme un cochon, j’aime que l’on crie à bas la calotte juste avant d’aller à confesse ou qu’on croit encore que la gauche est à la gauche de la droite, j’aime le foie gras mais pas que l’on gave le canard, j’aime la corrida pour le taureau plus que pour le matador, j’aime penser que je suis un vrai marin parce que Tabarly, croire que je suis un beau poète parce que Baudelaire, un grand peintre parce que David et un bon couturier parce qu’Yves Saint Laurent.
J’aime les histoires cousues de fil blanc de Lelouch, les répliques d’Audiard, le charisme de Gabin, l’accent de Raimu et le regard de Morgan, j’aime que Lutèce ait mérité une messe, que la Bastille ait mérité une révolution, que le Jeu de paume ait mérité un serment et qu’un roi ait mérité Guillotin, j’aime que le code civil ait eu besoin d’un empereur, que la République ait eu besoin d’un Général et que l’abolition ait eu besoin d’un avocat, j’aime enfin que la Constitution rappelle à chacun qu’être français n’est pas un état, ni même une qualité, mais une volonté et que la France accueille comme ses enfants tous ceux qui la désirent, sans distinction aucune pour peu qu’ils aiment comme moi, regarder flotter sous l’arc de Triomphe, le drapeau français au dessus d’une tombe où le soldat qui dort ne l’est peut-être pas.
J’aime mon pays à ce point qu’il ne me viendrait jamais à l’idée ou au cœur l’envie de ne pas vouloir le partager avec ceux qui veulent l’aimer aussi.
Il y a en France, des plaines du Nord aux plages de Calvi et des forêts de Vosges aux falaises d’Etretat, un refus inextinguible d’avoir peur de ceux qui le convoitent et tapis dans le massif du Vercors la force de savoir résister à ceux qui voudraient le confisquer. Ni couleur, ni religion, ni origine ne sauraient définir ce pays. Il n’existe qu’une France éternelle et elle appartient à tous ceux qui chérissent le privilège de vivre libre et la force de vivre debout.
#Conseilducoin : les notaires ont enterré Balzac
Par Vincent CHAUVEAU, notaire à Savenay (44)
«Vous voyez un homme gros et court, bien portant, vêtu de noir, sûr de lui, presque toujours empesé, doctoral, important surtout! Son masque bouffi d’une niaiserie papelarde qui d’abord jouée, a fini par rentrer sous l’épiderme, offre l’immobilité du diplomate, mais sans la finesse.»
Voilà comment Balzac décrivait les notaires.
Ces bourgeois, ces nantis décriés de partout, ont-ils encore une place dans notre société moderne?
Le vieillissement, la dépendance, le surendettement, un dépôt de bilan… Ce quotidien, on ne le vit pas dans les ministères, ni dans les think tanks mais entre les murs des offices.
On le vit à travers le conseil gratuit offert chaque jour par les notaires.
Pour recevoir un conseil de son notaire, inutile d’avoir du pouvoir d’achat, il est gratuit mais personne ne le sait.
Pour le faire savoir, un notaire de province lance sur twitter un appel «le premier samedi de chaque mois, les notaires donnent des conseils gratuits dans les cafés populaires». Le mouvement civique et altruiste des notaires de la base dénommé #conseilducoin est alors lancé.
L’objectif est de défendre l’accès au droit pour tous.
Ces notaires de la base sont présents chaque mois dans des cafés à l’écoute des français. Au départ dans 12 villes, 6 mois plus tard ils sont présents dans plus de 120 villes.
Dans un café, autour d’un verre de vin blanc de la Loire ou de Gascogne, nous avons enterré Balzac.
Les irréformables
Par Xavier Alberti
«Egoïste», se pouvait-il qu’un jour cet adjectif s’appliquât à toute une génération. Au crépuscule de celle des baby-boomers, nous pouvons désormais sans trop de crainte affirmer que celle-ci s’est payée la tranche de vie qu’elle désirait en hypothéquant tout, à commencer par l’avenir des générations suivantes.
Au sortir d’une guerre plus sordide que les autres et qui laissa par la grâce d’un grand homme et de quelques milliers de héros la France dans le camp des vainqueurs, la génération qui voyait le jour à la fin des années 40 allait vivre cette parenthèse dorée que furent les trente glorieuses et ce, jusqu’à se payer le luxe d’une révolution qui n’en était pas une et dont personne n’avait vraiment besoin. Qu’importe, il serait aujourd’hui inutile et ingrat de leur reprocher d’être né au bon endroit, au bon moment et d’avoir par le truchement d’un continent en reconstruction vécu le plein emploi et l’éclosion de la société de consommation.
Il est tout aussi vain de revenir sans cesse sur le mois de mai 1968 comme s’il s’agissait d’un acte fondateur sur lequel s’était écrit 40 ans d’histoire. Mai 68 eut finalement le destin banal du pavé qui une fois arrivé dans la mare, y coule si bien et si profondément que 40 ans après l’interdiction d’interdire, on interdit tout et surtout n’importe quoi, de la cigarette dans les jardins publics au feu de cheminée dans les lieux privés.
Non, définitivement, mai 68 n’est pas l’origine de tous nos maux et apparaît même rétrospectivement comme une grande fête de la fin de l’été économique avant de plonger dans 40 ans d’hiver.
Car vint 1973. Le premier choc pétrolier marqua un premier tournant en forme d’avertissement dans un monde où il aurait fallu commencer à se poser la question de la pérennité d’un modèle reposant sur la recherche d’une croissance infinie dans un monde qui ne l’était et ne l’est d’ailleurs toujours pas.
1978 ne laissa plus aucun doute sur le fait que tout était en train de changer et que la course en avant tendait à se transformer en fuite.
Mais alors que tout nous y poussait et que les premières réformes auraient dû être envisagées dès la fin des années 70, la France allait décider de s’ancrer dans un modèle hérité d’une période bénie au cri de « Nous ne lâcherons rien » et dont le fondement consistait à tenir à tout prix, ou plutôt au prix exorbitant d’une dette qui allait s’imposer comme la mamelle nourricière d’un modèle glouton carburant à la croissance éternelle… La croissance a disparu mais le modèle est toujours là aujourd’hui, gisant de tout son poids, étouffant sous sa propre masse informe, fruit d’une idéologie transcendant tous les clivages politiques et sociaux, et se résumant finalement dans ce qui est le plus sûr chemin menant de la crise au déclin: «chacun pour soi».
Mais voilà, au bout de la chute vient finalement le moment fatal, celui de l’atterrissage, brutal, violent, sans alternative. Nous y sommes et c’est probablement à ma génération de l’assumer, au nom de nos pères – héros aux sourires si doux – qui nous ont offert 70 ans de paix continentale, un embryon hypertrophié d’Union Européenne né d’une stratégie d’évitement politique sans pareille et une ribambelle de droits qui ne servent à rien lorsqu’on ne sait plus comment on paiera ses factures l’année prochaine.
Au bout de ce processus suicidaire, la France s’est même offert le luxe d’un nouveau serrurier, amoureux de sa normalité pour finir par être banal dans une période qui carbure à l’extraordinaire. Pis encore, la guerre de succession a commencé à mettre en exergue ceux-là mêmes qui nous ont conduit jusqu’au fond du gouffre et qui viennent nous expliquer aujourd’hui que «vous allez voir ce que vous allez voir…» Et c’est bien le problème car on a vu… bien vu même, le trou béant que vous avez creusé par médiocrité, par petits calculs, par carriérisme et finalement par lâcheté, sous la pression d’une génération qui a durablement refusé de se remettre en question à chaque fois qu’elle aurait dû lâcher un peu de ses privilèges pour laisser à ses enfants un avenir, tout simplement un avenir.
Le prix de cinquante ans de surconsommation est bien plus lourd que celui de la dette qui les a financés et nous projette directement sur des questions aussi incroyables que de savoir comment parvenir à nourrir sainement la planète, à absorber l’exode climatique qui se prépare, à préserver un modèle social qui devait garantir la dignité à chacun, à financer 2000 milliards de dettes ou redonner vie à une République seule capable d’éviter les communautarismes et les affrontements qu’ils engendreront fatalement et qui ont commencé faire couler le sang en ce début d’année 2015.
Car non content d’avoir mis à terre le modèle économique et social français, c’est toute la structure républicaine qui est désormais touchée dans un pays où intégration, assimilation et éducation ont fini par s’échouer après 40 ans de lente dérive des valeurs fondatrices.
Eh bien il suffit maintenant. Votre temps est fait. Nous paierons évidemment pour finir de vous accompagner avec affection sur ce désormais interminable chemin de la retraite lorsqu’on a cessé de travailler entre 55 et 60 ans et que l’on vit en bonne forme (et c’est tant mieux) jusqu’à 90. Mais vous rendre encore une fois les clés de la maison en 2017… non, définitivement. Vous avez eu votre chance et vous avez su en profiter pleinement, grand bien vous fasse.
Que les enfants de la crise se saisissent de ce qu’ils ont sous la main, un clavier ou un stylo, une feuille ou un écran, un portevoix ou un micro, un pinceau ou une caméra et qu’ils disent haut et fort, fort et clair, clairement et nettement que c’est à leur tour.
Nous allons réformer ce pays, contre vents et marées, contre corporatismes et partenaires sociaux, contre certitudes et servitudes, et surtout contre ces élites défaites et lâches. Nous allons le faire, pas pour vous, pas pour nous, mais pour les suivants en étant certains qu’à leur tour, ils feront mieux que nous…
Le temps de la transition entre deux mondes est arrivé, et c’est à ma génération de la porter, de l’incarner, le temps d’un passage entre deux rives, sans désir de pouvoir, de soumission ou de gloire mais avec cette conviction chevillée au corps que vient un moment où la critique assise ne suffit plus et où il faut se dresser, pour porter le témoin plus loin avant de le passer au suivant.
Au terme de « quarante piteuses », partout les enfants de la crise, las d’un destin en spirale descendante, se rassemblent par petits groupes, en associations, en clubs, autour de projets entrepreneuriaux, sociaux, environnementaux, pour faire changer par l’action et dans les faits, leur pays. Ces nouveaux acteurs, souvent isolés, sont légion, convergent et se rejoindront bientôt pour former la seule communauté qui vaille, celle d’une nouvelle République.
La société multiculturelle est morte, vive la société interculturelle!
Par Alain Cabras, enseignant à Sciences Po Aix
Les attentats des 7 et 8 janvier obligent à tourner la page du débat sur le multiculturalisme et, avec elle, celle du relativisme culturel tant célébré.
Encenser ou dénoncer les vertus ou les vices du multiculturalisme comme l’ont fait les élus et les commentateurs dans les médias était déjà un débat d’arrière-garde. Des affaires des caricatures de Mahomet au massacre de Charlie Hebdo, la société française commence à payer son refus d’avoir voulu définir les modalités du « vivre-ensemble », notamment en 2005, en fuyant le débat sur les racines chrétiennes de l’Europe.
Avoir accepté de débattre de nos héritages eut permis de les redécouvrir tous et de les adopter à nouveau et de les adapter. Mais la peur de la quête identitaire l’a emporté au sein d’une certaine élite qui brandit l’étendard de la haine comme unique ingrédient contenu dans ce mot au détriment des bienfaits qu’il portait aussi en lui.
Dès lors, n’ayant plus d’identité au menu intellectuel et politique ce sont les débats sur le multiculturalisme qui ont comblé ce vide dans la France du début du XXIème.
Deux discours se sont affrontés dans un dialogue de sourds et nous ont empêché de regarder au-delà du « vivre ensemble » statique dans lequel nous nous sommes englués jusqu’au drame.
Le premier discours fut celui du refus de constater que les sociétés européennes étaient devenues plurielles. Nier que l’effondrement des empires coloniaux et la précarité absolue du continent africain avaient changé le visage de la France fut comme nier qu’Elle eut une rive en Méditerranée. Prétendre que les nouveaux entrants n’auraient pas eu droit à la reconnaissance de leurs différences c’était comme s’interdire de comprendre que la démocratie portait en elle des évolutions favorables aux droits des minorités. Ce refus a produit peurs, fantasmes et ressentiments durables devant l’idée de ce changement jusqu’à l’effroi du « grand remplacement » pour des millions de personnes.
Le second discours fut celui des vertus angéliques et illimitées de la Diversité au nom de l’égalité des cultures et de leurs modes d’expression et fustigeant les protestations de la culture majoritaire. Toute tentative d’expliquer qu’une culture nationale existe, qu’elle nécessite précaution et temps long pour évoluer et absorber des éléments extérieurs, fut considéré comme suspect, politiquement non correct et aussitôt dénoncé. Des piscines et des salles de danses interdites à la mixité à Maubeuge ou bien des prières dans les rues à Paris et Marseille furent systématiquement défendues, ou tues, au nom de ce relativisme culturel détourné de sa vocation première. Au fil du temps, toute volonté de débattre de l’islam fut même considérée comme islamophobe, y compris, envers les musulmans, Arabes ou non, qui réclamèrent un débat tels Meddeb ou Chebel.
Ces deux discours apparemment ennemis sont complices. Ils n’ont produit aucune politique publique qui renforçât l’idéal républicain. Ils ont permis l’ethnicisation des rapports sociaux en son sein. Ils l’ont affaibli en empêchant l’avènement d’une vision pour une société plurielle et apaisée préparant le passage de la société multiculturelle à la société interculturelle.
