L’échéance de 2017 approche : à cette date, les grands groupes français devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration, comme les y obligela loi Copé-Zimmermann votée il y a 3 ans. En juin 2013, les entreprises cotées avaient atteint une moyenne de 23,4 % de femmes dans leur conseil. Pragmatisme, éthique, vision à long terme et professionnalisme sont caractéristiques de l’arrivée des femmes dans les conseils.

Au sein des conseils d’administration, l’ambiance est devenue plus studieuse. C’est l’avis, largement partagé, par ceux qui gravitent autour et dans les conseils d’administration. Les femmes, parce qu’elles arrivent avec un regard neuf et qu’elles cherchent à prouver leurs compétences, ont déjà modifié le fonctionnement des conseils.


Pour Mireille Faugère, administratrice de l’Institut Français des Administrateurs (IFA), "nous sommes déjà capables de faire un premier bilan. Sur le plan qualitatif, les femmes apportent une vision différente parce qu’elles ne viennent pas des réseaux historiques des patrons. Les débats s’en trouvent enrichis".


Viviane de Beaufort, fondatrice du programme "Women be european board ready" de l’ESSEC, assume la diversité incarnée par des valeurs traditionnellement féminines comme la sensibilité : "j’ose la dimension genrée. Les femmes sont plus attentives à la question des responsabilités et du pouvoir de faire. C’est probablement parce que ces postes sont difficiles à atteindre qu’elles en projettent une vision exigeante. Elles sont sensibles à l’éthique et au respect des règles, qui sont sans doute perçues comme des remparts contre les discriminations".


Même son de cloche pour Mireille Faugère : "je constate que les femmes travaillent leurs dossiers, sont concrètes dans leurs propos et probablement plus prudentes. Et puis elles ont souvent leur franc-parler".


Les administratrices développent aussi une approche de la gouvernance qui intègre une vision de long terme, une sensibilisation à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la prise en compte de toutes les parties prenantes. Pour Serge Weinberg, Président de Sanofi et parrain de la troisième promotion du programme "Women be european board ready", le doute n’est pas permis : "je reconnais qu’avec 4 femmes dans mon board, l’ambiance est plus studieuse et apaisée. Elles travaillent bien leurs dossiers et posent beaucoup de questions, notamment sur les risques".



Trois femmes valent mieux qu’une



Plus que la question de l’ambiance au sein des conseils, se pose celle de leur performance. Les femmes rendent-elles les conseils plus compétents ? C’est sur cette question qu’a travaillé Louise Champoux-Paillé, administratrice certifiée en gouvernance au Québec. Elle a comparé les performances des conseils selon 4 groupes: aucune femme, une femme, deux femmes, et au moins trois femmes.


Résultat? Une féminisation accrue des conseils entraîne une meilleure performance sur son fonctionnement, sa rentabilité et la qualité de la  gouvernance, surtout à partir de trois administratrices. "Plusieurs études montrent que l’arrivée d’une seule femme, sauf personnalité vraiment exceptionnelle, ne change pas fondamentalement les pratiques du conseil. Il en faut au moins trois pour que cela ait un impact", confirme Guy Le Péchon, fondateur du cabinet Gouvernance et Structures.



Professionnalisation du recrutement



La mixité dans les conseils a fait évoluer les pratiques en matière de recrutement d’administrateurs. Il se résumait jusqu’ici à la cooptation d’un homme choisi au sein d’un cercle fermé où gravitent essentiellement des anciens d’HEC, de l’ENA  ou de Polytechnique. Pour intégrer des femmes, les entreprises se tournent de plus en plus vers des cabinets spécialisés.


"Les chasseurs de tête ont construit des fichiers qualifiés de femmes. Cela apporte de la professionnalisation dans le recrutement", explique Mireille Faugère. Viviane de Beaufort ne dit pas le contraire : "la féminisation les oblige à aller au-delà du copinage. Donc elle apporte de la compétence. Le marché du recrutement commence à se professionnaliser".


Le cabinet Aliath, créé en 2012, est spécialisé dans le conseil en gouvernance et le recrutement d’administrateurs indépendants. Sa fondatrice, Dominique Druon, juge évidemment positive l’arrivée de femmes dans ces cénacles fermés. Mais elle nuance : "je suis sollicitée pour identifier des profils féminins. En revanche, pour les hommes, les méthodes n’ont pas encore vraiment changé, la cooptation reste souvent la norme".

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