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Billet de blog 5 août 2014

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La surpopulation carcérale: moteur de la récidive!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Lundi 9 heures 30 devant la prison des Baumettes ». C’est ma première expérience pratique de l’univers carcéral français. Un rendez-vous avec le responsable du service psychiatrique de l’une des maison d’arrêt les plus vieilles d’Europe qui fût construite entre 1933 et 1939.

Après le passage de la porte principale, je comprends que franchir chaque espace demande du temps. À l’intérieur, on sent l’emprise de l’administration pénitentiaire, sorte de machine à broyer qui prétend redresser l’individu mais qui pourtant le condamne à la récidive.

Les murs, cela fait bien longtemps qu’ils n’ont pas été nettoyés. Ils portent encore les stigmates de l’absence des proches, quelques noms gravés, des insultes dessinées à la craie, et des tâches douteuses.

On me confie rapidement que les détenus se violent entre eux, et que la douche est devenue le moment de tous les dangers pour ceux qui tiennent encore à leur dignité.

Il y règne une odeur particulière à mi-chemin entre la matière fécale et la transpiration. Les détenus crient sans arrêt et s’échangent toutes sortes d’objets par la fenêtre. A l’extérieur, on entend des cris lointains, comme des appels à l’aide.Un surveillant m’explique que ces cris de désespoir proviennent des « crieuses », ces femmes  qui se postent sur le massif de Marseilleveyre qui domine la prison afin d’appeler un mari, un fils ou une fille.

Dans les cellules, les détenus s’entassent à 2 ou à 3 dans 9m2. Il n’y a évidemment pas de démarcation entre la prise de repas, l’espace sommeil et les toilettes. On s’imagine ainsi comment ce petit monde cohabite lorsqu’ils décident de pratiquer les trois activités au même moment.

Le jeudi 6 décembre 2013, Jean-Marie Delarue, ex-contrôleur général des lieux de privation de liberté, a jugé le naufrage de la prison des Baumettes, suffisamment alarmant pour utiliser la procédure d’urgence, prévue en cas de « violation grave des droits fondamentaux ».

Bien sûr, depuis, l’administration a réalisé quelques travaux pour améliorer les conditions de détention mais un problème de taille reste intacte : la surpopulation carcérale.

Entre 2002 et 2012,  le nombre de détenus en France a augmenté de 38% passant de 48 594 à 67 073. 

En avril, le nombre de prisonniers a franchi un nouveau record avec 68 859 personnes incarcérées, soit un taux d'occupation de 119,38% par rapport au nombre de places disponibles.

Faute de place et de moyens, on ne sépare plus les détenus en fonction de la nature de leur condamnation. Ainsi, le conducteur sans permis est susceptible de côtoyer l’assassin. Le violeur peut se retrouver dans la même cellule qu’un jeune majeur. Cette proximité corruptive, au delà de contribuer aux agressions entre détenus, a pour conséquence que chacun s’échange des moyens illégaux pour récidiver une fois dehors faute de trouver un travail honnête.

D’ailleurs du travail en prison, il n’y en a que pour 1/3 des détenus. Il y a de moins en moins d’entreprise qui propose de faire le lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert.Les gages de réinsertion d’un détenu découlent souvent d’un travail à la sortie ou d’une famille aimante. Or, par la disproportion des peines, les détenus perdent souvent ces liens de socialisation.

Un fonctionnaire du service de probation et d’insertion m’avait confié : « Quand ils sortent, je leur donne un préservatif, et 3 euros pour leur trajet vers le centre ville ». Près de 60% des détenus récidivent dans les cinq années qui suivent leur sortie à défaut de suivi et d’aménagement de peine.

Statistique peu médiatisée par les partisans du tout carcéral comme Christian Estrosi. De tout temps, la prison a eu pour vocation de punir les criminels, d'en protéger la société et, en théorie, de conduire les coupables à s'amender. Elle cristallise aujourd’hui la délinquance des personnes qui y sont incarcérées en les privant de toute perspective de réinsertion. Il fallait donc que le législateur matérialise une peine de probation effectuée en milieu ouvert, sans emprisonnement, dans le but de prévenir la récidive en évitant de cisailler les liens qui existent entre le condamné et la société.

C’est chose faite avec la contrainte pénale qui découle de la réforme du code de procédure pénale proposée par Chrisitne Taubira. Le texte a été définitivement voté le jeudi 17 juillet 2014 après un parcours mouvementé. Cette  nouvelle sanction pénale, dont l’avenir dépend de la façon dont les magistrats vont s’en saisir, est l’aboutissement de la réflexion de nombreux professionnels sur le sens de la peine.

Loin du laxisme dénoncé par les détracteurs de la réforme, celle-ci a enfin le mérite d’une expertise concrète sur les conséquences de l’incarcération et des dangers qui y découlent. Tout cela dans un seul objectif: la sauvegarde de l’ordre public.

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