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Le 190, centre de santé sexuelle menacé

En manque de fonds alors que son bail arrive à terme, l’association parisienne devra être relogée.
par Eric Favereau
publié le 24 septembre 2014 à 19h46

Le 190 à deux doigts de fermer ? «Voilà un centre de santé historique, lâche le Pr Gilles Pialoux, chef du service de maladies infectieuses à l'hôpital Tenon à Paris. Tous les ministres de la Santé depuis Roselyne Bachelot, qui l'a inauguré, l'ont salué et ont annoncé qu'il devrait y en avoir plein d'autres. C'était même une des recommandations du plan national 2010-2014 contre le sida et les IST [infections sexuellement transmissibles, ndlr], et voilà qu'il est asphyxié.»

«Croissance». Le 190 est planté au pied du Père-Lachaise, dans l'Est parisien. Premier centre de santé sexuel à ouvrir en France, il est aujourd'hui à bout. «Nous avons juste trois mois, et c'est peu, affirme son directeur, le Dr Michel Ohayon. Notre bail se termine et il n'est pas prolongé. Notre financement - alors que notre activité est en croissance - est toujours aussi précaire, avec des subventions qui arrivent avec un an de retard.» En début de semaine, les responsables ont publié un communiqué alarmiste.

Le 190 est à part. Un lieu ouvert de consultation, centré sur le sida mais pas seulement. On y vient pour tout ce qui touche à la sexualité, aux IST, mais aussi aux addictions. Des patients arrivent en nombre pour le suivi régulier de leur infection par le VIH ou de leur hépatite. «Ce centre conduit une mission que d'autres n'assurent pas», argumente le Pr Pialoux. Le rapport d'activité 2013 pointe une hausse régulière de la file active des personnes suivies pour leur infection VIH et aussi pour les séronégatifs. «L'équilibre est maintenu entre usagers vivant avec le VIH et les séronégatifs, entre dépistage et suivi, et cela constitue un enjeu essentiel pour le centre»,explique son directeur. Mais voilà, le lieu fonctionne comme un centre de santé, et ce n'est pas simple. Les médecins sont salariés, mais le centre est payé à l'acte. «Malgré une hausse importante des consultations - dépistages et suivis -, nous ne pouvons vivre sans subventions. Plusieurs dossiers ont été déposés pour l'exercice 2014 mais ils n'ont pas été arbitrés. Nous ne pouvons que constater le déséquilibre financier de la structure, sans aucune certitude pour l'avenir», affirme le Dr Ohayon. Et il poursuit : «La seconde raison est que le propriétaire des locaux où nous sommes installés est un fonds de pension luxembourgeois. Il a vendu l'immeuble et nous devons partir d'ici fin décembre, l'acquéreur ne semblant pas disposé à nous accorder un délai.»

«Gouffre». «Comme on fait beaucoup de prévention, ça n'est pas rentable, insiste le directeur. On est au bord du gouffre.» «Tout le monde parlait de la nécessité de créer des centres de santé sexuelle ; il y en a un, et on va le laisser mourir», s'insurge un usager.

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