En effet, si une société multiculturelle nécessite que chaque groupe qui la compose soit reconnu, et respecté, une société interculturelle impose une exigence supplémentaire : qu’ils fassent « sens » ensemble. L’intelligence interculturelle s’appuie alors sur trois piliers. Elle prône de reconnaitre, avec bienveillance, les différences culturelles qui la composent et accepte de les nommer et de leurs accorder un statut. Elle préconise ensuite de les intégrer dans l’ensemble d’accueil, à savoir ici la nation française, en portant une attention très exigeante aux équilibres déjà présents. Cela impose qu’une culture majoritaire donc soit reconnue et préservée. Il n’y a pas de stimulation à l’intégration des cultures minoritaires sans préservation de la culture majoritaire. Sinon c’est la valeur d’exemplarité qui disparaît. Enfin, la société interculturelle combine ces différences culturelles dans un sens de la quête commun : nation, république, liberté, l’Homme ou une cause autre. Cela implique que la cause du groupe majoritaire soit devenue celles des groupes minoritaires. Dans une société interculturelle, il incombe donc au groupe majoritaire d’avoir tranché cette cause. Il semblerait que le 11 janvier dernier, une partie de la population française ait réclamé ce travail.
Les enjeux de l’Après 11 Janvier sont de rejeter le multiculturalisme qui fragmente, les formules d’assimilation qui effraient et trouver de nouveaux équilibres. C’est exactement la feuille de route proposée par le Conseil de l’Europe, en 2008, à l’unanimité de tous ses membres.
Elle est restée lettre morte.
Marcher dans sa tête
Après le choc, après l’incrédulité, après l’effroi, après la stupeur et la peur, après la colère, la douleur et la peine, après l’émotion d’un peuple rassemblé – enfin – après la fierté d’une ville monde vibrant de ses trois mots éternels Liberté – Egalité – Fraternité, après 5 jours qui font vaciller les Hommes, les idéologies et finalement l’Histoire, il faut ce matin regarder devant nous et poser cette question dérisoire et pourtant incontournable, «et maintenant ?»
Car si rien ne sera jamais comme avant, soyons certains que si nous ne faisons rien, les mêmes causes produiront les mêmes effets, à l’infini, et jusqu’à ce que nous ayons terminé de détruire la République.
Or c’est bien d’elle dont il est question, et dont il ne cessera d’être question, à commencer par un socle à reconstruire et par un pacte laïque à refonder.
La laïcité à la française s’est bâtie sur une nation mono-confessionnelle. Cent ans plus tard, islam, judaïsme, athéisme, agnosticisme ont pris une part croissante et ce, jusqu’à exacerber des revendications cultuelles qui engendrent les communautarismes et sur lesquels s’échoue l’unité républicaine. Or, sans socle commun, que nous reste-t-il si ce n’est l’illusion d’une culture commune les soirs de victoires sportives…
La perte des repères fondamentaux de notre modèle républicain et sans doute le plus terrible échec de notre modèle éducatif, à commencer par ce qui fonde une nation, la langue.
Or, l’alinéa 1 de l’article 2 de la Constitution rappelle que «La langue de la République est le Français.» Qu’en avons-nous fait à l’heure où la maitrise de notre langue dégringole dans toutes les classes d’âges et que son rayonnement s’affaiblit constamment dans un monde où le pitching language balaye tout. Quel modèle de société pouvons-nous espérer si nous sommes incapables de transmettre la langue de nos pères à nos enfants. Quelles valeurs communes pouvons-nous partager si nous ne sommes plus capables de les nommer? Quelle force donner à la loi quand on ne partage plus les codes?
L’école a également abandonné son rôle d’instructeur civique et laïque, laissant à d’autres le soin de dire la voie droite. Dans ce pays, les lois de la République précèdent celles de dieu et peut-être faut-il l’apprendre à nos enfants, de la même manière qu’il faut leur apprendre à respecter l’autre, et à retrouver les valeurs qui permettent ce respect en redonnant aux instituteurs les moyens de leur juste autorité.
L’éducation n’est que la première pierre de l’édifice que nous devons reconstruire mais sans doute est-elle aussi la plus importante. Dans la marche qui a commencé ce dimanche 11 janvier, l’essentiel va résider dans notre capacité collective à créer les conditions de la mobilité d’un modèle sclérosé.
C’est d’action dont ce vieux pays a désormais besoin pour passer d’une marche symbolique à une marche politique qui s’annonce longue et difficile. Rien ne dit au delà d’une semaine hors normes que ceux qui nous gouvernent auront la force, la clairvoyance et surtout le courage de poursuivre la marche lancée par les Français.
C’est donc à nous de continuer cette marche et de se préparer à la porter nous-mêmes pour en faire une nouvelle espérance. Ce pays a besoin de ce qui fait qu’un peuple peut se rassembler, une ambition, celle d’une république plus forte que tout.
Plus l’image des politiques plonge, plus celle des entreprises progresse
Exclusivité limportant.fr, Les Echos, France Inter et BFM TV.
Avec un gain de 5 points, l’indice image moyen des grandes entreprises françaises finit l’année en fanfare. Sur les 30 sociétés de notre panel, 21 sont en progression. Alors que le pays ne voit guère de raisons d’espérer, l’image des entreprises atteint un niveau supérieur à celui observé avant la crise des subprimes.
Il faut remonter à mars 2006 pour trouver un indice image aussi élevé.
Comment expliquer une telle euphorie ?
Plus les sondages sanctionnent l’exécutif, plus à l’inverse, l’image des entreprises progresse. En deux ans alors que la côte de popularité du Président a chuté de 69% l’indice image moyen des entreprises a de son côté progressé de 60%. Nous assistons bien à un transfert de confiance. Face à l’incapacité des politiques à résoudre les problèmes de la société française, et en premier lieu celui de l’emploi, l’opinion reporte ses espoirs sur les entrepreneurs.
Yves Rocher conserve sa première place et signe un grand chelem en 2014. Un rapport qualité prix reconnu, une entreprise internationale fidèle à ses racines bretonnes et le choix de la naturalité expliquent que 85% des Français déclarent en avoir une bonne opinion.
Juste derrière, Airbus confirme sa seconde place. L’opinion salue des carnets de commande pleins, synonymes d’emplois. L’avionneur peut se vanter d’être la société française ayant le plus d’«afficionados». Un Français sur quatre déclare en avoir une très bonne opinion.
Une industrie particulièrement à la fête. Michelin troisième et Citroën quatrième complètent le tableau. Du jamais vu. Les Français veulent une ré-industrialisation du pays et des relais de croissance. Ils soutiennent avec force une industrie made in France à la seule condition qu’elle respecte le contrat social.
Aucune enseigne de la grande distribution ne figure dans le top 5. C’est une première. Intermarché et Leclerc font d’ailleurs partie des rares entreprises en baisse.
Pénalisé par des magasins qui auraient abusé de formations financées par Pôle emploi, Leclerc se retrouve maintenant talonné par Carrefour. Avant l’arrivée de Georges Plassat l’écart était de 41 points, aujourd’hui seul un tout petit point les sépare.
A noter encore :
Tous secteurs confondus, le service public signe la plus forte hausse.
Kerviel et Brétigny sortis de l’actualité, Société Générale et SNCF (plus fortes progressions) récupèrent respectivement 28 et 25 points d’image.
Le Crédit Mutuel reste la banque préférée des Français.
Peugeot, pour la première fois depuis le plan social, retrouve le top 10.
Changer de vie, comme beaucoup de Français
Par Arnaud Montebourg
Dix millions de Français souhaitent changer de vie professionnelle et de trajectoire personnelle. Partout sur notre territoire, on voit apparaître ces pratiquants de l'exode urbain qui décident de vivre en télétravaillant à la campagne, ou dans les métropoles ces cadres supérieurs qui, passée la quarantaine, veulent redonner un sens à leur vie et décident de créer leur entreprise, leur rêve de jeunesse.
Beaucoup comptent sur leurs ressources personnelles, leur capital social ou leurs connaissances. D'autres, les plus nombreux, parce qu'ils n'ont pas souvent le choix, décident de se former à un nouveau métier. Ils sont chaque année des millions à faire, chacun selon leur niveau, l'apprentissage de nouveaux savoir-faire professionnels. C'est ce choix que j'ai engagé en me formant à l'INSEAD à la direction d'entreprise.
Pourquoi l'INSEAD ? Parce que enracinée en France, elle est une des meilleures du monde, et rivalise dans les classements internationaux sans complexe avec Harvard. Parce qu'elle est internationale et recrute dans le monde entier ses participants. Je veux remercier l'école de m'avoir aidé à financer cette formation, puisque tous les autres participants bénéficient du financement de leur formation par leur entreprise, ce qui n'est pas mon cas. Dans cette formation intensive d'un mois, nous étions 59 de 24 nationalités différentes et provenant de 32 secteurs économiques différents. 3 d'entre nous étaient des dirigeants d'entreprises publiques. Japonais, indonésiens, pakistanais, indiens, brésiliens, australiens, nord-américains, africains, européens. Tous les participants -entre 40 et 50 ans environ- sont très expérimentés, ont déjà des parcours accomplis, et ont très souvent montré des qualités remarquables. Mais ils s'interrogent sur leur vie, leur destin professionnel et désirent souvent prendre un sérieux virage, et progresser encore.
Le directeur de notre programme nous accueillait en déclarant que nous accumulions à nous tous 1000 années d'expérience et que nous allions donc nous enseigner les uns aux autres. Voici l'état d'esprit de cette école. C'est ce que nous avons donc fait en mettant en commun nos passions et nos doutes.
L'INSEAD est surtout une école d'humilité où l'on fait l'apprentissage intellectuel et pratique du travail en équipe, comme outil du succès économique, ce qui n'est malheureusement pas assez enseigné en France. C'est aussi une école de l'anticonformisme car les entreprises digèrent et intègrent en permanence les apports des sciences humaines et sociales pour améliorer leur efficacité, à l'inverse des gouvernements ou de la sphère publique qui ont un retard dramatique en la matière. Anthropologie, philosophie, économie, sociologie, éthologie, psychologie: l'apport de ces sciences permet de renouveler et de nourrir les compétences des dirigeants d'entreprise, ce qui contraste avec la paresse intellectuelle de nombre de responsables politiques qui cultivent parfois avec obstination leur inculture.
Ce n'est pas par hasard que l'économie est devenue peu à peu plus forte que la politique. Parce qu'elle s'intéresse à la société et puise dans ses enseignements son efficacité. Quant à la politique, elle ne se rend plus elle-même compte de l'institutionnalisation de sa propre arrogance, matrice fondamentale de la décision erronée ou fautive.
Lorsque j'ai quitté Bercy sur un lourd et grave désaccord de politique économique avec le Président et le Premier ministre, j'ai indiqué mon désir de retourner vivre au milieu des Français, de quitter la politique comme mode de vie à part et coupé du réel, et surtout comme source de revenu. J'ai fait le choix de l'entrepreneuriat, comme troisième vie professionnelle. J'ai en effet exercé dans ma jeunesse le métier d'avocat pendant 8 ans, puis pendant 17 ans exercé de nombreuses responsabilités politiques. Le moment est venu de réaliser un rêve : créer, reprendre, développer une entreprise. C'est ma façon personnelle, à un petit niveau, de participer à la création de richesse et d'emplois dont notre pays a besoin. La force de l'entreprise, communauté humaine, productive et créative est un des points de ralliement de notre société et d'union de nos efforts collectifs.
C'est ce que j'ai tant aimé défendre au Ministère de l'Economie et du Redressement productif. Le moment est venu pour moi de faire enfin entrer dans ma propre vie personnelle cet état d'esprit qui m'a longtemps guidé.
Changer sa vie est un acte profondément révolutionnaire pour celles et ceux qui en font leur choix.
J'ai fait ce choix, comme beaucoup de Français.
L'union des faizeux : l'autre front républicain
Ce front là réunit celles et ceux dont le crédit dépasse la soif de pouvoir et la jouissance de leur statut, celles et ceux qui rêvent et agissent pour une France enthousiaste, ambitieuse qui aura retrouvé le goût de l'aventure collective, celles et ceux dont l'avenir personnel compte moins à leurs yeux que celui des générations futures.
Il est l'union des faizeux, toutes celles et ceux qui ont délaissé le moribond marché de la promesse pour passer à l'acte et ont trouvé les solutions. Ils sont à la tête d'entreprises floirssantes comme de micro associations, d'associations florissantes comme de micro entreprises, se réunissent dans un garage comme en congrès, ont connu dans la discrétion totale ou sur la scène publique la réussite comme ils ont tutoyé l'échec.
Ce front là est profondément (las du) politique; il croit davantage aux dynamiques qu'aux solutions toutes faites, à la force des citoyens et à la vitalité de la société civile qu'aux politiques providentiels. Il porte l'amibition ultime de redonner au citoyen les moyens d'écrire son propre avenir, individuel et collectif, ne se substitute pas à lui mais veut faire avec et pour lui.
Il citerait volontiers "les forces vives" chères à De Gaulle si sa fascination de l'avenir ne l'empêchait de puiser dans les références d'hier les réponses au monde de demain.
Il serait une utopie si le numérique n'offrait aujourd'hui l'outillage pour répondre à la demande de participation des citoyens et leur volonté de devenir coproducteurs du futur.
Il serait une utopie si dans une société agile et horizontale de nouveaux modes de collaboration n'existaient déjà pour gérer la multitude et l'incertitude loin des cadres pré établis et du fantasme des nouveaux modèles.
Il serait une utopie si il n'était pas animé d'une énergie de la révolte contre la radicalisation de notre société et le sentiment d'impuissance et de fatalisme qui se propage à tous niveaux.
Ce front-là n'existe pas mais il est plus ferme que les vains et multiples appels à l'union républicaine de forces politiques si affaiblies que leur addition ne peut compenser leur rejet par l'opinion. Il n'existe pas mais il est le meilleur rempart contre les populismes et la tentation du repli sur soi. il n'existe pas mais il est nourri chaque jour par ce foisonnement d'initiatives sur les territoires et toutes celles et ceux qui n'attendent plus pour agir en hommes et femmes "vraiment" responsables. Il n'existe pas faute d'offre politique convaicante et pertinente pour l'intégrer et l'exprimer.
