Les yeux bandés durant le trajet vers la prison, "tu penses alors qu'on va te tuer": Dalia el-Roubi, une  militante soudanaise arrêtée en marge des manifestations contre le régime, a raconté à l'AFP ses sept jours de détention.

Les yeux bandés durant le trajet vers la prison, "tu penses alors qu'on va te tuer": Dalia el-Roubi, une militante soudanaise arrêtée en marge des manifestations contre le régime, a raconté à l'AFP ses sept jours de détention.

afp.com/-

Selon l'African Centre for Justice and Peace Studies, une ONG des droits de l'Homme, plus de 800 personnes ont été arrêtées lors de ce mouvement de contestation, sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir d'Omar el-Béchir en 1989, provoqué par la levée des subventions sur les prix des carburants.

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Les autorités ont affirmé mardi que la plupart d'entre elles, comme Mme Roubi, avaient été libérées.

Cette femme de 36 ans, mère de trois enfants, raconte que huit officiers en civil du Service de la sécurité et du renseignement national (NISS), un des piliers du régime, ont débarqué le 30 septembre chez elle, lui intimant l'ordre de monter dans leur véhicule. Une amie est arrêtée avec elle.

Au commissariat, les deux femmes dorment à même le sol après un interrogatoire "humiliant" lors duquel on les traite de prostituées.

Le lendemain matin, elles sont transférées au centre de détention politique du NISS, un complexe entouré de hautes murailles dans le nord de Khartoum.

"Pour le trajet, ils m'ont recouvert tout le corps d'un drap", dit Mme Roubi, une employée de la Banque mondiale à Khartoum.

Elle, son amie ainsi que quatre autres femmes dorment dans une prison de Omdurman, la ville jumelle de Khartoum, mais sont emmenées quotidiennement au NISS.

L'interrogatoire ne dure qu'une heure par jour mais elles doivent patienter avant pendant des heures dans le centre.

Un jour, la femme qui l'interroge refuse sa demande de voir un avocat et lui lance: "tu sais, c'est une dictature" ici, affirme-t-elle.

Elle voulait savoir qui était dans le "mouvement", et me demandait ce que j'écrivais sur Facebook, explique Mme Roubi.

Contacté par l'AFP, le ministre de l'Information Ahmed Bilal Osmane a affirmé que Mme Roubi et les autres femmes avaient été arrêtées pour leur propos tenus sur internet.

"Elles demandent aux gens d'aller manifester, et sur Facebook elles disent des choses qui ne sont pas correctes", a-t-il indiqué.

'Es-tu une espionne ''

Selon la militante, les interrogatrices n'arrêtaient pas de lui demander: "'Tu penses que les Occidentaux sont derrière (les manifestations, ndlr) ' (...) es-tu une espionne ''".

Ils m'ont dit "arrête de mentir" et m'ont demandé de collaborer sinon je risquais d'être pendue, poursuit-t-elle, ajoutant: "mais ce qu'ils voulaient réellement n'était pas vraiment clair".

Amnesty International a estimé que plus de 200 personnes avaient également été tuées en marge des manifestations.

Citant le gouverneur de l'Etat de Khartoum, les médias ont fait état mercredi de leur côté d'un bilan oscillant entre 60 et 70 morts --contre un bilan officiel de 34 morts jusqu'à présent. Les autorités affirment avoir dû intervenir quand les foules ont attaqué des stations service ou des postes de police.

Mme Roubi, qui dit vouloir une chute du régime de façon pacifique, indique que le plus difficile pour elle dans cette détention a été de ne "pas avoir été complètement honnête" sur la façon dont elle voyait la situation du pays.

Elle a souligné qu'elle n'avait pas été frappée.

Selon elle, son milieu familial privilégié et la médiatisation de son cas lui ont procuré une "protection", dont ne bénéficient pas la plupart des détenus hommes qu'elle a vus, accroupis et les yeux bandés, attendant leur tour pour être interrogés.

Contacté sur les conditions de détention des prisonniers, M. Osmane a affirmé qu'il y a pu avoir "certains désagréments" au début, mais assuré qu'il n'y avait pas eu de torture".

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