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Drogues, armes : les sites de vente illégaux se professionnalisent

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Publié le 23 septembre 2014 à 19h10, modifié le 24 septembre 2014 à 15h37

Temps de Lecture 5 min.

Dès la fermeture par le FBI en octobre 2013 de Silk Road, le grand site américain de vente de drogues, d'armes et d'autres produits illégaux, des dizaines de prétendants se sont bousculés pour prendre sa place. On en a vu apparaître une soixantaine, dont la plupart ont périclité très vite – y compris quelques faux sites, qui se contentaient d'encaisser l'argent sans rien envoyer. Aujourd'hui, on dénombre une quinzaine de sites en activité, facilement accessibles.

Les plus performants ont reproduit la structure complexe inventée par Silk Road, en la renforçant. Ils ne vendent pas directement de drogue, mais servent de plateforme d'échange entre fournisseurs et clients, et se rémunèrent grâce à une commission. Sur le plan technique, ils sont accessibles uniquement via Tor, réseau chiffré et entièrement anonyme de serveurs répartis dans le monde entier, conçu pour empêcher le pistage des utilisateurs. Pour plus de sûreté, certains sont hébergés par des serveurs entièrement intégrés au réseau Tor (noms de domaine « .onion »).

Côté finances, ils acceptent uniquement le bitcoin, monnaie électronique cryptée et anonyme. Enfin, leurs messageries sont chiffrées avec le logiciel PGP, qui n'est pas d'un maniement facile, mais qui reste l'outil gratuit le plus performant à la disposition du public.

Un marché très organisé

Pour recevoir la marchandise, le client doit inscrire une adresse postale – les risques migrent alors vers le monde réel. Certains sites travaillent uniquement sur l'Amérique du Nord, d'autres expédient la drogue dans le monde entier. Dans quelques villes américaines et britanniques, des intermédiaires proposent de réceptionner les colis dans des points relais, où les clients pourront venir les chercher discrètement.

Sur le Net, ce commerce est déjà en train de créer un petit écosystème, géré par des passionnés bénévoles : répertoires d'adresses, comparateurs de prix et de qualité, tableaux de statistiques de trafic (Internet), publication d'audits techniques... Au vu de ces chiffres, trois plateformes semblent dominer le marché.

« Silk Road 2.0 » se présente comme le successeur direct du défunt site. Son nouveau patron a d'ailleurs repris le nom de guerre du créateur du Silk Road originel, Dread Pirate Roberts (de son vrai nom Ross Ulbricht, actuellement en prison à New York). Or, cette marque semble porter malheur. En février, Silk Road 2 a annoncé que son compte en bitcoins avait été attaqué par des pirates qui avaient volé l'équivalent de 2,7 millions de dollars. Soucieux de soigner sa réputation de marchand « éthique», le site promit alors de rembourser progressivement ses clients lésés – et surprise, il est en train de tenir parole.

Sites professionnalisés

Parallèlement, on a vu apparaître des sites d'apparence très neutre, cultivant une image strictement professionnelle, qui viennent concurrencer le leader historique. Ainsi, en quelques mois, un nouveau site baptisé Agora aurait déjà attiré plus de vendeurs que Silk Road 2 (Agora semble recruter ses clients surtout par cooptation, mais aucune statistique n'est disponible sur les acheteurs du site ni sur les chiffres d'affaires générés).

Dans ce nouveau style épuré et efficace, le site le plus abouti est sans doute Evolution : fond blanc, interface sobre et ergonomique, navigation fluide, fiches-produits concises, formulaires de commande simples et rapides... Comme sur tous les sites marchands, les clients, protégés par des pseudos, notent les prestations des vendeurs et la qualité des produits, ou laissent des commentaires.

Différentes drogues en vente sur Evolution

Pour renforcer la sécurité, Evolution propose en option un système de comptes bitcoin à triple signature : le paiement n'a lieu qu'après accord conjoint du vendeur et de l'acheteur. En cas de litige, le site tranche en dernier recours. Lors du Defcon 2014, la conférence des hackers américains organisée chaque été à Las Vegas, un groupe « d'experts en sécurité du DarkNet » a élu Evolution « site préféré du moment ».

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A la mi-septembre, la plateforme proposait près de 8 500 produits stupéfiants, classés en onze catégories. En tête arrive le cannabis — un produit au statut ambigu aux Etats-Unis, légalisé dans deux Etats, toléré dans diverses régions, interdit ailleurs. Une once (28 grammes) d'herbe de type « White Widow » de qualité supérieure vaut par exemple 0,3887 bitcoin (environ 120 euros) sur Evolution, frais de port inclus.

Le portail propose aussi des drogues dures : cocaïne (0,2234 bitcoin pour un gramme de péruvienne 100 % pure, qualité « flocon scintillant»), héroïne, MDMA, ecstasy, LSD, champignons hallucinogènes liquéfiés, stéroïdes, kétamine... Une rubrique spéciale est aussi réservée à la vente de matériel de fabrication de drogues de synthèse, façon Breaking Bad.

Des armes en vente sur Evolution

Comme beaucoup de ses concurrents, Evolution pratique en parallèle le commerce des armes. Plus de 160 vendeurs proposent des fusils semi-automatiques et des pistolets en pièces détachées, des Liberators (pistolets à un coup fabriqués avec une imprimante 3D), des poignards, des matraques télescopiques, des poings américains, des tasers déguisés en téléphones mobiles, des munitions…

Accessoirement, le site commercialise des articles de contrefaçon, des faux billets et des pièces d'identité – passeports américains ou allemands, permis de conduire, cartes de séjour, cartes d'identité et certificats d'assurance de divers pays européens (dont la France) , cartes-forfaits pour des matches de football américain, documents douaniers…

Logiciels de piratage et données volées

Des biens numériques en vente sur Evolution

Grâce à sa réputation de fiabilité technique, Evolution se lance à présent sur un autre marché, encore plus obscur : les logiciels et outils de piratage. Mi-septembre, plus de 1 400 produits de ce type étaient en vente sur la plateforme.

En vrac : numéros de comptes en banque américains ou polonais avec mots de passe, numéros de cartes de crédit américaines valides, comptes pirates Netflix « garantis à vie», cartes téléphoniques SIM anonymes dotées de numéros français (seulement 0,02 bitcoin pièce, soit 6 euros), logins et mots de passe pour des comptes Gmail britanniques, accès clandestin à des sites pornographiques payants, générateur de numéros de sécurité sociale danois avec testeur intégré, et déjà des clés de déchiffrement pour pénétrer des comptes bitcoins.

Parmi les articles haut de gamme réservés aux experts ayant le goût du risque, l'accès à un faux compte en banque permettant de tirer 3 000 dollars par jour (un peu plus de 2 300 euros) sur une vraie banque australienne est cédé pour 3,35 bitcoins (un peu plus de 1 000 euros).

Cela dit, Evolution tente de cultiver aussi une image « éthique ». Elle bannit les produits liés à la pédophilie et au terrorisme, les loteries, les services d'assassinat sur commande et les réseaux de prostitution.

La police américaine ne dit pas si elle enquête sur ces nouveaux sites, mais lors de l'affaire Silk Road, le FBI a prouvé qu'il possédait les compétences techniques pour exploiter la moindre faille de sécurité – ou même pour en créer une. Leur fréquentation reste donc très risquée, y compris pour les curieux et les visiteurs occasionnels.

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