Gaz : la Russie met la pression avant l’hiver
Le ministre de l’Energie russe a jugé la situation « hautement critique à l’approche de la saison de chauffage ».
Moscou fait monter la pression sur la sécurité d’approvisionnement en gaz cet hiver. Vendredi, le ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak, a jugé la situation « hautement critique à l’approche de la saison de chauffage », lors d’une conférence de presse avec le commissaire européen à l’Energie, Günther Oettinger. « Il y a un risque que le gaz livré par Gazprom pour l’Europe soit illégalement prélevé par l’Ukraine pour ses propres besoins », a-t-il justifié. L’Ukraine ne reçoit plus de gaz russe depuis mi-juin suite au bras de fer sur la dette accumulée par Kiev à l’égard du géant russe Gazprom, mais le pays fait transiter à l’intérieur de ses frontières la moitié du gaz russe à destination de ses clients européens. Un peu plus d’un quart de la demande européenne de gaz (27 %) étant fournie par la Russie, « c’est environ 15 % de notre consommation qui est à risque », note Thierry Bros, analyste senior marchés gaziers européens et GNL à la Société Générale. Qui parie sur un scénario d’interruption de l’approvisionnement cet hiver, « le temps de trouver une solution puisqu’on ne trouvera visiblement pas de solution raisonnable autour d’une table avant ». En avril, lors d’une tournée européenne de Gazprom, GDF Suez avait rappelé ses relations contractuelles. « Nous nous engageons à acheter à Gazprom et Gazprom s’engage à nous livrer, notre relation ne connaît pas la situation de l’amont ou du transit », expliquait Jean-François Cirelli, en charge de la branche Europe. Tout en reconnaissant ne pouvoir « faire abstraction de la situation » et redoutant « que l’image du gaz se politise ». Pour parer au risque d’un hiver tendu, les énergéticiens ont travaillé à des solutions alternatives. « Les stockages souterrains de gaz sont à des niveaux record : 87 % en moyenne en Europe, contre moins de 80 % d’ordinaire à cette période. Le stockage s’est d’ailleurs fait avec l’aide des Russes, les cours étant restés relativement bas grâce aux fortes exportations de Gazprom », poursuit Thierry Bros. L’hiver doux avait en outre limité les ponctions. En France, GDF Suez a toutefois encore des stockages sous cocon.
En cas de crise, les énergéticiens pourraient rerouter des cargaisons de GNL qui partent aujourd’hui vers l’Asie. « Avec le gaz de schiste américain, il y a aujourd’hui plus de gaz sur le marché, c’est un élément de détente par rapport à 2006 et 2009 [lors des précédentes crises avec l’Ukraine, NDLR] », note Denis Florin, du cabinet Lavoisier Conseil. « Les Etats-Unis seraient ravis de se substituer aux Russes. Même si aucune usine de GNL n’y est encore opérationnelle, ils peuvent se positionner sur les cargaisons vers l’Europe pour commencer à marquer des points », estime-t-il.
Véronique Le Billon