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CÔTE D'IVOIRE

En banlieue d’Abidjan, les robinets sont à sec depuis des mois

Prendre une douche, faire sa lessive ou aller aux toilettes... Autant de réflexes d'hygiène qui s'avèrent aujourd'hui très compliqués pour les habitants d’Anyama, en banlieue d’Abidjan. Notre Observateur nous montre, images à l’appui, qu’aucune goutte d’eau ne coule des robinets… et ce depuis des mois. Lire la suite...

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En l'absence d'eau courante, des femmes d'Anyama font leur lessive dans les marécages de la commune. Photo Fréd'Eric Yao.

Prendre une douche, faire sa lessive ou aller aux toilettes... Autant de réflexes d'hygiène qui s'avèrent aujourd'hui très compliqués pour les habitants d’Anyama, en banlieue d’Abidjan. Notre Observateur nous montre, images à l’appui, que plus aucune goutte d’eau ne coule des robinets… et ce depuis des mois.

"Les gens sont prêts à payer pour avoir de l’eau potable tellement le besoin est grand"

Frédéric, 19 ans, habite à Anyama chez son oncle, il a repris le chemin du lycée en classe de terminale depuis le début du mois de septembre.

Les problèmes ont commencé en avril alors que j’étais à Bouaké pour les vacances scolaires. Avant cette date, il y avait des problèmes d’eau, mais il suffisait en général d’attendre le soir pour s’approvisionner. Depuis que je suis rentré fin aout, plus aucune goutte ne coule du robinet chez moi. Je me suis vite rendu compte qu’on n’était pas les seuls, et que ça concernait l’ensemble de la ville. J’ai fait le tour d’Anyama et pris quelques vidéos, notamment dans mon lycée.

Notre Observateur tente d'ouvrir un des robinets de son école, mais rien n'en sort.

Chez lui, même scénario, sa cuisine n'est plus alimentée en eau. Vidéos tournées hier par Fréd'Eric Yao.

Depuis trois semaines, la moindre des actions nécessitant de l’eau est un calvaire. Nous devons compter chaque goutte d’eau que nous utilisons: j’arrive encore à faire ma toilette tous les jours, mais sommairement, avec uniquement un demi seau d’eau. Le plus dur, c’est pour les toilettes, il faut réfléchir bien en amont avant d’évacuer l’eau des latrines avec un seau d’eau.

Chacun a son système D pour faire face à cette pénurie d’eau : mon oncle et moi, nous nous rendons tous les matins dans les bas-fonds marécageux de notre quartier. Nous avons un ami qui a un forage artisanal où on peut récupérer un peu d’eau le matin. Mais celle-ci n’est pas potable et ne nous sert qu’à remplir deux ou trois bidons de temps en temps. Ce dernier essaie au maximum de ne pas trop parler de ce forage car il ne souhaite pas que tout le quartier vienne chez lui. Sinon, nous attendons qu’il pleuve pour faire des réserves.

Notre Observateur nous emmène dans les "bas-fonds" d'Anyama et nous montre comment il récupère de l'eau non potable.

"Parfois, les gens se bagarrent pour récupérer l’eau des camions citernes"

D’autres habitants, qui n’ont pas accès à ces "astuces", sont obligés d’attendre la venue de camions citernes de l’Office nationale de l’eau potable (Onep) qui passe deux à trois fois par jours en alternant les quartiers d’Anyama. L’arrivée de ces camions provoque souvent des échauffourées entre les habitants qui sont prêts à tout, même parfois à se battre, pour récupérer un bidon d’eau gratuit [de son côté, la SODECI affirme que ces distributions se font sans incident grâce à la médiation des chefs de quartiers présents lors des distribution NDLR].

Les besoins sont tellement importants que des gens sont prêts à acheter entre 25 et 50 francs CFA [3 à 10 centimes d’euros] le bidon de 20 litres d’eau potable à ceux qui ont réussi à s’en procurer.

Ceux qui n'ont pas la possibilité d'avoir de l'eau font la queue aux camions citernes qui livrent des bidons d'eau potable à Anyama.

Pas d’eau… mais toujours des factures !

Selon notre Observateur, en quatre mois, l’eau n’a coulé qu’une seule fois dans son robinet, samedi dernier à 1 heure du matin "par petits filets" lui permettant de faire des réserves pour "tout juste une semaine". Pourtant, son oncle, comme d’autres voisins dans son quartier, continue de recevoir régulièrement des factures d’eau envoyées par la Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire (Sodeci). Une note qui concerne en réalité les "frais d’entretien" du réseau réclamés à ses usagers par la société nationale, seul fournisseur d’eau en Côte d’Ivoire.

Cette situation de monopole est regrettée à la mairie d’Anyama. Selon Morisere Sylla, chef de cabinet du maire, les problèmes sont devenus récurrents à partir de la fin du mois d’avril 2014. Il explique :

"À la Sodeci, on nous explique que le château d’eau d’Anyama n’est plus en mesure de satisfaire la demande d’une population qui a triplé en 30 ans, passant de 40 000 à 110 000 habitants. La situation est très préoccupante, mais nous avons bon espoir : deux forages sont en construction à Anyama et la situation devrait s’améliorer à la fin de l’année 2014."

Les pénuries d’eau ne sont pas propres à la commune d’Anyama et des bagarres sporadiques ont éclaté cet été dans certains quartiers d’Abidjan entre habitants souhaitant faire des réserves d’eau, comme à Yopougon le 24 août dernier. Des problèmes que l’État ivoirien espère régler rapidement : en février dernier, le Premier ministre ivoirien annonçait un plan de 645 milliards de francs CFA (980 millions d’euros) d'ici 2015 pour favoriser l'assainissement et l'accès à l'eau potable dans le pays.

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