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L’immobilier britannique accusé de blanchir l’argent sale

Selon un calcul du « Financial Times », plus de 122 milliards de livres de biens immobiliers outre-Manche sont détenus par des coquilles anonymes dans des havres fiscaux.

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Plus de 122 milliards de livres de biens immobiliers en Angleterre et au Pays de Galles sont détenus par des sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux

Par Nicolas Madelaine

Publié le 3 août 2014 à 15:20

De quoi donner du grain à moudre à ceux qui suspectent que l’immobilier londonien serve de machine à laver l’argent sale des millionnaires du monde entier. Selon un calcul du « Financial Times » à partir des données du Land Registry, l’équivalent britannique du cadastre, plus de 122 milliards de livres de biens immobiliers en Angleterre et au Pays de Galles sont détenus par des sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux qui permettent de dissimuler l’identité de leur vrai propriétaire.

Selon le quotidien des affaires, « à peu près les deux tiers des 91.248 propriétés détenues par des sociétés étrangères sont enregistrées aux Iles Vierges britanniques ou dans les Iles Anglo-Normandes. » En valeur, les deux tiers des biens se trouvent à Londres, ajoute l’auteur de l’article.

Cela fait très longtemps que les experts suspectent que les montants en jeux soient aussi importants. Mais c’est la première fois qu’un chiffre est avancé. Il ne rend pas même forcément justice à l’ampleur du phénomène. Pour John Christensen, du Tax Justice Network, interrogé par « Les Echos », « 122 milliards est probablement la fourchette basse et le ’FT’ lui-même parvient à cette conclusion ».

Trois objectifs

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Le Land Registry ne permet pas de faire la distinction entre les biens immobiliers commerciaux et résidentiels. Du coup, une partie des biens en question sont détenues par des entreprises ayant pignon sur rue cherchant à minimiser légalement leur facture fiscale. De fait, le Land Registry invite dans l’article du « FT » à faire la différence entre anonyme et illicite. Cependant, les associations se plaignent que les données ne soient pas accessibles pour vérifier l’ampleur du phénomène de dissimulation.

L’utilisation de sociétés écrans peut avoir trois motifs. D’abord c’est une arme de fraude fiscale. « Elles sont utilisées pour échapper à l’impôt sur les plus-values, les droits de succession, etc. », explique John Christensen. Elles ont longtemps permis d’éviter les droits de mutation en Angleterre, même si le gouvernement a durci la réglementation dans ce domaine. Ensuite, les sociétés écrans peuvent permettre de recycler l’argent sale ou douteux, notamment des autocrates des pays riches en ressources naturelles. « Pour les ressortissants de pays comme la Russie ou les pays arabes, où il n’y a pas de taxe particulière sur l’immobilier, les sociétés écrans servent surtout soit à recycler de l’argent sale soit à protéger des actifs », explique un expert. De fait, les sociétés écrans permettent aussi de mettre à l’abris dans des juridictions sûres certains actifs pas forcément mal acquis mais provenant de pays sous tension. Elles peuvent être utilisées lorsqu’il y a des sanctions comme celles qui affectent la Russie.

Manque de volonté politique

Dans certains quartiers ou rues de Londres comme The Bishops Avenue ou One Hyde Park, de gigantesques maisons ou appartements de luxe s’échangeant pour des dizaines de millions de livres sont occupées à peine une semaine par an par leur propriétaires venus du monde entier. Le reste de l’année, elles sont entretenues par leur personnel. Comme ces maisons sont souvent détenues par des sociétés écrans, beaucoup soupçonnent de l’évasion fiscale, du blanchiment ou de la dissimulation. Les agents immobiliers sont censés vérifier l’identité des acheteurs mais c’est souvent très difficile.

La Grande-Bretagne avait été moteur lors du G8 d’Irlande du Nord au sujet de l’évasion fiscale. En Novembre dernier, le Premier ministre David Cameron a promis la constitution d’un r egistre public détaillant qui sont les vrais propriétaires de sociétés écrans. Cependant, il n’est question que des sociétés détenant des actifs financiers et donc pas des biens immobiliers, des oeuvres d’art, etc. En outre, pour John Christensen, le mouvement international anti-évasion fiscale s’essouffle. « Nous sommes déçus par le manque de volonté politique, explique-t-il. Les trusts et les fondations continuent de fournir un boulevard aussi grand que le ciel pour l’évasion fiscale ou le blanchiment. » Pour Pascal Saint-Amans, spécialiste de ces questions à l’OCDE, ce jugement est injuste. « Les trusts et les fondations sont couverts par les conventions d’échange automatique de données entre les fiscs des pays tant réclamées par les associations, explique-t-il. Alors certes, la transparence de ces échanges dépend de la qualité des relations internationales et les sociétés écrans sont effectivement un problème, mais d’énormes progrès ont été faits et le rythme ne ralentit pas. » Il ajoute que des comptes bancaires sont la plupart du temps associés à ces maisons londoniennes détenues par des sociétés écrans, ce qui permet d’obtenir des informations sur leurs propriétaires.

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