Monde

Moyen-Orient: les Kurdes, la plus grande Nation sans Etat du monde

Un combattant du Kurdistan irakien

© AHMAD AL-RUBAYE - BELGAIMAGE

Temps de lecture
Par Julie Calleeuw

Début juillet, le président de la région autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, demandait au Parlement régional d’organiser un référendum d’indépendance alors que l’Irak était menacé d’implosion suite à l’offensive de l’Etat islamique.

Cette volonté d’indépendance n’est pas neuve. Mais a été renforcée par le chaos qui règne en Irak et alors que les combattants kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie ont uni leur force pour combattre l’Etat islamique. Une rare entente. Car s’il y a bien un peuple kurde, réparti sur plusieurs Etats, les situations et volontés sont très différentes.

D’ailleurs, Denise Natali, chercheuse à l'Institute for National Strategic Studies de la National Defense University à Washington et spécialiste de la question turque, interrogée sur France 24 en mars dernier, estime qu’en cas d’Etat indépendant, un conflit pourrait surgir entre les Kurdes eux-mêmes. "Il y a une grande division entre les Kurdes. Une potentielle source de conflit pourrait être entre les Kurdes pour savoir qui serait le dirigeant, particulièrement entre les Syriens et les Irakiens".

Karim Pakzad, chercheur spécialiste de l’Irak à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), interrogé par 20minutes.fr, croit également que le projet d’indépendance est toujours impossible. "Je ne pense pas que les Kurdes souhaitent l’indépendance. Le référendum n’était qu’une menace. Une épreuve de force pour que l’ancien premier ministre al-Maliki ne soit pas reconduit. L’autonomie régionale kurde, qui fonctionne déjà comme un Etat, avec un président et un Premier ministre, leur suffit. Les Kurdes sont réalistes. Ils savent très bien que la Communauté internationale n’acceptera jamais un changement de frontière. Je ne parle même pas de l’Iran ou de la Turquie. Une telle indépendance ranimerait les velléités de leurs populations kurdes".

Car les Kurdes sont un peuple, une nation sans Etat, répartis dans quatre Etats du Moyen-Orient : l’Irak, la Turquie, l’Iran et la Syrie. Les estimations des populations sont variables. Ils seraient environ 35 millions, la majorité se trouvant en Turquie.

Pourquoi les Kurdes n’ont-ils pas d’Etat ?

En fait, ils ont bien failli en avoir un. A la fin de la Première guerre mondiale, le traité de Sèvres de 1920 organise le démantèlement de l’Empire ottoman et prévoit un Kurdistan indépendant. Mais par le traité de Lausanne de 1923, le Moyen-Orient est divisé en plusieurs pays, qui ne prennent plus en compte le Kurdistan. D’autant que la Turquie de Mustafa Kemal ne veut pas leur céder de territoire. Les Kurdes sont dès lors répartis entre plusieurs Etats et dans chacun, ils créeront des mouvements d’indépendance.

Regardez cette vidéo de JT datant de 2007 :

Archive 2007: c'est quoi le Kurdistan ?

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Ont-ils une culture particulière ?

Dans LeMonde.fr, Myriam Benraad, politologue spécialiste de l’Irak, explique que "les Kurdes ne constituent pas une entité une et homogène. Ils sont en majorité musulmans, mais ils peuvent êtres sunnites ou chiites, conservateurs ou laïcs. (…) Il existe une langue kurde, avec plusieurs dialectes en fonction des pays".

Quelle est leur situation en Turquie ?

Dès la naissance de la Turquie de Mustafa Kemal, l'importante minorité kurde (20% de la population turque) voit ses droits niés. C'est une minorité opprimée. En 1978, Abdullah Öcalan fonde le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, qui veut l'indépendance des territoires kurdes en Turquie. Le PKK a des ramifications dans tout le Kurdistan: le PYD en Syrie, le PJAK en Iran et le PCKD en Irak.

En 1984, il se lance dans une lutte armée. Les affrontements feront des dizaines milliers de morts. 

Depuis quelques années, gouvernement turc et PKK négocient la paix. Et c'est désormais par la voie politique que les Kurdes espèrent se faire entendre en Turquie, avec leur principal parti, le Parti pour la paix et la démocratie. Même au sein du PKK, certains estiment qu'il est temps d'opter pour la diplomatie. 

La Turquie de son côté a également adopté des réformes en faveur des Kurdes, réformes qui ont eu bien des difficultés à être mises en place. Voyez cette archive du JT datant de 2003:

 

 

 

Archive 2003: violations des droits des Kurdes en Turquie

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Moyen-Orient: les Kurdes, la plus grande Nation sans Etat du monde
Moyen-Orient: les Kurdes, la plus grande Nation sans Etat du monde © IRNA - BELGAIMAGE

Quelle est leur situation en Irak ?

En Irak, les Kurdes ont été victimes de massacres.

En 1988, en pleine guerre Iran-Irak, le régime de Saddam Hussein lance une campagne contre les rebelles kurdes soupçonnés de soutenir l'Iran. Près de 200 000 civils kurdes sont exterminés, avec des armes chimiques. Notamment dans la petite ville d'Halabja: 

 

Pendant la première guerre du Golfe début des années 90, alors que l'Irak a envahi le Koweit, les Kurdes se soulèvent contre le régime. Deux millions d'entre eux fuiront suite aux bombardements de l'armée irakienne.

Avec la chute de Saddam Hussein en 2003, les Kurdes irakiens obtiennent une autonomie écrite dans la Constitution de 2005, avec un président, un gouvernement régional et un Parlement, autonomie qui devient un exemple à suivre pour les Kurdes des autres pays. 

Quelle est leur situation en Syrie ?

En Syrie, les Kurdes n'ont presque jamais fait appel à la lutte armée et sont restés discrets. Mais, à la faveur de la guerre civile, les Kurdes ont gagné en autonomie. C'est ce qu'explique Denise Natali sur France24: "Ils ont réussi à sécuriser une petite région autonome. Mais ils n’ont pas les ressources pour être complètement indépendants. Et le gouvernement kurde irakien ne les soutient pas non plus".

Ils doivent en outre faire face maintenant à la poussée de l'Etat islamique qui cherche à conquérir leur territoire.

Quelle est leur situation en Iran ?

En Iran également, les Kurdes ne sont jamais passés par la lutte armée. C'est une minorité dont les droits sont bafoués. Ainsi, dans son rapport sur les droits de l'homme de 2013, Amnesty International note que "les minorités ethniques – Arabes ahwazis, Azéris, Baloutches, Kurdes et Turkmènes, notamment – souffraient de discrimination dans la loi et la pratique. Ils n’avaient pas accès à l’emploi et à l’éducation, entre autres droits économiques, sociaux et culturels, dans les mêmes conditions que les autres Iraniens. L’usage des langues minoritaires était toujours interdit dans les écoles et l’administration. Ceux qui faisaient campagne pour les droits des minorités étaient exposés aux menaces de la part des autorités et au risque d’arrestation et d’incarcération".

J.C.

 

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous