Quand John Oliver explique qu’aux Etats-Unis, il y a plus d’agences de crédit que de McDo
Le célèbre humoriste britannique John Oliver passe au grill l’industrie du payday loan, un crédit très court terme. Terrifiant, mais fou rire garanti.
Par Étienne Goetz
John Oliver est britannique, humoriste et enflamme les plateaux télévisés aux Etats-Unis avec des sujets très sérieux. Il avait réussi à rendre drôle et intelligible la neutralité du net, décortiquer les rouages de la FIFA. Sa dernière victime en date : le payday loan, sorte de crédit conso à court terme sous forme d’avance en liquide sur le salaire, mais avec des taux d’intérêt usuriers.
Le phénomène n’est pas marginal. Aux Etats-Unis les établissements de payday loan poussent comme des champignons. A tel point qu’il y a plus de payday loan que de McDonalds et de Starbucks : « Plus que de McDonalds ! », s’étonne John Oliver avant de poursuivre, « je ne savais pas qu’aux Etats-Unis, il pouvait exister quoi que ce soit en plus grand nombre que des McDonalds ! Même pas des personnes ou des grains de sable. » Problème : ces établissements de crédit pratiquent des taux qui crèvent tous les plafonds de l’usure, plongent de nombreux Américains dans la spirale du surendettement et rivalisent de mauvaise foi pour contourner toute régulation. Cette industrie n’existe que depuis une vingtaine d’années, et son chiffre d’affaires est compris entre 9 et 27 milliards de dollars selon les sources.
Le Payday loan est à la finance ce que les chips Lay’s sont à la gastronomie
Un ménage américain sur vingt a eu recours à des payday loans. Or certains établissements pratiquent des taux d’intérêt pouvant atteindre... 1900 % ! Et les trois quarts de cette industrie sont alimentés par des emprunteurs qui doivent réemprunter pour payer leurs échéances : « C’est le cercle de la dette », chante l’humoriste sur un air de « singing in the rain ». En fin de compte, le payday loan est à la finance ce que les chips Lay’s sont à la gastronomie : « on ne peut pas en manger qu’une seule, mais c’est très mauvais pour la santé », selon John Oliver.
Par ailleurs, l’industrie n’hésiterait pas à pratiquer le conflit d’intérêts pour se prémunir de toute régulation. John Oliver cite à titre d’exemple, au Texas, le président de l’autorité chargée de superviser cette activité, qui est lui-même vice-président... d’un des plus importants établissements de payday loan. De plus quand une loi encadre le « short-term lending », les établissements de payday loan s’inscrivent sur un autre registre quasi-similaire, celui des « mortgage lenders » mais non soumis à la nouvelle loi. Autant s’inscrire tout de suite sur le registre des « Peanut Butter Octopus ! Personne ne peut réguler les entreprises de beurre de cacahuètes octopus, elles n’existent pas », s’amuse l’humoriste.
Pas de payday loan en France
Comment fonctionne un payday loan ? Il s’agit d’une avance en liquide, généralement inférieure à 500 dollars obtenue grâce à un chèque postdaté, c’est-à-dire qui sera encaissé à la date de votre choix, ou grâce à un virement programmé. Vous déposez un chèque, l’établissement vous verse en liquide le montant du chèque, moins les intérêts. Par exemple, pour 300 dollars, si vous devez payer 45 dollars d’intérêts, vous recevez seulement 255 dollars et un mois après, votre compte est débité de 300 dollars.
En France de tels établissements n’existent pas. Les taux d’intérêt sont strictement encadrés. Depuis la « loi Lagarde », du nom de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en 2010, le taux d’usure est défini en fonction du montant du prêt et non de sa nature. La Banque de France a fixé le taux d’usure à 20,35 % pour un prêt d’un montant inférieur à 3.000 euros au troisième trimestre 2014.
Par ailleurs, l’ouverture d’un établissement de crédit est très réglementée en France. Il faut au préalable demander à l’Autorité de contrôle prudentiel (ACPR) un agrément en qualité d’établissement bancaire. Deux statuts sont possibles : un statut bancaire très strict, avec des exigences de fonds propres par exemple, ou bien un statut avec un régime prudentiel allégé, mais sans pouvoir accéder au guichet de la Banque centrale européenne en cas de pépin.
Le Royaume-Uni s’est essayé au payday loan. Le résultat est mitigé : la société Wonga qui se targuait de faire du prêt à très court terme en ligne en toute transparence et sans arnaque a été condamnée à verser 2,6 millions de livres. Il lui était reproché d’avoir envoyé à des clients des lettres au nom de cabinets juridiques inexistants les menaçant de poursuites en justice s’ils ne re-payaient pas plus vite leur dette. Wonga est aussi accusée d’avoir imputé à ces mêmes clients des frais administratifs pour l’envoi de ces lettres.
Etienne Goetz