Je souhaite toutefois le donner à voir et à entendre via le CESE car il est plus que jamais nécessaire de redonner à notre pays des raisons d'espérer.
Le crépuscule des partis
Par Xavier Alberti
La République moribonde a la chance rare de pouvoir regarder ses assassins dans les yeux, unis par la même ambition destructrice, solidaires dans leur médiocrité, égaux dans la malhonnêteté, rassemblés dans l'opacité, verrouillés par la même hypocrisie, les partis politiques achèvent quotidiennement de souiller ce qu'il reste de gravé au fronton des mairies.
De scrutins internes en comptes de campagnes, de fausses élections en fausses factures, les partis affichent mois après mois leur véritable nature, celle d'organisations structurées pour « servir » leurs dirigeants et assurer la permanence de leurs postes, fonctions ou mandats et donc de leurs revenus.
Même le Parti Radical, honorable institution centenaire a fini par rendre l'âme sur l'autel d'une élection interne qui a tourné à la soupe à la magouille pour finalement porter à sa tête la voix moyenne de la voie médiane.
A bien y regarder la quasi totalité des processus portés par les formations politiques est entachée d'irrégularités, de fraudes comptables ou juridiques, d'enrichissements suspects ou coupables, d'élections volées, de bulletins manquants, et de finalement tout ce qui marque la déchéance tangible d'un modèle qui porte en lui le germe de sa dégénérescence.
Ainsi vont les partis politiques qui se sont construits sur ce mensonge de devoir servir quelques-uns pour être utiles à tous. Au final, dédiés à leur propre aristocratie, ils servent des ambitions, sans jamais s'intéresser à la seule qu'ils devraient chérir, celle de la France.
Les partis politiques et le régime que leur existence induit, sont à l'origine même de ce qui a profondément dévoyé le principe républicain en professionnalisant ce qui jamais n'aurait dû l'être: la représentation, qu'elle soit locale ou nationale.
Loin de concourir à l'expression du suffrage universel, ils ont participé activement à la confiscation de la parole légitime et de l'entrée dans la carrière pour finir par les sanctuariser et finalement les embaumer.
Structures endogames et fermées, les partis politiques ont fini par se donner aux plus rusés, aux plus désinhibés et finalement aux tenants de cette élite formée de ceux qui compensent de n’être bons à rien par être prêts à tout.
Parfaitement huilée, la machine partisane a même réussi à faire main basse sur la démocratie en proposant au bon peuple fasciné par les jeux et le cirque, un nouveau simulacre à la mode, alpha et omega de l’unité partisane : les primaires. Tout est pourtant dans le nom…
Au final, les primaires ne sont rien d’autre qu’un processus de confinement, interdisant l’émergence d’une autre voix, et qui débouche inéluctablement sur celle du compromis et de l’eau tiède.
C’est aussi probablement pour cela que leur défaite n'est pas que morale, mais avant tout intellectuelle. Totalement hypnotisés par la conquête du pouvoir, ils sont parfaitement incapables de penser le monde et de poser une vision sur l'avenir. Au lieu de ça, les partis dans leur ensemble ont patiemment creusé la tombe du modèle français en se servant de leurs deux outils préférés, la posture idéologique et le renoncement, jusqu'à les ériger en mode de gouvernement.
Architectes de la société dans sa forme pyramidale, les partis politiques sont voués à disparaître car incapables de remettre en question leur fonctionnement vertical. A l’heure de la transversalité et de la remise à plat des rapports sociaux, il est probable que le temps de la désintermédiation en politique soit enfin venue et qu’elle bouleverse durablement la façon de « faire de la politique ».
Car l'avenir appartient à l'idée et à son incarnation. Leurs terrains de jeu s'appellent l'entreprise, l'association, internet, la rue, l’immeuble, le quartier… Quant au niveau national, l’avenir immédiat s’inscrit probablement dans le sillon impératif d’un mandat sans droit à la réélection et sans possibilité d’y faire autre chose que ce pourquoi on y a été porté.
Ainsi de nouvelles méthodes de diffusion et de partage des idées et de leur mise en pratique doivent émerger et s’installer dans notre paysage :
- Des plateformes collaboratives d’idées qui transcendent les clivages politiques traditionnels et par lesquelles les citoyens prennent la parole sans plus attendre que les clercs légitimes ne la leur prêtent ;
- Des financements portés par le crowdfunding sans logique d’adhésion et d’encartage ;
- La mise en place d’un « congé individuel politique » dans l’entreprise pour offrir aux salariés la possibilité de devenir un acteur engagé le temps d’un mandat
- Et l’application stricte du non cumul des mandats et de leur non renouvellement.
Cette évolution passe enfin et avant tout par une prise de conscience politique neuve qui doit renvoyer chacun de nous à sa propre responsabilité d’acteur dans un monde ou la critique assise est devenue la posture dominante.
Le crépuscule des partis politiques n’est que le reflet d’une société qui avait abandonné sa souveraineté à un système qui ne lui ressemble pas et qui tarde à lui reprendre le pouvoir.
Il y a quelques jours, Paul Jorion a mis en exergue sur son site cette phrase tirée d’un entretien que l’historien Zeev Sternhell a accordé au Monde à propos de Gaza. Ses mots résonnent bien au delà de ses frontières :
« Personne aujourd’hui n’a la solution et c’est un drame. Nous n’avons pas d’élite politique, pas de leadership. La politique n’attire pas les gens bien. C’est dû en partie au système politique, en partie au fait que les gens qui se présentent aux primaires dépendent des apparatchiks du parti et que le monde offre tellement de possibilités pour les talents de s’exprimer différemment… »
Il est temps que cela change et que les talents de ceux qui agissent quotidiennement, trouvent leur place dans un modèle où la solution est forcément transversale, inédite et collective.
La parole politique est devenue inaudible et agonisante, et si nous faisions de la politique autrement ?
Cahuzac, scandales quotidiens, règlements de comptes et petites mesquineries entre amis, tel est le lot des élus ces derniers mois. On peut ajouter l’affaire des comptes de campagne de Nicolas SARKOZY et des mécomptes de l’UMP, les “erreurs” de déclarations de Madame BENGUIGUI et Monsieur LE GUEN, les errements locatifs familiaux ou extra familiaux des uns et des autres. Ces dérapages ont eu raison de la crédibilité du personnel politique.
Quant à la parole politique, elle est plus vaine, vide et inaudible que jamais, les annonces se succèdent au rythme des chaines infos et des réseaux sociaux, elles se percutent, s’encastrent, se contredisent et deviennent pour le citoyen une étrange bouillasse verbeuse sans aucun sens.
Jamais les politiques n’ont vu leur action et leur image autant détériorées et rejetées par la population. Que faire pour retrouver un peu de crédibilité ? Est-il encore temps ?
Remettre l’éthique au Cœur de la vie publique, politique, juridique et médiatique est, plus qu’une exigence démocratique, une urgence, une impérieuse nécessité. L'éthique n'est pas un vain mot, c'est la manière dont on se comporte lorsque personne ne vous, ne nous regarde.
C’était tout le sens des travaux d’un colloque que j'ai organisé au Sénat le 16 mai dernier et dont les travaux seront publiés prochainement.
Trop de mauvaises habitudes, de petites lâchetés, de relations dont on use et on abuse qui deviennent synonymes ou outils de passe-droits… si vous ajoutez le non renouvellement de la classe politique, vous obtenez le tableau navrant que beaucoup d’élus offrent aujourd'hui.
Le politique est devenu un professionnel de l’élection, au mépris, parfois du sens initial de l’engagement public : l’intérêt général. Devenir Président de la République en France aujourd’hui est le produit de trente à quarante années de vie politique. C’est inconcevable chez nos voisins étrangers : qui connaissait Barack Obama en 2000 lors de la première élection de George W Bush ? Personne. En revanche, il y a fort à parier que nous connaissons déjà en France ceux ou celles qui seront les locataires de l’Elysée pour les trente prochaines années !
La vie politique est devenue un cursus honorum à la romaine. On a beau jeu de pointer les élites américaines issues des universités de l’Ivy League alors que les élus nationaux en France sont généralement tous issus de Sciences-Po, et même plus spécifiquement de l’IEP de Paris, d’une poignée d’écoles de commerce prestigieuses et de l’ENA. Cette endogamie estudiantine favorise dès le plus jeune âge les ambitions les plus grandes mais aussi l’entregent, les réseaux, les amitiés et donc les coups de pouce, le politiquement correct, le conformisme et la perte à terme de toute audace intellectuelle.
« Servir sans s’asservir », telle est la devise de la prestigieuse école de Strasbourg. Dans les faits, n’est-elle pas plutôt « servir sans oublier de se servir » ? Il suffit de voir la fameuse promotion Voltaire de l’ENA : le bulletin quotidien est devenu depuis plusieurs années la chronique de l’ascension d’une génération de hauts fonctionnaires aux plus hautes responsabilités et parfois dans des conditions somme toute assez surprenantes. Pierre-René Lemas, ancien Préfet, puis ancien directeur du cabinet du Président du Sénat, par ailleurs proche de François Hollande, devient Secrétaire-Général de l’Elysée avant d’échanger son poste au profit d’un autre « Voltaire », Jean-Pierre Jouyet qui était pour sa part à la tête de la Caisse des Dépôts après avoir dirigé l’Autorité des marchés financiers. Le concours de l’ENA et son classement de fin de scolarité sont devenus des étalons de notre vie politique. Ou sont les cadres du privé ? Ou sont les professions libérales (et pas seulement les avocats mais aussi les médecins, les dentistes, les notaires…) ? Ou sont les responsables de la vie associative ? D’un trait, faut-il avoir appris par cœur son recueil des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative à vingt ans pour être assuré d’être député avant quarante ?
La formation doit-y être excellente, là n’est pas la question. La vie politique doit chercher son renouveau dans la diversité de ses acteurs. C’est un gage de renouvellement des idées, mais c’est aussi et surtout une exigence démocratique.
Il faut briser la loi de l’entente « en bonne intelligence », l’entre-soi et toutes ces petites habitudes prises au fil des ans qui renvoie à nos concitoyens l’image d’une caste politique à laquelle on ne peut accéder que si l’on a montré patte blanche à la fin de ses études et que l’on a su faire prospérer son carnet d’adresse.
Le Parlement est d’abord critiqué pour son manque de représentativité au regard de la composition de la population française, perçu comme un "rassemblement de mâles blancs aisés, cis-hétéros, d'âge moyen" (voire, de retraités dans le cas du Sénat).
Les législateurs (un peu juges et parties) abordent pour l'instant cette question uniquement du point de vue de la parité, avec un succès plus que mitigé, presque 15 ans après le vote de la loi sur la parité en politique. Les chiffres sont édifiants ; malgré une incitation financière (sanctions pour les partis qui ne présentent pas assez de femmes), les hommes sont encore largement majoritaires dans les deux assemblées. En 2011, le Sénat comptait à peine plus de 22% de femmes (26,5% à l'Assemblée Nationale), alors même qu'elles représentent 51% de la population française. C'est certes mieux qu'avant la loi de 2000 (les sénatrices passent de 5,3% à 10,6% lors des élections de 2001), mais largement insuffisant.
Outre le fait que la loi peut être contournée, exemple du Front National qui fait démissionner une députée européenne pour que le mâle suivant de liste prenne sa place et donc son siège, présenter un nombre paritaire de candidat-e-s ne garantit pas que la moitié des élu-e-s soient des femmes. Les femmes sont souvent présentées par les partis politiques dans des circonscriptions difficiles. De la chair à canon électorale pour se donner bonne conscience, les circonscriptions gagnables ou les fiefs restant occupés par les barons locaux. Et de façon générale, les électeur-trice-s sont toujours plus réticent-e-s à voter pour des femmes, perçues comme moins compétentes.
Combien de fois ai-je entendu des propos misogynes dans notre hémicycle ? Le 17 janvier 2013 a sans doute été le plus symbolique : Bruno Sido interrogeant le Sénat au moment où Laurence Rossignol prenait la parole : « c’est qui cette NANA ?».
Combien de fois n’a-t-on pas entendu : « les femmes doivent faire leurs preuves et puis on verra au prochain scrutin ». Après tout, il faut bien qu’une femme soit Garde des Sceaux, sans quoi, qui s’occuperait du parquet ?
Jamais on ne demande, et c’est bien dommage, aux hommes de « faire leurs preuves ». Eventuellement, on leur demande d’avoir « un métier » avant d’être élu, et encore…
Je ne suis pas Ayatollah de la parité, je préfère comme la Présidente Catherine Tasca le combat au quota, mais force est de constater l'impérieuse nécessité des textes imposant cette parité, comme dans la vie des affaires, comme ce fut le cas pour les conseils d’administrations (LOI n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle).
Enfin, même dans les assemblées locales, comme les conseils municipaux, élues en scrutin de liste paritaire où personne n'a démissionné, la discrimination n'apparaît plus au niveau du nombre de femmes, mais de la répartition des compétences. La petite enfance et la culture aux femmes, les finances, l'urbanisme et autres tâches "nobles" aux hommes, etc. L’évolution du droit n’a pas réussi à faire évoluer nos mœurs qui restent d’un autre temps.
Ce qui est valable pour les femmes l'est aussi pour les jeunes, les ouvriers, les immigrés, et toutes les minorités sous-représentées au parlement. Les limites des politiques de discrimination positive sautent aux yeux dans la résolution de cette problématique, d'autant plus qu'un quota de jeunes, d'employés, etc. serait beaucoup plus difficile à établir qu'une "simple" parité hommes/femmes, voire inconstitutionnel.
Comment choisir quelles catégories auraient "droit à un quota" ? Faudra-t-il le changer à chaque recensement de la population française ? De plus, être représentant d'une minorité (ou catégorie sous représentée) cela ne garantit pas une quelconque capacité à représenter ses intérêts (toutes les femmes ne sont pas féministes…)
En résumé, il s'agit donc de trouver des personnes représentatives de la population française, motivées, s'assurer qu'elles aient la possibilité d'être candidates puis élues pour qu’une fois élues, elles soient à égalité avec leurs collègues.
