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Affaire Bygmalion : la police s'interroge sur le rôle de Nicolas Sarkozy

Exclusif. Selon les informations du « Monde », l'enquête préliminaire semble attester que l'ex-chef de l'Etat en savait beaucoup sur les fausses factures qui auraient été destinées à masquer ses dépenses de campagne.

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Publié le 23 septembre 2014 à 17h30, modifié le 23 septembre 2014 à 18h54

Temps de Lecture 4 min.

Le Monde a eu accès aux résultats de l'enquête préliminaire menée par les policiers, du 5 mars au 27 juin, sur les fausses factures réalisées par la société Bygmalion à l'UMP, à l'issue de laquelle le parquet a requis l'ouverture d'une information judiciaire pour « faux et usage de faux », « abus de confiance » et « tentative d'escroquerie ». Les enquêteurs chiffrent le montant de ces fausses factures à plus de 18,5 millions d'euros. Leurs investigations confirment la mise en place d'un système occulte destiné à couvrir les dépenses pharaoniques de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2012.

En clair, la société facturait à l'UMP des prestations effectuées au profit de la campagne de M. Sarkozy. Ces fausses factures présumées auraient permis au candidat de dépasser largement le plafond de dépenses autorisées par la loi lors d'une campagne présidentielle.

Dans un procès-verbal de synthèse de 13 pages, daté du 24 juin, la commissaire Christine Dufau, patronne de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), conclut :

« La société Event et Cie [filiale de Bygmalion], en accord avec plusieurs responsables de l'UMP, a adressé au parti des fausses factures à hauteur de 18 556 175, 95 euros TTC courant 2012, faisant référence à des prestations liées notamment à des conventions, alors que les prestations réelles correspondaient à l'organisation de meetings pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Ces fausses factures étaient confectionnées à la demande de l'UMP, en raison de l'impossibilité de faire figurer le coût réel de ces meetings dans le compte de campagne de Nicolas Sarkozy. Les participants à ces faits, les responsables de Event et Cie, de l'UMP et de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, semblent inextricablement liés les uns aux autres dans la décision d'établir ces fausses factures. Des investigations complémentaires doivent être menées... »

  Lire nos explications : Nicolas Sarkozy peut-il vraiment ne jamais avoir entendu parler de Bygmalion ?

L'AVERTISSEMENT DE L'EXPERT-COMPTABLE

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Ces « investigations complémentaires » vont en partie porter sur la connaissance qu'avait M. Sarkozy de ces artifices comptables. Avait-il conscience de l'extrême précarité des finances de sa campagne présidentielle ? L'enquête préliminaire apporte un début de réponse. Elle semble attester que l'ex-chef de l'Etat en savait beaucoup.

Les enquêteurs ont notamment saisi une note de Pierre Godet, expert-comptable, signataire du compte de campagne, adressée le 26 avril 2012 au « candidat Nicolas Sarkozy ». Dans cette note, l'expert donne le chiffre des dépenses prévisionnelles ou engagées à la date du premier tour, quatre jours plus tôt : 18 399 000 euros. Pour M. Godet, « ce montant est supérieur à celui budgété dernièrement (16 243 000 euros) et au plafond des dépenses requises pour le premier tour (16 851 000 euros) ». Selon lui, « ce dépassement résulte principalement des coûts engagés au titre des réunions publiques, en particulier celles de Villepinte et de la place de la Concorde ».

Pour ce grand meeting de Villepinte, le « coût complet dépasse la prévision budgétaire de plus de 1 800 000 euros (après négociation avec les principaux fournisseurs) ». Il n'existait donc, pour M. Godet, plus « aucune marge de sécurité » en vue du second tour, le comptable soulignant « les conséquences extrêmement graves d'un éventuel dépassement du plafond des dépenses électorales ».

« NOUS N'AVONS PLUS D'ARGENT »

Outre l'expert-comptable, le président de l'UMP, Jean-François Copé, s'est entretenu de la situation financière de la campagne avec le candidat. En témoigne ce SMS, déjà cité par Le Figaro, envoyé à Guillaume Lambert, le directeur de la campagne présidentielle, par Jérôme Lavrilleux, son adjoint. Le 28 avril 2012, à 12 h 19, à quelques heures de la réunion électorale censée se dérouler à Clermont, Lavrilleux écrit :

« JFC [Jean-François Copé] ne vient pas à Clermont, il y est allé la semaine dernière. Louer et équiper un deuxième hall est une question de coût. Nous n'avons plus d'argent. JFC en a parlé au PR [président de la République]. »

Pourtant, lors de son audition en garde à vue, le 17 juin, Jérôme Lavrilleux a tenu à dédouaner MM. Sarkozy et Copé : « Je n'ai jamais évoqué ce sujet avec Nicolas Sarkozy. A mon avis, il est impossible qu'il en ait été informé. » Dubitatifs, les policiers de l'OCLCIFF lui ont fait observer ceci : « Comment expliquez-vous que les deux personnes principalement concernées, au vu des dispositions rigoureuses liées au financement des campagnes des partis politiques, n'aient pas été informées, alors même que cela pouvait remettre en cause le résultat des élections, par son annulation, et le devenir d'un parti, par sa déstabilisation, voire sa dissolution ? »

Réponse de M. Lavrilleux : « C'est justement pour éviter les conséquences politiques prévisibles que je n'en ai pas informé Jean-François Copé et que je n'ai jamais abordé ce sujet avec l'ancien président Nicolas Sarkozy. » Lors de son passage sur France 2, dimanche 21 septembre, M. Sarkozy s'est défendu d'une manière similaire. « J'ai appris le nom de Bygmalion longtemps après la campagne présidentielle », a-t-il assuré.

Les dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ont été largement supérieures au plafond légal.
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