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Les éleveurs d'huîtres et de moules crient leur désarroi

La profession dénonce les méthodes intensives prônées par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer.

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Publié le 08 août 2014 à 12h46, modifié le 09 août 2014 à 13h56

Temps de Lecture 3 min.

Les conchyliculteurs ont à nouveau manifesté leur colère, le 5 août à La Rochelle, en déversant des camions de coquilles vides devant la préfecture de Charente-Maritime. Après avoir bloqué en juillet le port de plaisance et le pont de l'île de Ré, 200 à 300 exploitants ont exprimé une fois de plus leur désarroi face à la mortalité massive qui frappe leurs parcs de coquillages, dénonçant « le laxisme de l'Etat » et promettant de revenir troubler l'université d'été du PS à La Rochelle.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés Dans le Pertuis breton, où les moules se meurent

Pour les ostréiculteurs, c'est la réédition des calamiteux étés précédents. Depuis 2008, certains ont perdu jusqu'à 100 % de leurs juvéniles, puis de leurs huîtres adultes, soit un manque à gagner de 50 millions d'euros en 2013. Cette saison, avec une hécatombe de 12 000 tonnes de moules et une perte de 20 millions d'euros, les mytiliculteurs rejoignent le mouvement.

Les professionnels dénoncent l'arrivée croissante de pesticides dans les estuaires, la hausse de la température de l'eau et la multiplication des pathogènes, les rejets massifs de boues de dragage. L'environnement est un mot d'ordre consensuel au sein d'une filière divisée. Entre les membres de l'association Ostréiculteur traditionnel et les partisans de l'élevage intensif, la situation est tendue.

PATRIMOINE GÉNÉTIQUE APPAUVRI

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Les premiers soupçonnent les seconds d'avoir joué contre leur camp en introduisant dans le milieu marin des triploïdes (dotées de trois lots de chromosomes et non de deux comme les huîtres naturelles), nées en écloserie et non en mer. La généralisation de ces mollusques stériles – qui ne présentent jamais de laitance pour plaire aux consommateurs – aurait, selon eux, appauvri le patrimoine génétique des huîtres et leur résistance aux bactéries et aux virus.

Or qui a permis à ces techniques venues des Etats-Unis de s'implanter ? L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Une partie de la profession, qu'il a pour mission d'aider, l'a pris en grippe. L'Ifremer a-t-il « favorisé indirectement le développement » d'un virus qui décime les parcs à 60 %, voire 90 % ? A-t-il « mis en place tous les moyens de recherche pour comprendre l'origine de cette mortalité » et en suivre l'évolution ? Forte de ces questions, l'association Ostréiculteur traditionnel a obtenu auprès du tribunal administratif de Rennes en 2010 que soit menée une expertise judiciaire. Dans son rapport rendu à l'issue de quatre ans de travail et dont Le Monde a eu connaissance, l'expert Jean-Dominique Puyt, professeur à l'Ecole nationale vétérinaire de Nantes, met sévèrement en cause le rôle de l'Ifremer face à l'infection herpétique.

Il reproche à l'organisme de s'être intéressé trop tard à l'herpèsvirus OsHV-1, repéré en 1991, puis à sa souche variante apparue en 2008. Il dénonce une « surveillance essentiellement passive » ; des résultats d'analyses confidentiels qui n'ont pas permis à la profession de prendre la mesure de l'épizootie ; une communication brouillonne, « emprisonnée dans les doutes respectables du chercheur ».

« C'EST LE RÔLE DES SERVICES DE L'ETAT »

L'Ifremer n'est pas qu'un organisme de recherche, il a aussi pour mission le « contrôle et la qualité des produits de la mer », insiste M. Puyt. Le coup de grâce arrive en fin de rapport avec une première évaluation du préjudice. « Il devrait y en avoir pour au moins 3 millions d'euros rien que pour une douzaine d'exploitations bretonnes », confie l'avocat, Pierre-Yves Matel, au nom d'Ostréiculteur traditionnel, qui envisage une procédure judiciaire sous peu.

« Nous sommes parmi les premiers chercheurs dans le monde à avoir publié sur ce virus », se défend Jean-Pierre Baud, coordinateur transversal conchylicole à l'Ifremer. « Nous avons mis en place des observatoires de la mortalité depuis 1993 mais nous ne sommes pas chargés de la gestion des maladies dans les parcs, renchérit Tristan Renault, responsable de l'unité santé, génétique et microbiologie des mollusques. C'est le rôle des services de l'Etat que nous avons régulièrement informés de nos travaux. » Pour l'Ifremer, l'affaire est embarrassante. L'herpèsvirus est en train de décimer l'huître creuse Crassostrea gigas qui représente 90 % de la production mondiale. Si l'animal finit par s'adapter, les ostréiculteurs risquent d'avoir du mal à survivre.

En dépit de l'indemnisation possible, Benoît Le Joubioux, président d'Ostréiculteur traditionnel, laisse poindre sa déception, car l'expertise ne fait qu'effleurer la question de l'huître triploïde. « L'Ifremer consacre beaucoup de temps aux questions de rentabilité. Résultat : les ostréiculteurs sont devenus dépendants des écloseries qui les fournissent en triploïdes, comme les agriculteurs vis-à-vis de Monsanto. » Son association serait prête à ne pas réclamer d'argent, à condition d'obtenir un étiquetage distinguant leurs coquillages et que les deux zones où ils naissent soient protégées de la promiscuité des huîtres transgéniques.

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