Le critère de compétence est à mon sens subsidiaire, l’expérience et la formation étant là pour cela, tout comme la pratique. Pierre Bérégovoy n’était pas polytechnicien, il était ouvrier.
La première des difficultés résiderait alors justement dans le désintérêt de ces catégories à l'encontre du monde politique. L'abstention des jeunes bat tous les records. Combien de personnes, dans les professions et catégories socioprofessionnelles les moins aisées, comprennent véritablement le rôle du parlement ?
L'Éducation Nationale a, à l’évidence, un rôle à jouer. Les cours d'éducation civique sont ridiculement insuffisants. Réciter une devise ou apprendre la navette parlementaire au collège ne va en rien susciter des vocations. Pendant toute sa scolarité, on répète à l'élève "tais-toi, obéis, apprends par cœur". À part l'élection de délégués (bien souvent un concours de popularité), quelles occasions a l'élève d'exercer sa citoyenneté, de découvrir qu'il est capable de s'instruire sur un sujet, de se faire une opinion et d'en débattre avec ses égaux pour prendre une décision ? Une personne à qui on n'a jamais demandé son avis ne va pas magiquement prendre l'habitude de faire entendre sa voix.
On me rétorquera que ces compétences s'exercent au lycée, par exemple en cours de philosophie. C'est bien trop tard, bien trop peu. Et quid de ceux qui ne vont pas au lycée, et qui finissent justement dans les catégories socio-professionnelles absentes des bancs de nos assemblées ?
Faites rentrer la démocratie partout. Ou pour pasticher Walt Whitman « Ne fermez pas vos portes orgueilleuses institutions, vous pourriez tressaillir de choses qu’on a jamais dites ». Faites de nos jeunes des minis parlementaires. Donnez leur confiance en eux, montrez leur qu'ils peuvent apporter quelque chose au collectif quelques soient leurs résultats scolaires, montrez leur que le processus démocratique est non seulement stimulant mais aussi et surtout utile et concret. C'est ainsi que nous formerons des citoyens impliqués et compétents.
Il est donc impératif que le travail du Parlement des enfants, ou des conseils municipaux des jeunes puisse être traduit dans la « vraie vie », que des délibérations soient reprises par le parlement ou par le conseil municipal qui mentionnent leur apport.
Pas de gadget donc, de la pratique transposable et transposée dans la vie quotidienne.
Une fois le citoyen formé et prêt à s'engager, la deuxième responsabilité incombe aux partis politiques, mission presque impossible, de se contraindre à présenter des candidats moins formatés.
Force est de constater que le fonctionnement des systèmes électoraux conduit à exclure pratiquement de l’élection un candidat qui n’aurait pas reçu l'adoubement d'un parti, les électeurs votant, du moins au niveau national, plus pour une étiquette que pour le candidat.
Ce constat est sans doute moins vrai au Sénat, les grands électeurs attachant un peu plus de « valeur » à l intuitu personae qu’à la couleur politique. Mon exemple est de ce point de vue éloquent.
L'instauration de la proportionnelle pourrait peut-être être une solution pour encourager des petites formations aux candidats plus atypiques, ou alors être leur linceul et l’avènement systématique des apparatchiks lavés pendant de nombreuses années à la javel du média-training, nom contemporain de la bonne vieille langue de bois.
Si l'on ne peut pas forcer les partis à présenter des candidats plus diversifiés, Edouard Martin ne faisant pas le printemps, on peut néanmoins leur interdire de présenter les mêmes candidats jusqu’à leur épuisement physique ou intellectuel.
Nous aurions sans doute ainsi moins de siestards en séance, activité d'ailleurs exclusivement masculine.
Instaurons vite un non cumul des mandats strict, mais aussi un non cumul dans le temps
Limiter à deux mandats par assemblée assurerait un rajeunissement de la classe politique. Il faudrait même envisager une limite globale pour tous les mandats nationaux, afin d'éviter que le parlement européen, par exemple, continue à être un refuge pour les recalés du suffrage universel, les amis à récompenser, les obligés alimentaires (en vrac et sans préférence, Michelle Alliot-Marie, Nadine Morano, Pierre Moscovici…)
L'autre devoir, j'allais écrire prise de conscience, clairvoyance, lucidité… des partis politiques serait de faire le ménage au sein de leurs troupes. Combien de bonnes volontés ont été découragées à force de s'entendre répéter "Ne fais pas de politique, c'est un monde de requins ! Ils sont tous pourris, ça ne fonctionne qu'aux relations, tu es bien trop honnête pour réussir !" Beaucoup ont la sensation qu'il n'y a aucun intérêt à tenter une aventure perdue d'avance.
Les dés sont pipés, combien d'efforts pour faire "bouger les lignes". Politique n'est plus synonyme d'une noble ambition de travailler à l'amélioration du quotidien de ses concitoyens. C'est devenu une insulte ("sale politicien") synonyme de langue de bois et d'intérêt personnel.
Dans la même logique que le non cumul temporel, travaillons à faire disparaître les politiciens professionnels. Il nous faut des élus ayant connu la "vraie vie". Beaucoup de parlementaires apparaissent comme étant franchement inutiles, au point que si on leur retirait leur papier, ils seraient bouche bée.
Réduisons drastiquement le nombre d'élus dans les deux assemblées. Utilisons les sommes économisées pour fournir plus de moyens humains à ceux qui restent, sur le modèle des parlementaires américains et leurs nombreux collaborateurs. Interdisons l'emploi de membres de la famille sur de l'argent public.
Sanctionnons de façon vraiment dissuasive l'absentéisme en commission, en séance et lors des votes ; votes pour lesquels les procurations doivent être limitées aux cas d'empêchements justifiés.
La rémunération doit être réfléchie. Suffisante pour assurer que chaque citoyen ait les moyens matériels d'exercer un mandat, elle ne doit pas être excessive pour décourager les candidats pour l'argent, pour éviter les effets d’aubaine… nous en sommes très loin…
L'accent doit aussi être mis dans un même élan sur la formation des élus. L’élection ne confère pas la « science infuse ». Un professeur d’Histoire ne peut pas s’improviser juriste, un juriste ne peut pas non plus devenir un spécialiste de l’énergie ou de la santé par la seule onction électorale.
Un salarié du privé qui devient parlementaire prend aussi plus de risque qu'un fonctionnaire ou une personne à son propre compte, vu qu'il n'a pas d'assurance de retrouver du travail à la fin de son mandat. Mais est-ce un problème réel, compte tenu des compétences et du prestige social qu'il aura gagné ?
Le mandat impératif, interdit par la constitution, n'est ni possible ni souhaitable. Une possibilité de révocation du parlementaire par ses électeurs en cas, par exemple, de manquement grave à ses promesses serait une avancée démocratique majeure, dans un monde qui n’est pas le nôtre.
Pourrait-on, devrait-on y travailler ? C’est une idée dérangeante mais intéressante. Les électeurs se mobilisent bien plus facilement pour voter contre que pour voter pour quelque chose ou quelqu'un. Le risque d'une forte instabilité parlementaire doit donc être pris en compte.
De façon plus audacieuse, envisageons à long terme un bouleversement total des modes d'élections. Nous voulons des assemblées représentatives : quel meilleur moyen pour passer outre les obstacles psychologiques, financiers et les discriminations que d'abandonner les élections au profit d'un tirage au sort, sur le modèle des jurés d’assises.
Ce n'est pas aussi absurde que ça en a l'air, la transcription pratique de cette idée ne serait pas simple, mais nous ne risquons rien à y réfléchir sauf à améliorer l’existant qui est loin de donner satisfaction.
Reste, last but not least, le Sénat, tellement critiqué et que d’aucun surtout dans ces colonnes voudraient voir disparaître.
Le mode d'élection est problématique, mais une élection au suffrage universel direct n'en ferait qu'une assemblée nationale bis. Pourquoi ne pas imaginer sinon une élection sénatoriale à la proportionnelle nationale ou régionale, en maintenant le mode d'élection de l'assemblée nationale ? On cumulerait ainsi les avantages de la proportionnelle et de la stabilité d'une assemblée avec une majorité claire. Les désaccords entre les deux institutions se régleraient alors à la majorité absolue. Plus long, mais il faut prendre le temps de bien écrire la loi.
Et si nous devons supprimer le Sénat pour mille raisons, sachons lesquelles, mais aussi auditons l’Assemblée nationale et le conseil économique, social et environnemental avec les mêmes critères de sévérité sans oublier la Cour des Comptes (après tout, qui contrôle les comptes de la Cour des Comptes ?), l’Inspection Générale des Finances et le Conseil d’Etat.
Le travail pour une véritable représentativité des instances démocratiques doit donc être un savant mélange entre travail sur le long terme, par l'éducation, la réforme des institutions et les mesures législatives immédiates qui peuvent assurer un renouvellement et un rajeunissement rapide du personnel politique français.
Ce travail commence immédiatement par une décision symbolique, mais pas seulement, 100 sénateurs et 150 députés de moins.
Montrons que nous ne sommes pas propriétaires de notre (nos sièges) et donnons l’exemple enfin !
"Ensemble contre le mélanome"
Le mélanome métastatique est une maladie redoutable. Cependant, des progrès majeurs ont récemment été effectués dans la compréhension des mécanismes impliqués dans cette maladie avec, en aval, le développement de médicaments plus efficaces.
Ces progrès se traduisent pas la mise à disposition d’immunothérapies, qui stimulent le système immunitaire, afin qu’il rejette les cellules cancéreuses, et de thérapies ciblées, agissant spécifiquement sur des anomalies moléculaires identifiées dans les cellules tumorales.
Cependant, ces traitement ne sont pas efficaces chez tous les patients, et peuvent entrainer des effets secondaires néfastes. Il faut donc continuer, sans relâche pour trouver de traitements plus efficaces et moins toxiques et identifier des marqueurs biologiques permettant de donner les traitements de façon plus sélective et adaptée.
Dans notre service à Gustave Roussy, et dans notre laboratoire INSERM, nous travaillons tous ensemble dans cet objectif. Nous évaluons de nombreux nouveaux médicaments pour traiter les patients atteints de mélanome nous avons notamment mis en évidence un marqueur biologique associé à la résistance aux traitements. Nous développons actuellement, nous développons des moyens de lutte contre ces mécanismes de résistance.
Mais ce combat contre la maladie n’est pas seulement celui des médecins et des chercheurs. L’amélioration de la prise en charge des patients est en réalité l’affaire de tous. La mise en place de partenariats, comme celui établi avec le collectif « Ensemble contre le mélanome »illustre parfaitement la synergie qui peut s’établir entre les milieux académiques et la société civile. Ce partenariat, qui s’effectue en toute transparence cible des projets précis. En premier lieu, il participe au financement de projets de recherche (chercheurs et équipement) mais aussi d’équipes, personnel médical et paramédical. C’est une toute nouvelle façon d’appréhender l'aide que peut apporter la société civile à la science pour une meilleure médecine. Elle vise à optimiser la prise en charge globale du patient, sans faire de hiérarchie entre la dimension humaine de cette prise en charge, notamment sur le plan psychologique et les projets de recherche qui serviront aux traitements des patients.
L'Important est membre du Collectif "Ensemble contre le mélanome"
La téléphonie, Kerviel et une amende de 10 milliards de dollars plombent l’image des entreprises
Exclusivité Les Echos, France Inter, BFM TV et limportant.fr
Avec trois points de moins par rapport au premier trimestre 2014, le second Baromètre Posternak-Ifop de 2014 nous livre un indice moyen de l’image des entreprises pour la première fois en baisse depuis octobre 2012. Rien de grave, l’indice se maintient à un niveau élevé, proche de celui qui était le sien avant l’avant-crise des subprimes. Les Français continuent à faire confiance aux entreprises pour les sortir de la crise. Ce recul trouve en fait son origine dans les différentes expositions médiatiques qui, malgré elles, ont mis en scène les entreprises lors de ces dernières semaines. Du rachat de SFR, à l’amende de 10 milliards promise à BNP Paribas, en passant par le show Kerviel, l’actualité des entreprises a été passablement agitée.
La guerre à laquelle se sont livrés les opérateurs de la téléphonie pour prendre le contrôle de SFR a laissé des traces. A ce petit jeu, Bouygues Telecom, grand perdant de l’opération, y laisse le plus de plumes avec une chute de 21 points d’image. Cet échec, plus les rumeurs de rachat, plus l’annonce d’un plan social sans précédent ont eu raison de l’image d’une entreprise indécise sur son avenir. Aucun opérateur n’est épargné. L’ensemble du secteur, qui était déjà peu apprécié, car vécu comme une source de dépenses contraintes supplémentaires, perd en moyenne 11 points. Free qui a déclenché la guerre des prix s’en sort le moins mal en n’en perdant que 4.
Le classement spécifique des entreprises de la téléphonie
Avec une perte moyenne de 8 points, la banque est le deuxième secteur le plus affecté. Le tapage médiatique sans précédent autour de l’emprisonnement de Kerviel a fait beaucoup de mal à la Société Générale. Avec une perte de 25 points d’image, c’est la plus forte baisse du Baromètre tous secteurs confondus. L’établissement au logo rouge et noir continue à être l’otage des soubresauts judiciaires et médiatiques d’un calendrier qu’elle ne maîtrise pas. BNP Paribas aux prises avec la justice américaine et sous le coup d’une possible amende de 10 milliards de dollars perd également 14 points, à peine plus que le Crédit Agricole qui en perd 11.
La grande distribution, secteur en recul de 4 points, accuse, mais plus modestement, le reflux. Leclerc, aux prises avec l’association Foodwatch et enseigne habituellement préférée des Français, perd 10 points et sa place sur le podium. Seule entreprise à progresser, Carrefour (+4) retrouve en image les gains enregistrés par son format de proximité Carrefour Market.
