Selon les policiers de la brigade financière qui enquêtent sur les conditions de la vente d'Adidas par Bernard Tapie, en 1993, l'homme d'affaires n'a pas été floué par le Crédit lyonnais au cours de cette transaction.
Dans un rapport de synthèse, dont Le Monde a pu prendre connaissance, les enquêteurs mettent en cause le bien-fondé de la procédure d'arbitrage à l'issue de laquelle M. Tapie avait obtenu, en juillet 2008, 405 millions d'euros de dédommagements.
La conclusion du rapport de police, daté du 9 juillet, est sans appel :
« Les faits ayant pu être établis par les investigations ne permettent pas de donner crédit à la thèse de M. Tapie et aux conclusions des arbitres. »
Il n'y aurait donc pas eu besoin de cet arbitrage, aujourd'hui considéré comme suspect par la justice, au point de provoquer la mise en examen de M. Tapie pour « escroquerie en bande organisée » et celle – dans le volet ministériel, instruit par la Cour de justice de la République – de l'ancienne ministre des finances Christine Lagarde pour « négligence ».
DEUX FAUTES GRAVES
L'ancien patron de l'Olympique de Marseille avait pourtant toujours affirmé que la revente d'Adidas s'était opérée à son insu. Le Crédit lyonnais, sa banque, aurait selon lui créé deux sociétés off-shore pour acquérir en sous-main Adidas, dont il était alors propriétaire depuis 1990 grâce à une ligne de crédit consentie par ce même Crédit lyonnais.
Le portage ainsi réalisé au moyen de ces deux sociétés off-shore, ainsi que le fait d'acquérir une société que la banque est chargée de revendre pour son client seraient donc deux fautes graves, imputables au Crédit lyonnais.
Mais après deux années d'une patiente investigation, soulevant des montagnes de poussière, d'archives, s'appuyant sur des témoignages inédits ou des écoutes téléphoniques, relisant les écrits des uns et des autres, les policiers ont remis le produit de leurs recherches aux juges Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut.
« DES ATTESTATIONS INEXACTES, VOIRE MENSONGÈRES »
Ces magistrats, qui enquêtent sur ce qu'ils qualifient de « simulacre » d'arbitrage, n'en demandaient pas tant : non seulement, pour eux, le jugement arbitral a bien été le fait d'une « escroquerie en bande organisée », du fait, notamment, des relations très étroites entretenues par Me Maurice Lantourne, le conseil de M. Tapie, avec le principal juge arbitre rédacteur de la sentence, Pierre Estoup, mais en plus, il reposait sur un faux postulat.
Le rapport de synthèse des policiers est en effet sans ambiguïté : « Les investigations conduites sur ces événements passés de plus de vingt ans et dont plusieurs acteurs sont décédés ont néanmoins permis de déterminer que M. Tapie avait été pleinement associé aux opérations » liées à la revente d'Adidas, explique la brigade financière.
La police a en outre établi que devant le tribunal arbitral « M. Tapie et son conseil ont produit des attestations qui s'avèrent inexactes, voire mensongères (…) Le raisonnement des arbitres reposait sur des documents non conformes à la réalité ».
"C'est pas les policiers qui font la justice", réagit Tapie
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