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Monde

Ice bucket Challenge : le jeu qui révèle la "guerre des clans" des PDG

Les grands patrons américains ne se sont pas jeté des seaux d'eau glacée seulement par philanthropie. Ce jeu leur a permis de se défier les uns les autres. Décryptage.

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ice bucket challenge fedex

Comme de nombreuses sociétés américaines, Fedex fait sa publicité grâce au Ice Bucket Challenge.

(c) Sipa

Jardin verdoyant, mobilier d'extérieur, dalles pavées sur le sol, il flotte comme un air de vacances chez Mark Zuckerberg  le PDG de Facebook. Mais soudain, le jeune patron se verse un grand seau d'eau et de glaçons sur la tête… Facétie d'un PDG (encore) jeune ? Nouvelle mode originale pour se rafraîchir ? Pas vraiment. Lancé en juillet par l'association américaine de lutte contre l'ALS, (Sclérose Latérale Amyotrophique), le "challenge du seau de glaçons" ou "Ice Bucket Challenge" fait un carton aux Etats-Unis.

Un 'event' caritatif...

Tout a commencé le 15 juillet dernier, quand le golfeur Chris Kennedy se jette un seau de glaçons sur la tête, nomme ensuite sa cousine pour qu'elle l'imite et, surtout, pour qu'elle fasse aussi un don à l'ALS Foundation .Car le "challenge du seau de glaçons" existait déjà, mais personne n'avait eu la (bonne) idée de faire suivre le défi d'un don à une association.

Boosté par cet "accélérateur médiatique" qu'est l'appel à la générosité publique, le phénomène explose. Et les stars s'y mettent: Justin Timberlake, Nicole Kidman, Zac Efron, Steven Spielberg, Ben Afleck… Au point qu'un site a déjà tenté de recenser toutes les stars qui se sont prises au jeu: qui les a nommées ? Et qui ont-elles nommé à leur tour? 

Bientôt, les PDG de multinationales entrent dans la danse, grâce au gouverneur du New Jersey, Chris Christie, qui a ensuite défié Bill Gates (Microsoft), Sheryl Sandberg (Facebook), et Reed Hastings (Netflix) pour qu'ils fassent de même. Dès lors, le phénomène s'est transformé littéralement en "hola entrepreneuriale".

... devenu coup de pub'

En baskets, en T-shirt, ou en costume-cravate, comme Ralph de la Vega, PDG d'ATT, les PDG se sont (presque) tous pliés au jeu, avec le sourire, en affichant un air débonnaire et bon enfant. Avec leurs portefeuilles bien garnis, ils permettent aussi à l'ALS Foundation d'encaisser des millions de dollars: selon les calculs du New York Times, l'association aurait collecté 41,8 millions de dollars entre le 29 juillet et le 21 août de cette année, alors qu'elle n'avait collecté que 19,4 millions de dollars pour toute l'année 2012.

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Mais, derrière les montagnes de dollars versés, les sourires de façade et les joyeuses éclaboussures d'eau fraîche, les raisons qui incitent ces moghuls à prendre le risque de se ridiculiser devant les  caméras et leurs salariés ne sont pas si innocentes que ça. Le jeu révèle les hiérarchies cachées, les rapports de force, et les susceptibilités.

Ainsi, quand Mark Zuckerberg nomme Bill Gates, c'est la jeune génération qui rend hommage aux "anciens". Et si Bill Gates accepte, c'est qu'il est intéressant pour lui d'associer son image "d'ancêtre" de l'informatique à celle, encore innovante, du jeune prodige des réseaux sociaux.

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A l'inverse, quand Satya Nadella, PDG de Microsoft, "adoube" Larry Page et Jeff Bezos, il s'agit de l'hommage d'un vétéran de l'informatique (Microsoft a été fondée en 1975), à deux stars récentes d'Internet.

A noter d'ailleurs que, comme Microsoft en son temps, Google et Amazon ont toutes deux des vocations hégémoniques, la première dans le domaine de la recherche sur Internet, et la seconde dans le e-commerce.