Côté bonnes nouvelles :
L’industrie confirme sa bonne image dans l’opinion. Avec un gain de 6 points, l’ensemble du secteur automobile progresse de manière significative. En même temps que les ventes repartent, Peugeot gagne 11 points alors que Citroën devient troisième entreprise préférée des Français. Michelin en progression de 11 points retrouve sa place dans le top 10 alors qu’Airbus conforte sa seconde place.
Yves Rocher confirme son statut de leader. L’entreprise familiale cumule les points positifs : un rapport qualité-prix reconnu, des produits respectueux de la nature et un enracinement breton couronné de succès à l’international.
Enfin, le drame de l’Erika s’estompant dans les mémoires, Total, plus forte progression (+15), abandonne la dernière place et retrouve des niveaux qu’elle n’avait plus entrevus depuis juillet 2006. L’Oréal (+9) de son côté voit les fantômes de l’affaire Bettancourt s’éloigner et retrouve une image plus conforme à sa réalité.
Le Baromètre Posternak-Ifop, vague deuxième trimestre 2014
Baromètre Posternak-Ifop. 
En partenariat avec Les Echos, France Inter, BFM TV et limportant.fr
L'avenir aime la France
Le résultat des Européennes est sans appel. L’incompétence du PS et la décomposition de l’UMP ont permis qu’une organisation d’extrême-droite obtienne le score ahurissant de 25% en France. Les partis républicains créés au début du XXème pour être les avant-gardes ne sont plus que le repère du conservatisme. Les élites ont failli. Par manque de contrôle, la Vème République a dégénéré. Il faut y mettre fin. Dès aujourd'hui, « L’Important » encouragera toutes les initiatives citoyennes qui permettront de réinventer la France du progrès et de la justice.
Il n'y a pas une affaire Aquilino Morelle. Il y en a cinq !
Première affaire : un proche du Président de la République se comporte comme un petit marquis et se fait cirer ses chaussures au Palais. Deuxième affaire : le comportement intolérable de son conseiller n’indisposait pas plus que cela le Président, homme de gauche en charge de l’austérité en France. Troisième affaire : selon les dires de l’ex-patron de l’IGAS, il y aurait bien conflit d’intérêts.
Quatrième affaire : les Hauts fonctionnaires ont à la différence de tous les Français un « Golden parachute permanent ». Ils peuvent à leur gré aller du public au privé et inversement. Saluons à cet égard un homme de droite, Bruno Le Maire, seul politique à avoir démissionné de ses fonctions.
Cinquième affaire : des « journalistes », aussitôt l’affaire révélée, montent au créneau, non pas pour saluer le vrai travail d’investigation de leurs confrères, en l’occurrence l’excellent Médiapart, mais pour défendre étrangement l’homme visé par l’affaire.
Le jour se lève
Il vient un instant dans l'histoire des sociétés où tous les cris individuels, catégoriels, communautaires et corporatistes n'en forment plus qu'un, puissant et inextinguible. Cet instant approche, il marque le croisement rare d'un moment et d'un mouvement, ce moment précis où le jour se lève.
Les aspirations profondes des peuples avancent masquées, cachées derrière des revendications, des cris, des pancartes, souvent dérisoires, mais révélatrices de la perte de sens. À ce titre, le sujet n'est pas de payer trop d'impôts, mais bien de ne plus savoir pourquoi on les paie, le sujet n'est pas de travailler trop, mais de ne plus savoir pourquoi on travaille, le sujet n'est pas qu'il y ait trop d'étrangers en France, mais de ne plus savoir ce qu'est la citoyenneté, car le problème n'est pas de savoir quel est le sens de tout ceci, mais bien de retrouver du sens. Voilà le rôle inaliénable d'un leader, qu’il soit président, roi, prince ou premier ministre, proposer une vision et une ambition afin de la faire partager et ainsi redonner une perspective à chacun et donc à tous. Gloire à celui qui aura la force et la clairvoyance de poser ces questions autour desquelles se bâtissent les projets qui dépassent les hommes pour mieux les rassembler : pourquoi devrais-je être fier d'être français ou européen, pourquoi dois-je reverser à l'État plus de la moitié de ce que mon travail me mérite et pourquoi enfin devrais-je accepter les termes d'un contrat social qui ne sert plus aucune ambition commune ? Quand l'exécutif s'effondre, que la droite se dilue, que la gauche se fissure et que le système partisan ne vaut plus que par la politique des slogans, vient cet instant rare et précieux où les peuples ont la capacité de reprendre leur destin en mains. Cet interstice, logé entre l'apparente invulnérabilité de la forteresse étatique et la colossale inertie d'une société millénaire semble à ce point mince que personne n'ose s'y aventurer. Et pourtant… Cet interstice-là est à nous, nos aïeux nous l'ont gagné avec courage, souvent par le sacrifice de leurs vies, en osant dire non à l'ordre établi quand celui-ci ne servait plus l'intérêt commun, mais seulement celui de ses confiscateurs ; cet interstice-là est partout où les citoyens se regroupent pour faire vibrer ce qui transcende les différences et fonde une république, cet interstice-là rayonne aux frontons de nos villes et de notre Constitution, cet interstice-là porte un nom, il s'appelle Liberté. Or, la crise que traverse la France aujourd'hui est avant tout celle d'un peuple enfermé et qui peine à s'emparer de nouveau, librement, de son destin. Incarcéré dans 50 ans de bureaucratie, de complexification et de réglementations, le peuple français a peu à peu abandonné le principe pourtant inscrit noir sur blanc dans l'article 2 de la Constitution et qui donne en 11 mots la voie à suivre, "Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Enivrés par une révolution qui n'en était pas une, les Français ont tourné la page de 1968 en se jetant corps et âmes dans la consommation de masse, et ont abandonné ce principe fondateur pour jouir de la vie et finalement laisser à d'autres le soin de gérer un pays pourtant ingérable, et ce, jusqu'à institutionnaliser la machine à fabriquer l'élite dirigeante autorisée. Si bien que rendu au seuil du XXIe siècle les Français ont abandonné le pouvoir à des gens qui ne leur ressemblent pas et qui finalement ne les représentent plus. La fissure qui se fait jour désormais n'est que la résurgence de cet interstice, né de l'inéluctable décalage entre le peuple et ses élites. Il est d'ailleurs intéressant de constater que nos dirigeants passent leur temps à taxinomier les révoltés qui pointent partout leurs bonnets, leurs sifflets, leurs huées ou leurs pétitions en les classant inéluctablement dans les mêmes sempiternelles et infâmes catégories : les fascistes, les nazis, les racistes, ou de l'autre bord, les bolchéviques, les communistes, les assistés… comme si la révolte légitime n'était plus possible, comme si la souffrance qui se cache derrière n'était plus envisageable. Pourtant, la souffrance est là, fille de la pauvreté, de la précarité, du déclassement social, de la peur du lendemain, de la désespérance et surtout de la perte de repères et de sens. Loin d'être paralysantes, les questions de la citoyenneté, du modèle de redistribution des richesses, de la fiscalité, de la retraite, de l'autorité parentale, devraient nous amener à faire ce que fait tout corps (social ou physique), s'adapter et évoluer pour vivre mieux. Mais voilà, loin d'évoluer, notre pays se crispe, se recroqueville pour finalement s'agripper à un passé sur lequel repose désormais notre passif. La lutte émergente bien qu'encore rentrée est la manifestation de la résistance de la machine étatique et de la recherche de sa sanctuarisation par le statu quo. Or ce statu quo, c'est finalement ce qui étouffe notre pays, incapable de sortir de son modèle pour le façonner de nouveau. Nous sommes devenus tellement soucieux de la préservation de notre emblème que nous en sommes à reparler de frontières. Y a-t-il jamais eu une représentation plus obsolète dans le monde qui se lève que celle du douanier dans sa guérite ? La frontière c'est la camisole de force dans laquelle certains voudraient nous faire entrer pour s'assurer qu'aucun mouvement ne pourra jamais nous faire trébucher. La frontière c'est d'abord celle de la vision de nos politiques, enfermés dans leurs certitudes et prêts à toutes les servitudes idéologiques. Dans un monde global, la réponse ne peut être que continentale. L'Europe des nations et des régions sera… ou alors, nous finirons empaillés dans notre tout petit musée national. Personne ne pourra plus arrêter ce qui se lève parce que la seule revendication est celle de la réhabilitation de cette liberté qui donne de la perspective et de la dynamique. Il est devenu impossible pour un Français de vivre dans un pays où on lui dit tout et finalement dicte tout… les hygiénistes comment boire et manger, les médecins comment dormir et marcher, les pédopsychiatres comment élever son enfant, les psychologues comment ressentir, et finalement les politiques comment penser et parler. Le vent qui se lève est celui du basculement vers un nouveau modèle démocratique. La confiscation de la parole publique par une forme auto-proclamée d'aristocratie intellectuelle portait en elle le germe de sa dégénérescence, désormais inéluctable. Place aux faiseurs, place aux acteurs, place à tous ceux qui font la France quotidiennement et qu'on maintient sous le couvercle de la cocotte bureaucratique. Il est temps que nous nous ré-emparions de la parole abandonnée et de notre capacité à mener notre destin collectif. Les changements de modèle se nourrissent de ce qui fait l'essentiel c'est-à-dire la quête d'un nouveau possible et la prise de conscience de l'obsolescence de l'ancien. Ensuite, quelques actes suffisent à tout renverser : • Le renouvellement du personnel politique par la mise en place d'un strict non-cumul des mandats et de leurs renouvellements dans le temps : - Mandat de 7 ans non renouvelable pour la Présidence de la République, - Mandat de 5 ans renouvelable une seule fois pour les députés, - Mandat de 6 ans renouvelable une seule fois pour les maires. • La mise en place d'un travail de simplification et de déréglementation, en commençant par la disparition des départements au profit des régions. • Le passage à une fiscalité permettant la redistribution juste de la richesse dans les fonctions créatrices, le travail et l'investissement. • La sortie du commandement intégré de l'OTAN – structure d’un autre siècle et d’un autre monde – pour que la France puisse reprendre librement la parole dans le concert mondial. Ce pays n'a plus besoin qu'on lui espère un changement qui viendrait du ciel… Il est temps pour les Français de se réapproprier une parole trop longtemps abandonnée aux faux clercs légitimes. Cela ne dépend de personne, et il n’y aura ni homme providentiel, ni recours dans ce combat intérieur qui oppose la France à son ombre. La nation est l'agrégation désincarnée des citoyens passés, présents et futurs. Il arrive qu'elle doive se mettre en vibration pour imposer son destin. Ce moment est venu, le jour se lève.
L’important ? La langue française
Aujourd’hui, cette époque est révolue. L’anglicisme ne représente plus aujourd’hui la modernité ; car l’usage à outrance d’anglicisme ressemble à une forme de complexe, le complexe de ceux qui ne savent pas parler avec leurs propres mots. L’anglicisme est bel et bien passé de mode. A perpétuer cet usage, nous finirons par perdre notre dignité. C’est pourquoi notre réflexion doit porter sur les moyens de redonner la priorité à la langue française. L’illustrer, la promouvoir, la faire vivre, et redonner de la fierté aux mots français, parce qu’il y va de notre identité. Notre langue doit rester vivante, s’inspirer et inspirer. Elle sait digérer les influences extérieures, se les approprier et féconder des mots qui lui sont propres.
L'Important pour les entreprises
par Laurence Parisot, vice-présidente de l'IFOP
L’important pour les entreprises, c’est ce que les Ukrainiens nous disent.
A Kiev, des centaines de milliers de citoyens manifestent en faveur d’une Ukraine européenne. L’Europe est désirable, l’Europe a des atouts, l’Europe est une opportunité exceptionnelle. Les Ukrainiens l’ont compris, les chefs d’entreprises le savent mais les Français sont entretenus, par les politiques de droite comme de gauche, dans l’ignorance de cette vérité.
L'important ? Nos enfants !
par Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des Droits de Femmes.
A quelques encablures de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre prochain, il n’est pas inutile de s’arrêter quelques instants pour réfléchir aux innombrables incidences de ces dernières. Puisque tel est le credo de «L’important», et qu’on m’invite à écrire ici quelques lignes sur un sujet qui me tient à cœur, mais invisible dans le flux continu de l’info, parlons des enfants victimes, directement ou indirectement, de ces violences. Parlons-en pour les sortir de l’oubli, de l’ombre et du silence.
Pour comprendre et accepter, enfin, qu’au-delà des faits-divers terrifiants qui marquent trop régulièrement l’actualité, ces enfants sont aussi nos enfants, ceux de la République. La lutte contre les violences faites aux femmes, le plus souvent à l’intérieur même des familles, ne peut ignorer le sort des enfants qui en sont si souvent les témoins et les victimes, et qui ne doivent plus, demain, en être des acteurs malgré eux. Parce que la violence trouve sa source dans la violence, parce que la violence engendre la violence, et qu’il est urgent de briser le cercle infernal qui se noue au cœur de l’intimité conjugale et familiale, nous ne devons jamais parler des violences intrafamiliales comme d’un vague dysfonctionnement du couple, à priori protégé de toute ingérence des politiques publiques, ou même du regard des autres.
Quelle qu’en soit la forme, ces violences ne sont jamais isolées. Elles atteignent durablement toute une famille. Et elles frappent évidemment les enfants. Trois fois sur quatre ils sont témoins de la violence entre les parents, et ils sont à cet égard eux-mêmes victimes de violences. L’an dernier, en France, 20 enfants ont été témoins d’une scène de meurtre conjugal. 140 enfants ont perdu au moins un parent dans ces crimes. Et ces chiffres ne représentent évidemment qu’une petite part d’une réalité que nous connaissons encore trop mal.
En tant que Ministre des droits des femmes, j’estime que j’ai ma part de responsabilité, et j’entends l’assumer. Les mécanismes de domination, voire d’oppression qui s‘exercent à l’encontre des femmes sont corrélés à ceux qui s’exercent à l’encontre des enfants. « Protéger la mère, c’est protéger les enfants. » Tel était le thème de la journée que j’ai ouverte hier en Seine-Saint-Denis, avec les collectivités, les associations, les professionnels du droit et de l’action sociale. Car il ne suffit pas de s’arrêter au constat des dégâts provoqués par les violences conjugales sur le développement d’un enfant, il faut aussi en tirer les conséquences. Contrairement à ce que j'ai pu entendre parfois, on ne peut pas être tout à la fois un conjoint violent et un bon parent. Cela justifie plusieurs des mesures que j’ai inscrites dans le prochain plan de lutte contre les violences faites aux femmes, que je présenterai lundi prochain.
Mais la maltraitance des enfants est une réalité qui va bien au-delà des seules violences conjugales ou familiales, elle est aussi criminelle, internationale. Protéger les enfants peut impliquer de les libérer, et de les protéger des réseaux les plus abjects. Notre devoir en la matière ne tolère aucune forme d’indifférence. Je prépare actuellement un plan contre la traite des êtres humains. Pour la première fois, un gouvernement décide de s’emparer de ce sujet. Pour la première fois, nous affrontons une réalité nouvelle et terrible du continent européen. Chaque année plusieurs centaines d’enfants sont enrôlés dans des réseaux qui ont leur base dans des Etats de l’ancienne Europe de l’Est. Ils restent quelques mois sur notre territoire et sont employés à des activités délinquantes ou à la mendicité. Si leur jeune âge est recherché par les mafias, c’est à raison des protections qu’il assure dans la procédure pénale, ces mêmes protections qui se retournent alors contre les enfants eux-mêmes. Ces enfants, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne les voyions pas. Nous les croisons dans la rue. Ils nous parlent. Ils nous interpellent même. Les protéger n’est pas une option. Convenons que les solutions ne sont pas simples, que les professionnels les plus aguerris se disent désarmés face aux fugues, ou la difficulté à établir parfois le simple état civil de ces enfants.
Aucune solution ne relève de l’évidence. Mais deux choses me paraissent essentielles. La première c’est de tirer toutes les conséquences sur le plan de la procédure judiciaire du fait que les enfants victimes de la traite sont d’abord des victimes avant même d’être des auteurs. Ils doivent pouvoir bénéficier de mesures d’éloignement, d’une protection et d’un suivi qui leur donnent le temps de se reconstruire. La seconde est de proposer cet accompagnement durable et humain loin des réseaux, en mettant les moyens éducatifs, linguistiques qui s’imposent. Protéger les victimes, punir et soigner les auteurs, démanteler les réseaux qui exploitent les plus faibles, alerter et sensibiliser l’opinion publique ne suffiront pas à briser le cycle de perpétuel recommencement de la violence si nous ne nous occupons pas, aussi, des enfants pris dans la tourmente, ces enfants qui sont nos enfants parce qu’ils sont notre avenir, à toutes et à tous.
Ils ne votent pas, ils ne possèdent rien, il ne s'expriment pas, il ne tweetent pas et ne font pas le buzz, mais oui, nos enfants sont bien ce que nous avons de plus important.
L'important pour l'Europe ?
par Michel Barnier, Commissaire européen et ancien ministre.
L'important pour François Hollande
par Denis Pingaud, auteur de "L'homme sans com", Président de Balises.
L’impopularité record de François Hollande, y compris auprès de ses propres électeurs de 2012, alimente quotidiennement la chronique médiatique. Paradoxalement, elle est à la fois normale et exceptionnelle.Comme dans tous les pays en proie à la violence de la crise économique et sociale, l’opinion se retourne contre les gouvernants pour manifester son mécontentement. C’est, en quelque sorte, une impopularité incompressible tant que des résultats concrets ne sont pas perceptibles, notamment en matière d’emploi ou de pouvoir d’achat. Mais si le Président est aujourd’hui aussi malmené dans les sondages, c’est qu’au-delà de l’insatisfaction se manifeste un mélange inédit d’incompréhension ou, pire, d’indifférence de la part des Français, dont le niveau de défiance vis-à-vis de élites politiques est l’un des plus élevés des grandes démocraties.
Ce détachement exceptionnel, au-delà même du jugement que chacun peut porter sur la pertinence de la politique conduite par le gouvernement, renvoie aux déficiences de la stratégie de communication du pouvoir. On peut les résumer à trois volets.
D'abord, l'organisation même de la communication gouvernementale n'est pas suffisamment coordonnée, ce que montrent les innombrables couacs depuis seize mois. Quand le Président prend l'initiative courageuse - et plutôt réussie - de retourner s'expliquer devant les sidérurgistes de Florange, après l’épisode calamiteux de novembre 2012, son message est instantanément brouillé par la polémique sur les Roms lancée le même jour par sa ministre Cécile Duflot ! Pour être audible, encore faut-il créer les conditions d’une émergence optimum.
Ensuite, la stratégie de messages laisse parfois à désirer, comme l'a révélé la présentation des différentes mesures fiscales du budget de 2014. C’est évidemment une erreur de placer au cœur des éléments de langage la notion de « pause fiscale », quand les Français, dans leur très grande majorité, reçoivent des feuilles d'impôts en hausse et ont le sentiment d'une augmentation générale des taxes. Pour être compris – c’est une règle de base de la communication - il faut commencer par s'interroger sur les perceptions et les représentations de ceux à qui l'on souhaite parler… C’est encore une faute de laisser le ministre de l’Economie évoquer le sentiment de « ras l’bol fiscal » quand l’enjeu est d’expliquer le sens des efforts demandés aux contribuables pour redresser les comptes publics. Les reculades successives sur différentes mesures annoncés, face aux frondes organisées, en ont constitué la sanction politique immédiate.
Enfin, François Hollande n'a sans doute pas encore pris la mesure des enjeux d'une relation plus directe avec ses concitoyens. En témoignent le caractère très convenu et professoral de ses interventions télévisées depuis le début de son quinquennat, le manque d'images d’empathie avec ses compatriotes lors de ses déplacements en province et, surtout, l'absence de toute stratégie de contact et de dialogue à travers l'usage d'Internet ou des réseaux sociaux. Par comparaison, Barack Obama, et même Angela Merkel, dans des modes pourtant fort différents, ont compris tous les bénéfices d’image qu’ils pouvaient tirer d’une communication de relation et pas seulement d’explication.
D’autant que l'enjeu central, pour un gouvernement en période de crise, est de faire comprendre le lien qui existe entre l’infiniment lointain, pour les citoyens, de décisions macro-économiques souvent peu lisibles, et l’infiniment proche de leur quotidien, souvent marqué par l'angoisse du chômage et la peur du déclassement. C'est un exercice difficile qui suppose de quitter le seul registre de la pédagogie. Or, François Hollande considère que la raison et les résultats finiront par emporter l’adhésion des Français. Il oublie que la communication ne se réduit pas à l’explication, que c’est un métier d’écoute, de langage, de contact. Et que l’attachement – et donc la popularité et la confiance - est aussi affaire d’expérience, de moment et de relation.
On se souvient qu’en 2002, le Premier Ministre Lionel Jospin était gratifié d’un bilan gouvernemental plutôt positif. On se rappelle également ses maladresses de langage et d’attitude pendant la campagne électorale, notamment face aux salariés de Lu victimes d’un plan de réduction d’effectifs. Les images ont parfois plus d’importance que les chiffres : ce fut le « coup de tonnerre » du 21 avril.
Bienvenue sur L'Important
Dans le regard de Josh, porte-parole d'Obama
C’est un type bien Josh Earnest porte-parole de Barack Obama.
Chaque jour, ce jeune homme droit, fidèle du Président, répand souvent avec brio la bonne parole de la Maison Blanche. Mais cette semaine, cet idéaliste défenseur passionné des droits de l’homme a eu un peu de mal. Pas facile pour les jeunes loups proches d'Obama de gérer cette crise MSF. Eux, qui dans la West Wing vénèrent tant geeks et humanitaires, ont été quelque peu gênés aux entournures.
Après les frappes aériennes en Afghanistan sur un hôpital de MSF, le premier réflexe de la Maison Blanche fut de faire appel à la méthode habituelle : silence, ca va passer.
Acte 1, no comment. Mais comme visiblement ca ne passe pas, acte 2 : «Allez demander au Pentagone». Réflexe classique de la West Wing quand elle est embarrassée. Indiquer d’aller voir ailleurs... Alors nous, bons petits soldats de l’info, avons traversé le Potomac pour aller voir le Pentagone.
Dans cet immense bâtiment où les couloirs font parfois un kilomètre, difficile de croiser un sourire. Dans la salle de briefing, le général Campbell en charge des troupes américaines en Afghanistan et aussi des forces de l’Otan a le visage sévère de celui qui a des guerres à gérer.
Tout le week-end, des militaires ont quelque peu cafouillé en communiquant la version SOS GI : «Des forces spéciales américaines en grand danger ont demandé assistance immédiate… On est parti aider nos petits gars». Ensuite la version SOS courage fut donnée : «Les Afghans si courageux dans la lutte contre les attaques ont tenté de reprendre cette ville aux Talibans. Ils ont eu du mal et nous ont demandé une assistance rapide.»
Lundi soir et mardi la presse américaine accréditée au pentagone et à la Maison Blanche ne cessait avec un scepticisme extrême de confronter les différentes versions. On se montrait plutôt attentif aux communiqués de MSF rappelant que «le bombardement avait duré 30 minutes. Et que les coordonnées satellitaires ont été bien transmises aux américains …». Et surtout cette phrase : «tout le monde savait qu’il s’agissait d’un hôpital».
Josh Earnest excelle dans ce qu’il sait le mieux faire : communiquer. Pour lui, pas question «de parler de crime de guerre, attendons que la vérité soit faite avec les trois enquêtes demandées en cours». Une par le pentagone, une par la Maison Blanche, une par l’OTAN, au nom bien sûr, de «cette vérité si importante».
Il ne manquait plus que l’enquête de Sherlock Holmes.
Pas question de commenter quoi que ce soit avant la connaissance pleine et entière des faits. Les faits, rien que les faits.
Et Josh, solennel, qui poursuit en «louant le travail exemplaire de ces gens de MSF qui abandonnent leurs familles pour aller faire le bien…».
Malaise.
Et Obama dans tout cela ?
Le chef de l’état est resté bien silencieux. Lundi et mardi aucune excuse, rien. Mais mercredi, pour une raison inconnue, il téléphone au Président de MSF pour enfin reconnaitre «la faute américaine».
On a eu droit par mail à un beau communiqué diffusé dans le monde entier. Mais pas question de filmer le visage d’Obama disant «Sorry désolé» devant une caméra.
Dans la lutte antiterroriste version Obama, rien n’arrête plus personne. Aucune règle de droit ne s’applique.
Il faut anéantir Ben Laden, Bagdadi… et parfois il y a des «erreurs».
Les missions des forces spéciales pour anéantir en secret les ennemis de l’Amérique sont devenues quotidiennes. Un hôpital en Afghanistan, un mariage au Yemen …. Officiellement «des dommages collatéraux».
Obama, dans ce second mandat, est tout sauf un pacifiste.
Loin de l’image qu’il peut avoir en Europe, Obama est en fait en guerre depuis 7 ans. Et cette guerre, il la renforce chaque jour.
Une guerre de l’ombre loin des caméras. Une lutte impitoyable et secrète. D’ailleurs, à la question «y avait-il une cible prévue de grande valeur dans l’hôpital?» Josh Earnest n’écarte pas l'hypothèse.
Il réplique simplement «que l’enquête déterminera ce qui s’est passé. On ne peut rien dire.» Façon de tout dire.
Ce mercredi dans cette salle du briefing de la Maison Blanche, il y eut aussi pour moi un moment surprenant.
Pendant une fraction de seconde, Josh nous a regardé. Nous, les reporters idéalistes de la campagne 2007. Nous, sillonnant avec eux les routes en Iowa. Quand Josh et la campagne Obama refaisaient le monde dans les motels de l’Amérique profonde. Quand chacun rêvait du «Yes we Can» avec humanitaires et romantiques au pouvoir.
Le regard désespéré de Josh, sept ans plus tard.
Cette toute petite seconde humaine, avant que Josh parfait communiquant, répète «les 3 enquêtes établiront les faits» est peut-être un symbole, un raccourci d’Obama au pouvoir. Lorsqu’un bel idéalisme est pulvérisé par la réalité.
Ce jeudi matin, devant une commission parlementaire du congrès, le général Campbell assure lui aussi que «l’enquête du pentagone dira avec certitude si des talibans blessés étaient dans l’hôpital».
A ces mots, les responsables de la CIA et de la Maison Blanche ont tous baissé les yeux. On a compris. Tout est dit.
Baltimore : «Oui, nous sommes les oubliés du monde»
Je suis arrivée à Baltimore après la première bataille. Après la nuit d’émeutes la plus regardée dans le monde. Je n’avais pas envie de courir derrière quelques voitures brulées qui donnent si bien l’impression que tout va si mal. Non, Je souhaitais comprendre pourquoi à 40 minutes des salons de Washington le peuple s’est jeté dans la rue.
A Baltimore, on crie justice. Stop à la brutalité policière. Blancs et noirs se tiennent par la main face aux policiers robocops et aux caméras du monde. Tous pensent à Freddie Grey, 25 ans, arrêté par des policiers le paralysant à terre avec un « teaser ». Un portable a filmé le jeune homme qui hurle. On le voit être mis dans la camionnette de police. Une semaine plus tard, il est mort a l’hôpital. Aucune explication et 6 policiers suspendus….Enquête en cours.
