MONDEAssassinat de James Foley: «La base de l’État islamique en Europe, c’est l’Angleterre»

Assassinat de James Foley: «La base de l’État islamique en Europe, c’est l’Angleterre»

MONDELe tueur présumé du journaliste James Foley, Abdel Bary, se serait radicalisé au contact d’Anjem Choudary, le leader du mouvement salafiste anglais…
L'ancien rappeur Abdel-Majed Abdel Bary, suspecté d'avoir décapité en Syrie le journaliste James Foley, dans une vidéo publiée le 14 juillet 2012 sur YouTube.
L'ancien rappeur Abdel-Majed Abdel Bary, suspecté d'avoir décapité en Syrie le journaliste James Foley, dans une vidéo publiée le 14 juillet 2012 sur YouTube. - SBTV / YOUTUBE
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

Si cette «exécution a bien été commise par un ressortissant britannique», elle représenterait «une trahison des valeurs du pays», a déclaré ce week-end, le ministre anglais des Affaires étrangères, Philip Hammond, dans une tribune au Sunday Times, à propos de Abdel-Majed Abdel Bary, tueur présumé du journaliste américain James Foley. «Il est horrible de penser que l’auteur de cet acte odieux aurait été élevé en Grande-Bretagne», a-t-il précisé. Pourtant, selon certains spécialistes, l’Angleterre est une terre fertile pour les apprentis djihadistes.

«Des discours ouvertement plus radicaux qu’en France»

«La base de l’Etat islamique en Europe, c’est l’Angleterre», expose Samuel Laurent, spécialiste du monde arabe et des mouvements islamistes radicaux. Si le phénomène n'est pas nouveau, une des principales raisons selon lui, de cette radicalisation est la grande liberté de parole. «Les salafistes peuvent par exemple circuler dans des manifestations avec des drapeaux de l’Etat islamique. Il y a également une vraie liberté de ton dans les mosquées anglaises. Et des discours ouvertement plus radicaux qu’en France», poursuit l’auteur d’Al-Qaida en France. «Les réseaux sont également bien organisés», ajoute-t-il. Autant de facteurs qui feraient donc de l’Angleterre un vivier de futurs combattants de l’Etat islamique en Irak et en Syrie.

>> «Abdel-Majed Abdel Bary est devenu un emblème du mouvement salafiste britannique», à lire par ici

Selon les estimations du gouvernement de David Cameron, au moins 400 Britanniques font partie des rangs de l’EI. Mais pour le député Khalid Mahmoud, interrogé par Newsweek, il y a quelques jours, le chiffre serait davantage de 1.500. Au niveau international, selon des experts du renseignement, cités par le New York Times, «entre 10.000 et 17.000 combattants» seraient actuellement «affiliés à l’EI».

«Anjem Choudary règne sur ces puissants réseaux»

Abdel-Majed Abdel Bary se serait radicalisé après avoir passé du temps avec des hommes proches de d’Anjem Choudary, exposent certains médias, ou même directement à ses côtés. «Abdel Bary ne s’est pas radicalisé directement avec Anjem Choudary. Mais plutôt via son père, ses proches mais toujours effectivement avec l’idéologie de Choudary qui inspire de nombreuses personnes et éduque des imams dans le pays.» Mais qui est cet activiste?

Selon Samuel Laurent, «c’est un homme de tous les combats. Il s’est notamment battu pour le père d’Abdel Bary» incarcéré durant près de dix ans en Angleterre. Influent, cet avocat de profession est également à l’origine des «tribunaux islamiques qui permettent de régler un litige à l’amiable entre deux musulmans» et des «Muslim Patrol»: «Une police hors-la-loi qui patrouille notamment dans le nord de Londres», commente l’auteur. «Il règne sur tous ces réseaux informels mais puissants. Et avec les réseaux sociaux, il a réussi à créer une machine à propagande qui peut toucher toutes les couches de la communauté musulmane», mentionne-t-il.

Echec du programme britannique «Prevent»?

A la suite des attentats du 7 juillet 2005, au cours desquels des musulmans radicalisés ont tué cinquante-deux personnes, l’ancien Premier ministre Tony Blair a mis en place le programme Prevent, qui vise à arrêter la propagation d’idéologies extrémistes et à identifier les personnes vulnérables avant leur radicalisation. En avril dernier à Londres, Bernard Cazeneuve s’est d'ailleurs déclaré intéressé par la méthode. Mais l’exécution de James Foley par un Anglais ne représente-t-elle pas un échec de cette stratégie?

>> Le plan «anti-djihad» des Anglais, c’est quoi? Lire l’article

Pour Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes à l’EHESS, il ne faut pas oublier que le choix d’un Britannique comme bourreau de James Foley est avant tout une opération de communication de l’Etat islamique pour «s’adresser au plus grand nombre». Pour lui, l’EI reste surtout composé de nombreuses nationalités, parmi lesquelles l’Angleterre n’est pas plus représentée que d’autres.

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