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Les questions de susceptibilité jouent un grand rôle dans ce jeu: quand Ralph de la Vega, PDG du monstre ATT (130 milliards de dollars de CA) est nommé par son concurrent direct, le patron de T-Mobile, John Legere, le "Xavier Niel" américain, il s'empresse d'affirmer, avant de se verser le seau sur la tête, qu'il n'obéit pas à cette injonction, mais qu'il répond en fait au défi lancé… par un de ses employés ! Et pour éviter de mettre en lumière un autre concurrent, il se contentera de nommer… ses collaborateurs directs...

Car nommer un "suivant" est une tâche délicate: il s'agit de ne pas mettre en valeur un rival, et de ne pas braquer les projecteurs des médias sur un concurrent.

Deux astuces permettent d'éviter cet inconvénient et de botter en touche: ne nommer personne, comme Larry Page, une initiative qui a l'inconvénient de rompre la chaîne de solidarité.Ou nommer des stars du show business, et donc des personnalités qui apaprtiennent à un univers comlètement différent.

Ainsi Jeff Bezos a-t-il nommé William Shatner, George Takei et Patrick Stewart, trois acteurs de la série culte Star Trek.

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Le jeu révèle aussi des alliances souterraines: quand Tim Cook nomme Bob Iger, PDG de Disney, il ne faut pas oublier que le roi des contenants (iPod, Apple TV, iPad…) est objectivement l'allié du roi des contenus au point que des rumeurs de fusion entre les deux géants ou de rachat de Disney par Apple émergent régulièrement.

La cohabitation entre ces "stars du business" est en fait si délicate que l'arborescence des défis successifs comporte rarement plus de quelques niveaux.

Rappelons que lorsque quelqu'un accepte le "challenge", il doit, après s'être versé le seau sur la tête, nommer 3 nouvelles personnes. Lesquelles, à leur tour, devront nommer trois personnes chacune, et ainsi de suite.

Existe-t-il donc une "arborescence" ou une "filière" du business ? Pas vraiment. Car en général, les crocodiles du monde des affaires peuvent difficilement être trop nombreux dans la même mare, c'est-à-dire dans la même arborescence -taille des egos oblige.Du coup, impossible de tracer une "arborescence du business" dans la cascade des nominés.

En outre, c'est souvent  un inconnu qui nomme opportunément un PDG -il s'agit généralement d'un salarié ou d'un cadre qui nomme son patron impatient d'entrer dans la boucle. Ainsi, c'est Phill Schiller, vice-président marketing d'Apple, qui a nommé Tim Cook.

On pourrait même presque croire que ces salariés "s'auto-nominent" pour lancer la machine et pouvoir nomme leur PDG. En fait, quand Challenges.fr lui a demandé qui l'avait nommé, Phill Schiller a répondu qu'il avait été désigné par Sarah Paige, une ancienne élève, comme lui, du Boston College.Phil Schiller.JPG

Il n'existe donc pas un "arbre généalogique" unique des PDG pour l'Ice Bucket Challenge, mais plutôt une collection de "grappes": le clan Zuckerberg (Mark Zuckerberg, Bill Gates, Elon Musk…), le clan Cook (Tim Cook, Bob Iger, Robert Downey Jr, l'acteur d"Iron Man"), le clan Legere (John Legere, qui nomme ses concurrents les patrons d'ATT, Sprint et Verizon Mobile), le clan Nadella (Satya Nadella, PDG de Microsoft, qui nomme Larry Page de Google, et Jeff Bezos).

Chacun de ces clans peut être considéré comme un lignage aristocratique: ceux qui auront été nommés dans le lignage de Tim Cook, Mark Zuckerberg ou Satya Nadella pourront dire qu'ils ont été anoblis par l'une des figures de proue du  "Ice Bucket Challenge".

Peut-être formeront-ils une confrérie active, comme celle qui regroupe les descendants des passagers du mythique Mayflower, le navire des premiers immigrants qui accostèrent au Nouveau Monde en 1620. Parmi les descendants de ces "pilgrim fathers", on trouve Orson Welles, Marilyn Monroe et… Hugh Heffner, l'ancien patron de Playboy, qui a été nominé par le boxeur Conor McGregor mais qui, à notre connaissance, n'a pas encore accepté de refroidir ses ardeurs légendaires en se jetant un seau de glaçons sur la tête. 

Laurent Calixte, Antoine Guerrier et Pierre-Eliott Buet

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