Dans les manifs de cette semaine on échange énormément. Les gens ont beaucoup à dire. Mais les discours, souvent des monologues de plus de dix minutes ne se diffusent pas. Trop long. Pas la phrase choc. Les mots des gosses en colère sont noyés dans le vacarme choc du breaking news avec ces reporters qui ont de beaux blousons assortis aux logos de leurs chaines. Dix minutes qu’on ne peut pas monter, pas bon coco. Le pneu qui brûle, lui ne parle pas dix minutes.
Baltimore m'a encore donné envie de pleurer sur mon métier, sur ce qu'il est en train de devenir. Sur la disparition progressive de sa raison d’être: informer et éclairer.
A Baltimore, oui il y a des mômes qui crient et puis des gangs qui ont, parait il, coordonné les attaques. Il y aussi les flics qui font peur et qui ont peur et qui posent l’air absent.
En France, Baltimore est devenue un symbole du racisme. Mais contrairement à Ferguson, le problème n'est pas seulement le racisme !
Faits : la ville est à 72% noire. Elle est depuis des années contrôlée par les Noirs avec une mairesse qui essaie de gérer au mieux la pauvreté. Une femme très belle qui défile dans les quartiers pauvres dans de jolis tailleurs et qui parle avec le préfet de police lui aussi noir. Elle a été élue avec seulement 8000 voix dans cette ville de 630000 âmes ! 12% de participation aux élections….Un vrai record de défiance vis à vis des politiques. Baltimore, minée par la pauvreté et la drogue, ne vote plus. Le désespoir du peuple, c’est sûr c’est beaucoup moins visuel qu’un jet de boulon dans une vitrine.
Mais la vérité, l'information est là ! On ne vote plus à Baltimore. On n’y croit plus. On ne parle pas d’Obama… Seulement de corruption et d’éducation qu’il faut payer alors qu’on n’a pas l’argent. 40000 à 60000 dollars par an pour aller dans une université. A 20 ans, on est au plus mauvais âge de sa vie. On est endetté pour 20 ans, pour le seul fait de vouloir faire des études.
Dans le chaos de cette semaine, il y a eu pourtant quelques hommes de lumière ou plutôt de prières qui essayaient. Un prêtre, Terrence Priester, qui veut ramener la paix dans les communautés et qui m'a invité avec d'autres journalistes dans son église pour assister au dialogue qu’il tente à tout prix de maintenir. Baltimore se soigne avec Dieu. Avec émotion, j’ai assisté a une psychanalyse collective où la détresse se livre sans pudeur. Pendant deux heures, avant le couvre-feu, des centaines de gens ont prié et crié leurs problèmes.
Je retiens le visage d’Alysson, 16 ans, en pleurs avant de se confesser dans le micro de l’église : «Tout le monde se fout de nous, je suis en colère, je me bats pour l'éducation mais personne n'écoute. Tout le monde se fout de nous. Je travaille mais je ne m'en sors pas. Oui, nous sommes les oubliés du monde».
Quelque minutes plus tard, un homme de 27 ans lui répond: «Moi je veux dire deux choses, Jésus Christ est Dieu ! Et Dieu est énervé de voir qu'ici il n'y a ni justice ni paix. Les enfants pleurent, ils sont cassés».
Justement… Une mère tient à bout de bras sa petite fille de deux ans. A 25 ans, elle confesse qu'elle a déjà «été violée deux fois, qu'elle a trois jobs pour payer l'école à venir de sa fille, et qu'en fait tout le monde à Baltimore a la même histoire. En gros finir mort ou en prison...»
Et puis, d’un seul coup, elle s’est mise à hurler: «On a besoin d'aide, nous avons besoin de l'aide! We need help ! ». Ovations…
Il a fallu partir de cette église car comme le prêtre l'a dit «le couvre-feu de Cendrillon arrive". Interdiction de sortir après 22 heures. Ville paralysée.
Ce couvre-feu, ce mardi, une centaine de gamins ne l'a toujours pas respecté.
Tant mieux pour les chaînes, ça fait encore du breaking news. A 22h15 seul un carrefour s’agite. 100 à 300 policiers. 15 mômes et plein de reporters qui attendent. Malsain.
Une bouteille de bière est jetée devant les policiers surarmés. Une seule bouteille. Quelques fumées de lacrymo. CNN US en fait 4 heures.
A 22h30 on entend des sirènes. A 23h30, il ne reste que le sifflement du vent qui traverse cette ville à l'âme meurtrie.
Ce mercredi retour au briefing de la Maison Blanche. Dialogue avec le porte-parole du Président, Josh Earnest, «Pourquoi Obama ne va pas à Baltimore ou à Ferguson?» La réponse est simple: «Sa présence a Baltimore retirerait des policiers d’endroits où ils ont besoin d’être en ce moment. Il ira peut-être à Baltimore mais pas tout de suite ».
Obama mandat 2 laisse donc la police travailler….
A Baltimore, dans l’après-midi, il y avait aussi un match de baseball.
La police qui travaille si bien « interdit à quiconque d'assister au match par crainte de débordements de fans ». Oui, c'était à pleurer de voir l'image de ce stade vide, de voir un athlète saluer comme un défi à une humanité troublée, des gradins déserts. La solitude du peuple de Baltimore face à l’absence de solutions. Le peuple de Baltimore dans l’attente d’Obama. Comme le dit Josh Earnest, «Oui, il va venir un jour».
Lettre ouverte à une idéaliste
Chère Kayla,
J’ai commencé à écrire ces quelques mots en espérant te savoir toujours en vie. Cela fait maintenant quatre mois que je te connais. Quatre mois que j'ai tout lu sur toi. Quatre mois à questionner des personnes haut placées à Washington. Quatre mois que j’étais, comme mes collègues américains, condamnée au silence pour te laisser vivre. Quatre mois qu’on me répétait : «par sécurité ne parlez pas d’elle». Quatre mois que je me disais : «ça va mal finir cette histoire…»
Je regarde souvent tes photos. Je connais beaucoup de toi Kayla. Comme ta petite ville de Prescott en Arizona où les flics bloquent la route qui mène à ta maison pour empêcher les journalistes de filmer les larmes de tes proches. Au départ, c’était comme toujours une belle histoire. Tu voulais faire quelque chose de beau, changer le monde. Je sais que tu regardais beaucoup la télé et les infos pendant la guerre d’Irak. Tu admirais les femmes journalistes de guerre, héroïnes des lycées américains, et qu’on connait ici par leurs prénoms… Christiane et Lara… Ces femmes qui à longueur d’écrans et d’années font leur boulot dans des zones où l’on meurt.
Tu as vu les bombardements sur Bagdad, les images des GI’S, l’Amérique de Bush touchée au plus près par la guerre. Le choix entre l’Arizona et vivre autrement fut vite fait. Depuis toute petite, tu rêvais de faire quelque chose loin des Mac Do de Prescott. Tu avais la passion des voyages. Tu es même venue en France, en Provence, pour connaitre autre chose et apprendre un peu le français. Cela t’a servi après en Afrique. Puis, tu es partie en Inde ou tu as continué à lutter contre la pauvreté. Tu as été très émue par Clooney, l’activiste voulant sauver le Darfour et tu as manifesté pour cela en 2007. A l’époque, tu étais selon tes profs «une élève exemplaire passionnée de sciences politiques et d’humanitaire».
Une activiste dans l’âme. Tout faire pour sauver le monde. Entre deux cours, tu as aussi travaillé dans une clinique où l’on traitait des malades du sida, chez toi à Prescott, et dans un centre de femmes battues. Tes copines «cheers leaders» se sont fiancées. Toi, tu es partie. Danger, exotisme mais aussi naïveté. Tu adorais «Spy game», ce film où une jeune humanitaire tombe amoureuse du beau Brad photographe. Le monde en guerre n’est pas ce que l’on voit à la télé.
En 2011, tu as, en pleurs, fait la découverte de la Turquie et de ses camps de refugiés. Pour Noël, tu es revenue à Prescott comme la petite héroïne du coin. Tout le monde voulait savoir «comment c’était?». Au journal local, tu as déclaré «avoir vu beaucoup d’enfants mourir».
«Lorsque les réfugiés syriens que je rencontrais savaient que j’étais américaine, ils me demandaient mais que fait le monde pour nous? Tout ce que je pouvais faire, c’était oui pleurer…».
Pleurer mais repartir. Toujours. Certains partent dans ce monde de dingues pour se faire sauter. D’autres comme toi, pour aider. Tu aurais du comprendre que ça allait être vraiment dangereux. Tu aurais pu aussi avoir l’envie d’aller moins loin, à coté de chez toi dans l’Arizona où chaque été des centaines d’immigrés clandestins meurent dans le désert pour devenir américains.
En rentrant de Bagdad, j’ai passé un mois dans votre désert en me disant que c’était le truc le plus dur au monde. Cactus et morts d’enfants rêvant d’Amérique.
Mais toi, tu étais plus émue par les enfants d’ailleurs.
Personne ne t’a dissuadée de vouloir sauver la Syrie et de partir seule sans moyen. Aider, photographier, témoigner. On t’a bien accueilli partout avec chaleur et tu t’es sentie utile. Une organisation danoise t’a même fait travailler sous des tentes avec des enfants en détresse. Il parait que tu étais «formidable, sympa. Parfaite.»
Et puis, tu as rencontré un amoureux. Officiellement, comme les services de renseignements ici le disent «un compagnon». Ils ne savent pas si «c’était le copain, l’ami, le fiancé mais lui connaissait tout du nord de la Syrie». On ne sait pas grand-chose de lui, mais je suis sûre que les drames du pays, les massacres racontés chaque nuit, ont attisé en vous la volonté de changer les choses. Ton âme romantique s’est enthousiasmée pour le malheur de la Syrie. Le danger? Une idée lointaine…
Début août 2013, avec ton compagnon, ce «type spécialiste en informatique», tu as voulu traverser la frontière et vous êtes arrivés à Alep. Ton premier séjour en Syrie. Tu en rêvais d’aller là bas… Ton petit ami devait réparer l’Internet de MSF Espagne. Il était attendu seul dans la ville dévastée et il est arrivé avec «la gosse américaine». Les humanitaires vous ont hébergé une courte nuit pendant laquelle vous avez sûrement refait le monde. Ce monde qui ne fait rien pour la Syrie.
Au matin, ils vous ont fait visiter un hôpital puis ils vous ont déposés à un arrêt de bus. C'est là que l'avenir s'est arrêté.
Personne ne sait comment ce 4 août 2013 au matin tu t’es fait enlever. Ton ami a été libéré mais il refuse de parler à quiconque. Toutes les ONG répètent aux agents du FBI qu’elles te connaissent comme étant «si courageuse, mais pas employée salariée chez nous».
Et oui chère rêveuse... Abandonnée.
Celui qui ne t’a pas lâché c’est Obama. Il a même lancé, en secret, deux opérations des forces spéciales en avril dernier pour te libérer. Ils ont retrouvé des mèches de tes cheveux mais rien de plus. Gros échec pour eux. Je t‘assure que tous les James Bond et Delta forces de la planète militaire voulaient te sauver. Le Président en avait fait sa «priorité».
Sache aussi que tu valais cher.
L’Etat islamique avait demandé entre 5 et 6 millions d’euros pour te libérer. Avec deux conditions, que tes parents n’accordent pas d’interview et que l’argent soit versé avant le 26 août 2014, un an après ta capture. Tes parents n’ont jamais parlé. Et Washington n’a jamais payé. Obama ne paye pas face au terrorisme.
En fait, depuis un mois, chaque fois qu’on commençait à parler de toi aux hommes du Président, on était «sérieusement invité à la plus grand prudence». Obama et les siens ont cependant pressenti ces derniers jours, que tu risquais malheureusement de faire la Une des médias. Toi LA jeune FEMME OTAGE AMERICAINE.
On t’attendait. L’Amérique entière t’attendait. En t’aimant et en priant… Avec sur tous nos écrans, le sourire de celle qui voulait changer le monde. Partir oui, mais sans infrastructure solide, plus jamais.
A la Maison Blanche cette semaine, tout le monde est aussi très ému. Le porte-parole, Josh Earnest, a eu presque les larmes aux yeux en parlant de toi. Oui, on a tous en notre cœur quelque chose de Kayla… peut être une innocence et ton courage, ton grand courage qu’on admire dans cette capitale si cynique qu’est Washington.
Mais on fait notre métier.
Le Journaliste de TVA Canada, Richard Latendresse, qui a couvert plusieurs conflits a même demandé au porte-parole de la Maison Blanche : «Pourquoi le président Obama, lui qui a inspiré les jeunes, ne fait-il pas un message pour dire à tous les Américains, ne partez plus n’importe comment dans ces coins là…»
La réponse un peu embarrassée fut : «tout est expliqué dans les recommandations pour les Américains du Département d’Etat». Je ne pense pas que tu aies eu envie de lire ce guide, où il est simplement dit que dans une majorité de pays «il n’est pas conseillé aux américains de voyager».
Alors, je termine cette lettre en te disant, Kayla, que j’aurais bien aimé te rencontrer avant ton départ.
J’aurais bien aimé conseiller à ta mère, comme aux autres parents du monde, de te parler ou de te donner deux gifles le jour où tu leur as annoncé «je pars là-bas pour montrer». Peut-être est-ce comme cela que ça c’est passé, mais voilà, tu es partie encore une fois n’importe comment.
J’aurais voulu te voir pour te dire, comme je l’ai dit à ces jeunes filles formidables de 20 à 25 ans, humanitaires ou journalistes, Margot, Alex, Diana, Jane et d’autres : «Bravo mais attention…attention. Le monde est dur. Dangereux pour les idéalistes et les passionnées… La barbarie tue sans pitié.»
Kayla, j’espérais te serrer dans mes bras. J’espérais…
Personne n’a su t’arrêter, toi l’idéaliste.
