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Le révérend Ian Paisley, chef de file des unionistes nord-irlandais, est mort

Ce monstre sacré de la politique nord-irlandaise, mort vendredi à l'âge de 88 ans, avait contribué, après des années de divisions, à ramener la paix dans l'île.

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Publié le 12 septembre 2014 à 15h04, modifié le 12 septembre 2014 à 16h31

Temps de Lecture 4 min.

A 81 ans, le chef de file des unionistes protestants, Ian Paisley quitte le pouvoir – ici, le 4 mars 2008 à Belfast.

Longtemps, deux notions le définissaient si étroitement qu'elles étaient quasi synonymes. Il était loyaliste à la couronne d'Angleterre, ou orangiste si vous préférez, c'était du pareil au même, et protestant bien sûr. Les deux avec la même passion et une identique absence de doute. Aux yeux du fougueux révérend Ian Paisley, mort le vendredi 12 septembre à l'âge de 88 ans, monstre sacré pendant soixante ans de la politique nord-irlandaise, il n'y avait rien qui allait au-delà de ses deux fidélités.

Pour ses admirateurs, Ian Richard Kyle Paisley, né à Armagh le 6 avril 1926, était le « Big Man », le chef de file de la majorité protestante des six comtés britanniques. Il déclarait professer la vraie foi qui ne va pas sans les œuvres, comme le prescrit l'Ecriture. Ce tribun hors pair avait voué sa vie à la défense de la cause protestante la plus « musclée » et au maintien de l'Ulster au sein du Royaume-Uni.

En revanche, pour ses adversaires, la minorité catholique mais aussi les protestants modérés et les gouvernements de Londres et de Dublin, le fondateur du Parti démocratique unioniste (DUP) de la province avait été longtemps « Dr No », l'homme du refus du partage du pouvoir, de l'œcuménisme religieux ou de la libéralisation des mœurs. La petite histoire affirmait que la dernière fois que le sombre prédicateur avait dit oui, c'était à son mariage, en 1956...

TRIBUN FORT EN GOUAILLE

Fils d'un pasteur baptiste, Ian Paisley avait prononcé son premier serment à l'âgé de seize ans avant d'être ordonné prêtre quatre ans plus tard. Il avait étudié la théologie à l'université fondamentaliste Bob Jones en Caroline du Sud. En 1951, ce tribun fort en gouaille et porté sur l'anathème avait créé sa propre église à Belfast-Est au cœur du ghetto parpaillot. L'Eglise presbytérienne libre d'Ulster était affiliée au courant chrétien le plus intransigeant. Dans ses discours prononcés d'une voix de tonnerre révélant une considérable érudition biblique, le pasteur ligueur s'en prenait régulièrement au pape, qualifié de « prostituée écarlate de Rome ». En 1963, il s'était opposé à ce que la mairie de Belfast mette en berne le drapeau britannique après la mort de Jean XXIII.

Lors des manifestations en faveur des droits civiques organisées par les militants catholiques à partir de 1966, son leitmotiv était implacable : « Ils doivent être maintenus à leur place ! » Quand avait éclaté la guerre civile en 1969, ses diatribes et ses invectives alliées à la violence de ses supporteurs avaient radicalisé la population catholique. « Paisley est notre meilleur agent recruteur », déclarait alors un dirigeant de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le mouvement armé nationaliste partisan de la réunification de l'île Verte.

En 1970, Ian Paisley avait été élu à la Chambre des communes et avait fondé un an plus tard le DUP. Entre 1979, au plus fort des troubles interconfessionnels, et 2004, il avait siégé au Parlement européen. Son mot d'ordre, « no surrender » (« pas de reddition »), trouvait un écho particulier auprès de la classe ouvrière protestante. Si le prélat désapprouvait les assassinats de catholiques par les milices loyalistes, il organisait d'innombrables défilés qui souvent dégénéraient en batailles rangées.

UNE CONTRIBUTION À LA PAIX « DÉCISIVE »

Le chef de file des ultras s'était opposé jusqu'au bout aux accords entre Londres et Dublin destinés à mettre fin à la violence et à instaurer un partage du pouvoir entre les deux communautés : l'arrangement de 1985 donnant pour la première fois un droit de regard de l'Eire dans les affaires nord-irlandaises, l'accord du Vendredi Saint de 1998 et l'accord de Saint-Andrews de 2006 mettant en place une assemblée et un gouvernement régional semi-autonomes.

« J'emporterai mes convictions avec moi dans la tombe » : après avoir laminé les « traîtres », comme il appelait les unionistes modérés aux urnes, lors des élections de 2003, le chef de file du DUP, en bon pragmatique, avait infléchi progressivement son discours. L'annonce en 2005 par l'IRA de la fin de la lutte armée tout comme les sympathies affichées du gouvernement travailliste de Tony Blair pour les nationalistes catholiques avaient facilité cette mutation.

En 2007, Ian Paisley était devenu premier ministre d'Irlande du Nord dans un gouvernement régional de coalition avec le Sinn Fein, la branche politique de l'IRA, aux côtés de son ancien ennemi juré, Martin McGuinness, nommé vice-premier ministre. Contre toute attente, cette cohabitation avait été un succès au point que les deux hommes avaient été surnommés « les frères rieurs ».

Toutefois, en mai 2008, le vieux lion, dont le mandat courait jusqu'en 2011, quittait le pouvoir et la présidence du DUP. Le poids de l'âge et des combats passés, une santé déclinante et la démission contrainte de son fils Ian Paisley Jr pour avoir entretenu des rapports troubles avec un homme d'affaires véreux, avaient ébranlé son autorité. « La contribution de Ian Paisley à la paix, après toutes ces années de divisons et de divergences, a été décisive et déterminante », déclarait alors Tony Blair. Une page de l'histoire nord-irlandaise s'était tournée.

Lire aussi (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Ian Paisley, icône désormais silencieuse de la paix en Ulster
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