Le 21 septembre, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à New York à l’occasion d’une grande “marche pour le climat”, au moment même où les dirigeants de toute la planète arrivaient dans la ville pour participer au sommet des Nations Unies sur le changement climatique. La manifestation n’est pas parvenue à perturber la circulation et Barack Obama a peu de chances de perturber quoi que ce soit, lui aussi, lorsqu’il s’exprimera le 24 septembre à l’occasion de cette énième étape de la grande course contre le réchauffement climatique.

Cinq ans après l’échec du sommet de Copenhague, qui avait l’extravagante ambition d’obtenir un traité contraignant à l’échelle mondiale sur les émissions de CO2, le président Obama revient à la charge. La réunion des chefs d’Etat au siège de l’ONU ne fait pas officiellement partie des négociations onusiennes sur le climat, qui doivent avoir pour point d’orgue le
sommet de Paris en 2015, mais elle a pour objectif de briser la glace et de permettre à plus de 125 chefs d’Etat de prendre le chemin d’un consensus.Cinglant mépris

Et cela ne démarre pas sous les meilleurs auspices : les principaux pollueurs de la planète ont refusé de participer, voire de faire une simple apparition. Alors que la Chine est depuis 2008 le numéro un des émissions de dioxyde de carbone, son président Xi Jinping ne fera pas l’honneur de sa présence à la réunion onusienne. Bien que présent à New York, le
nouveau Premier ministre indien Narendra Modi (dont le pays occupe la troisième
place en termes d’émissions) boudera les discussions sur le climat. Vladimir
Poutine, le président de la Russie (numéro 4) a d’autres priorités ces
temps-ci, et le Japon (numéro 5) se montre peu coopératif depuis la
catastrophe de Fukushima, qui a ébranlé le soutien au nucléaire.

Quelques chiffres pour mieux comprendre ce cinglant mépris.
Les émissions mondiales de CO2 ont atteint 35,1 milliards de tonnes en 2013, soit un nouveau record, en progression de 29 % sur les dix dernières
années. En glissement annuel, la Chine, qui culmine à 358 millions de
tonnes, enregistre une hausse supérieure à celle de tous les autres pays du
monde réunis, et elle représente à elle seule 24,8 % des émissions
produites ces cinq dernières années. Sur la même période, 57,5 % des
émissions de CO2 mondiales sont venues des pays en développement.Magie

En d’autres termes, les pays occidentaux auront beau faire, ce
sont les pays plus pauvres, peu désireux de signer des accords qui ralentiront
leur essor économique, qui ont la main dans ce grand poker du climat. Quels que
soient les efforts déployés par les Etats-Unis pour épargner à la planète des
rejets de CO2 qui auront (ou pas) des conséquences qui se révéleront (ou pas)
désastreuses dans un siècle ou plus, le résultat sur la scène internationale
sera à peu près le même, mais la croissance économique américaine, elle, s’en
trouvera ralentie.

Ainsi, les mesures écologiques coûteuses sur lesquelles
planche l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) n’auront un
impact, de l’aveu même de l’agence, que sur 0,18 % des émissions mondiales
de dioxyde de carbone.

Face à cette cruelle réalité, de nombreux défenseurs du climat
arguent que cet assainissement de l’économie, comme par magie, ne coûtera rien.
L’Etat créera de tout nouveaux secteurs de production énergétique, et la
croissance qui va avec, sans le moindre heurt. Avertissement : ces économistes
prétendument professionnels qui promettent que des ressources rares peuvent
être rendues plus rares encore sans que cela ne coûte rien à personne ont visiblement
arrêté de faire de l’économie – pour faire de la politique, l’honnêteté en
moins.Sens des priorités

Au lieu de dévaluer la science économique, le lobby écologiste
ferait sans doute mieux de se replonger dans la science climatologique pour trouver
une explication à cette pause survenue dans le processus de réchauffement – qui
dure maintenant depuis seize, dix-neuf ou vingt-six ans selon les données que l’on prend en compte, et qu’aucun modèle climatique n’avait prévue – alors même que
les émissions mondiales de CO2 grimpaient de 25 %. Pour l’heure, ils
prétendent que c’est parce que le réchauffement est en fait absorbé par les
océans, mais leur alibi manque de preuves.

Cette vaste campagne en faveur d’une refonte de l’économie
énergétique mondiale s’est traduite jusqu’à présent par du beau spectacle (cf. les manifestants à Manhattan), du mépris pour les règles de la démocratie (cf.
l’EPA) et la promesse d’un avenir moins prospère (cf. le fiasco des énergies
renouvelables en Allemagne). Peut-être Narendra Modi a-t-il, au fond, un
meilleur sens des priorités : pendant son séjour à New York, il prévoit de
participer à Central Park à des rencontres autour de la lutte contre la
pauvreté dans le monde, et, face au regain de la menace terroriste, de se rendre
au mémorial du 11-Septembre.