A Bob Simon, tué dans un accident de taxi à New-York le 12 février 2015, à l’âge de 73 ans. Grand reporter de CBS NEWS. Il avait couvert le Vietnam, la guerre en Irlande, la Bosnie, l’Irak.
Fermer Guantanamo : Obama, yes he can?
La semaine dernière, dans les couloirs du pouvoir à Washington, le mot le plus à la mode n’était plus, pardonnez-moi, «Paris Charlie Hebdo» mais «Guantanamo». La petite phrase prononcée fermement mardi par Obama pendant son discours sur l’Etat de l’Union «je vais fermer Guantanamo» relance le débat sur la faisabilité d’une telle chose.
Oui, le Président veut fermer Guantanamo. Oui, Obama veut s’inscrire ainsi dans l’histoire. Oui, il peut par décret présidentiel (yes he can).
Mais le congrès républicain commence déjà à faire fuiter aux journalistes que «si le Président fait une telle chose, sa destitution pour échouer à protéger l’Amérique sera demandée» ! «Yes they can» aussi et cette fermeture éventuelle de Guantanamo suscite de part et d’autre bien des passions…
La passion justement. Mercredi, le pentagone a publié un communiqué. «John Nettleton, commandant de la Base navale de Guantanamo Bay depuis le 29 juin 2012, a été relevé de ses fonctions ce mercredi 21 janvier pour un manque de confiance de ses supérieurs dans sa capacité à commander». Le très sérieux Nettleton aurait eu une liaison à Guantanamo avec une civile de la Navy, elle-même mariée. L’adultère est interdit dans l’armée… De plus, le samedi 10 janvier, un corps a été retrouvé dans la baie de Guantanamo. Le corps du mari… Un Marine qui, selon des militaires, «se serait peut-être suicidé en se noyant»… Scandale à Guantanamo géré vite, très vite, par les experts en communication du Pentagone. Ainsi : renvoi immédiat de Nettleton de Guantanamo pour la Floride, interdiction d’accorder la moindre interview, rapatriement du corps et de l’épouse en silence et communiqué officiel. Pour conclure «une enquête est ouverte».
Jeudi soir, cette histoire de sexe faisait déjà partie du passé ! Dans le monde réel d’Homeland, chacun reprenait ses esprits en travaillant sur la menace terroriste, un début de retrait du personnel militaire de l’ambassade à Sanaa et des forces spéciales du Yémen et toujours ISIS qui menace de tuer les japonais et d’autres otages dont une femme…
Vendredi, la capitale reparlait de Guantanamo. Un café «Politics and Prose» convoquait la presse pour promouvoir le «journal de Guantanamo» du détenu Mohamedou Ould Shali. De sa cellule Shali a écrit un témoignage bouleversant sur le quotidien de sa vie et les tortures subies à son arrivée en 2002.
Personne ne peut dire avec certitude pourquoi ce mauritanien est là bas. Pour le gouvernement, «Shali membre d’Al Qaeda recrutait des nouveaux membres de l’organisation terroriste». Shali reconnait avoir fait partie d’Al Qaeda mais «en 1992 et avoir bien quitté à cette époque le groupe». Après le 11 septembre, il affirme «s’être même rendu de son plein gré à la police de son pays pour bien tout clarifier». Un voyage sans retour avec sa mère qu’il ne reverra jamais, morte de chagrin depuis. Car pour une raison étrange, les Mauritaniens l’ont aussitôt remis aux autorités américaines…
Direction Bagram puis Guantanamo, où dans son journal, Shali explique comment les gardes faisaient porter «des couches» et que «dans l’avion, un détenu nu comme lui a failli mourir de froid congelé sous les injures et les rires des GI’s».
Les descriptions de tortures racontées par Shali sont un témoignage terrible de cette époque. Et ne soyez pas dupe. Le gouvernement américain autorise la publication de cet ouvrage pour bien mettre en lumière les agissements inhumains d’une certaine Amérique dans sa lutte contre le terrorisme. Shali explique aussi à quel point à un moment, sous la douleur, il a commencé «à inventer des choses que ses gardes voulaient entendre…». Ses mots et cris résonnent longuement dans les pages. Malgré les demandes répétées de ses avocats, Shali, à ce jour, n’est toujours inculpé de rien. Mais encore à Guantanamo.
Vendredi soir, il était donc assez émouvant de voir à Washington son avocate signer son livre pour lui. Elle avait fait faire un cachet reproduisant sa signature. Un petit bout d’âme d’un détenu de Guantanamo toujours dans sa cellule…
Dimanche, le très sérieux Washington Post rappelait aussi avec justesse que «ce genre de torture ne se pratique plus à Guantanamo». Mais l’isolement existe toujours. Et les sévices sur ces hommes innocents ou coupables laissent des traces. On apprenait que les détenus du 11 septembre ont désormais, après 12 ans d’emprisonnement, obtenus «le droit de pouvoir téléphoner à leurs familles. Avec des règles de visionnage et d’écoutes». Le cerveau du 11 septembre, Khaled Sheikh Mohammed, a décliné immédiatement la faveur. Il a fait dire «qu’il ne voulait pas que les américains voient ce qu’il dit à sa famille».
Khaled Sheikh Mohammed à Guantanamo est devenu, selon mes sources, plus radical que jamais.
Pourquoi Obama n'est pas venu ?
Ok je sais… Obama vous a manqué à la manif. Vous vouliez l’image magique, un joli symbole. Lui et les autres, nos grands dirigeants démocrates unis sur le pavé. Vous vouliez le beau visage grave d’Obama regardant les fenêtres et le peuple de Paris… Inconsciemment une photo noir et blanc toute simple le montrant debout avec ses potes d’un jour, Netanyahu, Abbas, Hollande, Merkel, Cameron…. Au nom de la démocratie. Oui avec vous. Le peuple. Hope. Yes. We can.
Et puis plouf il n’est pas venu. Dès vendredi la West Wing le disait, le emailait, mais personne dans les rédactions parisiennes ne le croyait. L’info voulait Obama. La rumeur disait «Il va venir». Et les journalistes de Washington et New York ont dû répondre à leurs chefs «non, non, c’est sûr il ne vient pas». Et personne n’y croyait….
Alors lorsque le vide américain fut bien là, exposé aux yeux du monde le dimanche il a fallu se faire une raison. «C’est à cause de sa sécurité… trop risqué…»
Replouf. Au briefing du lundi à la Maison Blanche, la journaliste du très sérieux New York Times a posé au porte-parole la question qui tue : «On a appelé les services secrets et ils nous ont dit ne pas avoir du tout été consultés sur la venue d'Obama à Paris. Que s’est-il passé ?…»
Et Oui. Obama n’est pas venu à Paris, non pas à cause de sa sécurité mais parce que son équipe dans la West Wing, qui ressemble de plus en plus à la série, a décidé pour lui que «cela n’était pas nécessaire.»
Et la Maison Blanche de reconnaitre haut et fort avoir «fait une erreur de jugement». «Oui, On aurait dû envoyer un haut responsable américain» ne cesse de répéter, cette semaine, le vaillant Josh Earnest porte-parole…
Côté coulisses, l’histoire est simple. Dès les attaques, la Maison Blanche se mobilise très fortement. Priorité à la France. Tout se met en place dans l’urgence pour montrer la solidarité absolue avec la France : Kerry ému parle pour la première fois en français aux caméras du monde… Le Président appelle Hollande... Il visite à l’improviste l’Ambassade de France à Washington. Impact maximum et minute de silence suivi d’un texte manuscrit d’Obama où en gros plan la caméra du pool filme ses mots manuscrits «vive la France», re appel à Hollande à bord d’air force one, meeting dans le Tennessee avec hommage public «au courage de la France..» … Bref, en 3 jours, comme le dit un des proches «On a vraiment voulu montrer un soutien fort». Et donc jeudi soir tout le monde est d’une certaine manière content… Obama King of France.
Dans la bulle du pouvoir Maison Blanche, la manif de Paris parait loin et si française… Alors comme le reconnait publiquement la Maison Blanche «sans que jamais Obama ne soit consulté», les hommes du Président prennent la décision de ne pas aller à paris… : «on a fait le job cette semaine. On a montré qu'on dénonçait le terrorisme, la barbarie, repos ce week-end, on ne sait pas non plus ce qui va arriver... Gardons nos forces». L’annonce de la venue de Netanyahu et Abbas ne remet jamais en cause la décision de ne pas aller à Paris. Obama encore une fois ne sera jamais consulté....
Le week-end commence… Samedi calme. Obama ne fait rien. Et le dimanche aussi. Mais ce réveil dans la west wing dimanche à 7 heures du matin, 13 heures en France, est brutal … Violent. Toutes les stars des télés américaines sont à Paris. CNN, Fox News, MSNBC, CBS, FOX news multiplient les directs et spéciales sur «ce moment historique, émouvant… l’absence flagrante américaine…». La Maison Blanche rappelle alors par email «qu'elle a bien envoyé Holder le ministre de la justice»… Ok… Mais il n’est pas dans la rue. Simplement dans un studio avec un fond de Tour Eiffel derrière pour des interviews avec tous les shows politiques américains du dimanche sur la lutte antiterroriste… On ne peut pas parler aux américains et défiler.
Il parait qu'Obama n’était pas content. Pas content du tout. Ca a crié dans la West Wing et personne ne dit encore qui est le responsable de cette décision… Mais il commence à envoyer son CV à Wall Street, Hollywood et Google…
Toute la semaine le congrès aussi a hurlé… La campagne démarre… Belle occasion pour les républicains de «répéter où est l’Amérique, la forte, si absente à la manif….»
Obama oui manquait à Paris. Et pour moi aussi L’Amérique politique. Ces américains qui parlent tout le temps de la lutte contre le terrorisme, liberté, démocratie… Pèle mêle Kerry, Bush, Carter, Romney, Mac Cain qui aiment «tant dans leurs campagnes, la France» et surtout les Clinton. Bill et Hillary… Si silencieux aussi ces Clinton sur Paris. Hillary la future non plus n’était pas à Paris. Et vous les avez entendus depuis les attaques?? Finalement un américain à Paris ce n’est plus ce que c’était. Oui Obama super star n’était pas là.
Mais les autres non plus. Hélas tous unis dans "yes we can’t".
Ferguson : «Quand il y a plus de caméras que de manifestants, c'est la télé qui crée l'évènement».
C'était un dimanche, j’étais à New-York en train de négocier pour Itélé l’interview de l’homme qui a tué Ben Laden. J’allume le poste et là je vois toutes les grosses vedettes de la télé américaine en direct de Ferguson disant :
- « Ca va péter, ça va péter… »
Je me dis : « C’est quoi ce délire ? Que font ces supers stars à Ferguson attendant que ça pète, alors que rien ne s’est encore produit? »
J’appelle Associated Press avec lesquels on travaille habituellement pour en savoir plus. Ils me disent : « Ohlala Laurence ça va péter, faut absolument venir » - ce à quoi je réponds que ça n’a pas encore pété -« Non ça n’a pas pété, mais ça va péter. On est en train de s’installer devant le tribunal, c’est à 10 minutes d’où ça va péter ».
J’appelle Paris et je leur dis « Moi je ne vais pas à 10 minutes d’un endroit où ça n’a pas pété, pour raconter que ça va péter, sans voir où ça va péter. Je suis beaucoup mieux à New-York pour suivre ce qui va se passer dans le reste de l’Amérique, là où ça va être sérieux».
Et là j’allume CBS, NBC, CNN... Les mégas stars - c’est comme pour nous, Bruce Toussaint, Laurence Ferrari, Audrey Pulvar, Gilles Bouleau... - tous répètent à l’envie « Ca va péter à Ferguson ».
C’est une hystérie médiatique que j’ai rarement connue. Je refuse de partir. Et le lundi soir, comme annoncé, ça pète. CNN fait un breaking sur sa reporter qui s’est pris un pavé dans la tête. Le breaking dure 2 heures en boucle : « Notre reporter s’est pris un pavé sur la tête ».
Là, j’appelle des producteurs américains de confiance pour leur demander :
- « Mais c’est vraiment la guerre à Ferguson ? » et ils me répondent « Ecoute, c’est vraiment très compliqué, il y a 500 caméras, il y a 3 immeubles qui brûlent, mais comme c’est construit en papier mâché, ça fait des grosses flammes, et on est tous en direct ».
Je leur demande, « Mais il y a combien de personnes dans la rue, combien qui manifestent contre le racisme ? »
- « Bah c’est un peu compliqué car il y a la famille qui était devant le tribunal en disant qu’il fallait tout casser, mais objectivement il n'y a que 50-80 personnes. Des pilleurs qui mettent le feu et fracassent des vitrines pour piquer des télés » Et là je dis « Mais vous le dites ça ? »
- « Bah les images, c’est beau, c’est impressionnant ».
Là j'ai compris. J’ai été très virulente avec mes collègues qui me répondaient « Oui mais fallait quand même être à Ferguson, c’est emblématique ». J’ai répondu « Non pas forcément. De temps en temps, il faut savoir ne pas partir sur des trucs comme ça ».
Et le lendemain, c’est là que ça a été terrible pour moi, c’est Christiane Taubira qui tweete sur Ferguson.
Donc d’un seul coup, ça prend une ampleur politique française et tout le monde commence à dire « Laurence s’est gourée, patati patata.. » et moi j’ai tenu. J’ai dit « Ecoutez si vous avez envie de faire Gaza à Ferguson, c’est votre problème, mais moi je m’y refuse. Je ne veux pas faire partie de ça, je ne veux pas faire partie de ce journalisme là ».
Je dénonce l’hystérie médiatique sur Ferguson, je pense que c’est extrêmement dangereux. Nous sommes au début de quelque chose qui est en train d’arriver. Quand il y a plus de caméras que de manifestants, c’est la télé qui crée l’événement.