Francois Hollande et Manuel Valls à la sortie du Conseil des ministres le 3 juin 2014 à l'Elysée à Paris

Francois Hollande s'est bien gardé de le préciser qu'une politique de l'offre ne porte ses fruits qu'au bout de deux à trois ans.

afp.com/Alain Jocard

La rentrée s'annonce rude : la croissance est en panne, le déficit va être pire qu'attendu, au-delà de 4% du PIB. Des voix s'élèvent déjà pour dénoncer l'inefficacité du pacte de responsabilité et prôner la stratégie opposée - une relance par la demande. Pourtant, nul ne sait si la politique de l'offre aurait fonctionné, puisqu'elle n'a pas été appliquée ! En France, on parle des réformes plus qu'on ne les fait : celle-là est évoquée depuis la mi-janvier, date du "coming out" social-démocrate de François Hollande.

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Mais les baisses de charges restent en grande partie virtuelles, et de nouvelles complications administratives (durée minimale de 24 heures hebdomadaires, compte pénibilité...) se sont mises en place tandis que des simplifications étaient annoncées. Le volet Cice a été sous-utilisé en raison de sa complexité et commence tout juste à bénéficier aux entreprises qui l'ont sollicité et y sont éligibles. Quant au reste (10 milliards d'allégement de charges), c'est une goutte d'eau qui ne permettra jamais aux firmes françaises de s'aligner sur les allemandes, lesquelles payent toujours 100 milliards de charges et taxes de moins.

De surcroît, une politique de l'offre ne porte ses fruits qu'au bout de deux à trois ans ; tous les économistes en sont d'accord, mais François Hollande s'est bien gardé de le préciser. Or la patience n'est pas notre fort. La renonciation est tentante.

Quel dommage que nos ministres aient été incités à prendre leurs vacances en France! Car ils auraient eu tout à gagner à visiter l'Angleterre, la Suède, l'Allemagne ou le Canada, des pays qui ont connu des déficits et des dettes comparables aux nôtres mais ont réussi à assainir leurs dépenses publiques.

La leçon la plus importante de leur expérience ? Ils ont mis en place un "package", un vaste plan d'ensemble, négocié, expliqué, puis annoncé globalement et appliqué dans la foulée. Une remise en question systémique, en somme. Et non une succession de "mesurettes", d'annonces prématurées et de zigzags qui, s'ils ne font pas descendre les Français dans la rue, ne s'attaquent au déficit qu'à la marge et donnent le sentiment que tout est à refaire sans cesse, que de nouvelles hausses d'impôt sont toujours à venir... bref, qui entament la confiance en l'avenir et empêchent l'économie de redémarrer.

La stratégie du "choc"

Chez nos voisins, il a souvent fallu une coalition au pouvoir pour appliquer un tel programme. N'est-ce pas, au fond, notre incapacité à trouver un consensus qui nous empêche de procéder à une vraie remise à plat de la sphère publique et nous condamne à faire aussi lissé et indolore que possible - donc inefficace et toujours à recommencer?

Le Canada affichait en 1992 un déficit de 9% du PIB. Une paille ! On susurrait alors que le FMI allait devoir venir au secours du pays et lui appliquer ses potions amères. L'opposition libérale (centre gauche) a fondé sa campagne sur un objectif : revenir à 3% en trois ans. Une fois élu, le gouvernement a fait preuve de pédagogie, en montrant à chacun que son portefeuille était en jeu. Chaque ministre s'est engagé à trouver de 20 à 30% d'économies dans son budget. Comme il était impossible de couper à la marge, il a fallu repenser le rôle de l'Etat en examinant l'utilité de chaque programme, en confiant certaines missions au secteur privé, ce qui a réduit le nombre de fonctionnaires d'un tiers. Mais au bout du sacrifice, la baisse des impôts a été spectaculaire pour tous.

La Suède, l'Allemagne et, tout récemment, le Royaume-Uni ont aussi opté pour la stratégie du "choc" - ce mot que le gouvernement français utilise à outrance pour donner du relief à la moindre décision, et qui masque, en réalité, son absence de courage !

Manuel Valls veut "réformer, réformer, réformer... inlassablement". Las ! Les petits pas ne peuvent faire revenir la confiance. Au contraire, ils induisent le doute. Il faut, certes, réformer - mais en annonçant un plan global de réorganisation de l'Etat et des finances publiques. Ce programme devrait découler d'une vision et d'une straté gie. Exactement ce qui fait défaut depuis deux ans.

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