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Terrorisme : un projet de loi dangereux

Editorial. Le projet de loi examiné par le Parlement constitue une nouvelle entorse alarmante aux libertés publiques.

Le Monde

Publié le 15 septembre 2014 à 15h17, modifié le 30 octobre 2014 à 07h40

Temps de Lecture 2 min.

Editorial du Monde. Le discours est assurément inaudible, surtout après l’assassinat d’un troisième otage occidental et la présence de près d’un millier de Français dans les filières djihadistes. Mais faut-il, une fois encore, faire reculer les libertés pour lutter contre le terrorisme ? N’est-ce pas déjà une petite victoire du terrorisme ?

Le projet de loi antiterroriste que le Parlement examinait, lundi 15 septembre, constitue un nouveau pas alarmant, tant il est prouvé que les mesures d’urgence et les entorses au droit commun finissent par contaminer le droit pénal dans son ensemble.

EFFICACITÉ DISCUTABLE

Le meilleur exemple est celui de la NSA américaine, qui, pour isoler des terroristes, finit par espionner toute la population. La France s’engage, à petits pas, dans la même direction. Elle renforce son arsenal de lois d’exception, à l’efficacité discutable : est-ce faute de lois répressives que le pays a engendré un Mohamed Merah ou un Mehdi Nemmouche ?

Dès 1978, la Cour européenne s’était alarmée de ces dérives de l’Etat de droit, dans son arrêt Klass contre Allemagne : « Consciente du danger inhérent à pareille loi de surveillance de saper, voire de détruire la démocratie au motif de la défendre, la Cour affirme que les Etats ne sauraient prendre, au nom de la lutte contre l’espionnage et le terrorisme, n’importe quelle mesure jugée appropriée. »

Les socialistes ont baissé la garde. Le rapport du socialiste Jean-Jacques Urvoas – président de la commission des lois de l’Assemblée – et de son collègue Christophe Cavard rejetait en mai 2013 la tentation de créer un nouveau délit d’entreprise terroriste individuelle. Un an plus tard, ils s’y sont ralliés, à l’unisson de l’opposition, portant encore plus loin l’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste : ce délit, créé en 1996, permet des interpellations à titre préventif, et non plus seulement sur un début d’exécution.

« AVOCAT ALIBI »

Pire : le projet entend confier à l’autorité administrative la possibilité d’interdire à un Français de quitter le territoire avant même d’être entendu – il le sera en présence d’un « avocat alibi », selon la formule du Syndicat de la magistrature, qui ne saura rien du contenu du dossier rassemblé par les services secrets. Quelle sera même la marge du juge judiciaire, quand les charges seront rassemblées par un service de renseignement dont le contrôle démocratique n’est même pas embryonnaire ?

Les mesures dérogatoires accordées à la lutte antiterroriste contaminent une fois encore le droit commun : les articles 10 et 15 du texte ne concernent pas le terrorisme, ils visent à étendre les pouvoirs d’enquête à la criminalité organisée ; à se passer de l’autorisation d’un juge pour déchiffrer des données ou permettre certaines perquisitions informatiques ; à prolonger la durée de conservation des écoutes administratives, etc.

Après le vote de la loi sur la sécurité quotidienne, en 2001, le sénateur socialiste Michel Dreyfus-Schmidt avait dit : « Il y a des mesures désagréables à prendre en urgence, mais j’espère que nous pourrons revenir à la légalité républicaine avant la fin 2003. » On en est loin.

Le Monde

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