Par Laurence HaÃm
Par Laurence HaÃm
Dans le regard de Josh, porte-parole d'Obama
C’est un type bien Josh Earnest porte-parole de Barack Obama.
Chaque jour, ce jeune homme droit, fidèle du Président, répand souvent avec brio la bonne parole de la Maison Blanche. Mais cette semaine, cet idéaliste défenseur passionné des droits de l’homme a eu un peu de mal. Pas facile pour les jeunes loups proches d'Obama de gérer cette crise MSF. Eux, qui dans la West Wing vénèrent tant geeks et humanitaires, ont été quelque peu gênés aux entournures.
Après les frappes aériennes en Afghanistan sur un hôpital de MSF, le premier réflexe de la Maison Blanche fut de faire appel à la méthode habituelle : silence, ca va passer.
Acte 1, no comment. Mais comme visiblement ca ne passe pas, acte 2 : «Allez demander au Pentagone». Réflexe classique de la West Wing quand elle est embarrassée. Indiquer d’aller voir ailleurs... Alors nous, bons petits soldats de l’info, avons traversé le Potomac pour aller voir le Pentagone.
Dans cet immense bâtiment où les couloirs font parfois un kilomètre, difficile de croiser un sourire. Dans la salle de briefing, le général Campbell en charge des troupes américaines en Afghanistan et aussi des forces de l’Otan a le visage sévère de celui qui a des guerres à gérer.
Tout le week-end, des militaires ont quelque peu cafouillé en communiquant la version SOS GI : «Des forces spéciales américaines en grand danger ont demandé assistance immédiate… On est parti aider nos petits gars». Ensuite la version SOS courage fut donnée : «Les Afghans si courageux dans la lutte contre les attaques ont tenté de reprendre cette ville aux Talibans. Ils ont eu du mal et nous ont demandé une assistance rapide.»
Lundi soir et mardi la presse américaine accréditée au pentagone et à la Maison Blanche ne cessait avec un scepticisme extrême de confronter les différentes versions. On se montrait plutôt attentif aux communiqués de MSF rappelant que «le bombardement avait duré 30 minutes. Et que les coordonnées satellitaires ont été bien transmises aux américains …». Et surtout cette phrase : «tout le monde savait qu’il s’agissait d’un hôpital».
Josh Earnest excelle dans ce qu’il sait le mieux faire : communiquer. Pour lui, pas question «de parler de crime de guerre, attendons que la vérité soit faite avec les trois enquêtes demandées en cours». Une par le pentagone, une par la Maison Blanche, une par l’OTAN, au nom bien sûr, de «cette vérité si importante».
Il ne manquait plus que l’enquête de Sherlock Holmes.
Pas question de commenter quoi que ce soit avant la connaissance pleine et entière des faits. Les faits, rien que les faits.
Et Josh, solennel, qui poursuit en «louant le travail exemplaire de ces gens de MSF qui abandonnent leurs familles pour aller faire le bien…».
Malaise.
Et Obama dans tout cela ?
Le chef de l’état est resté bien silencieux. Lundi et mardi aucune excuse, rien. Mais mercredi, pour une raison inconnue, il téléphone au Président de MSF pour enfin reconnaitre «la faute américaine».
On a eu droit par mail à un beau communiqué diffusé dans le monde entier. Mais pas question de filmer le visage d’Obama disant «Sorry désolé» devant une caméra.
Dans la lutte antiterroriste version Obama, rien n’arrête plus personne. Aucune règle de droit ne s’applique.
Il faut anéantir Ben Laden, Bagdadi… et parfois il y a des «erreurs».
Les missions des forces spéciales pour anéantir en secret les ennemis de l’Amérique sont devenues quotidiennes. Un hôpital en Afghanistan, un mariage au Yemen …. Officiellement «des dommages collatéraux».
Obama, dans ce second mandat, est tout sauf un pacifiste.
Loin de l’image qu’il peut avoir en Europe, Obama est en fait en guerre depuis 7 ans. Et cette guerre, il la renforce chaque jour.
Une guerre de l’ombre loin des caméras. Une lutte impitoyable et secrète. D’ailleurs, à la question «y avait-il une cible prévue de grande valeur dans l’hôpital?» Josh Earnest n’écarte pas l'hypothèse.
Il réplique simplement «que l’enquête déterminera ce qui s’est passé. On ne peut rien dire.» Façon de tout dire.
Ce mercredi dans cette salle du briefing de la Maison Blanche, il y eut aussi pour moi un moment surprenant.
Pendant une fraction de seconde, Josh nous a regardé. Nous, les reporters idéalistes de la campagne 2007. Nous, sillonnant avec eux les routes en Iowa. Quand Josh et la campagne Obama refaisaient le monde dans les motels de l’Amérique profonde. Quand chacun rêvait du «Yes we Can» avec humanitaires et romantiques au pouvoir.
Le regard désespéré de Josh, sept ans plus tard.
Cette toute petite seconde humaine, avant que Josh parfait communiquant, répète «les 3 enquêtes établiront les faits» est peut-être un symbole, un raccourci d’Obama au pouvoir. Lorsqu’un bel idéalisme est pulvérisé par la réalité.
Ce jeudi matin, devant une commission parlementaire du congrès, le général Campbell assure lui aussi que «l’enquête du pentagone dira avec certitude si des talibans blessés étaient dans l’hôpital».
A ces mots, les responsables de la CIA et de la Maison Blanche ont tous baissé les yeux. On a compris. Tout est dit.