Gaz de schiste : la classe politique encore très partagée
DECRYPTAGE - En se prononçant jeudi soir pour l'exploitation du gaz de schiste, afin, dit-il, de créer de l'emploi, Nicolas Sarkozy a relancé le débat sur l'exploitation de cette source d'énergie fossile. A droite comme à gauche, le sujet divise encore.
De quoi parle-t-on?
Le gaz de schiste est piégé à l'intérieur de la roche. Pour l'exploiter, la technique la plus répandue à ce jour est le forage à "fracturation hydraulique", qui détruit la roche grâce à un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques projeté à haute pression. En France, une soixantaine de gisements gaziers sont connues. L'Hexagone serait même, avec la Pologne, le pays européen le plus richement doté en gaz de schiste, d'après une étude de l'Agence d'information sur l'Energie .
Problème, les produits chimiques utilisés pour la "fracturation hydraulique" sont hautement toxiques et polluent les couches souterraines, notamment celles contenant l'eau potable. Depuis 35 ans, l'Etat français n'a donc délivré que 15 permis pour des "forages d'exploration", sans pour autant autoriser l'exploitation au nom du "principe de précaution". En 2011, Nicolas Sarkozy, alors chef de l'Etat, avait d'ailleurs fixé une ligne stricte : "Il n'y aura pas d'exploitation des gaz de schiste en France "tant qu'il n'aura pas été démontré que les techniques utilisées sont respectueuses de l'environnement", déclarait-il en 2011 :
Le patron des députés UMP, Christian Jacob, a fait alors adopter - avec une large majorité dans les rangs de la droite - une proposition de loi pour interdire la fracturation hydraulique. Depuis, la législation n'a pas avancé, François Hollande restant sur ce statu quo. Le 14 juillet 2013, alors que son ministre Arnaud Montebourg défendait la possibilité d'autoriser de nouveaux "forages d'exploration", le chef de l'Etat a mis son veto : "Tant que je serai président, il n'y aura pas d'exploration."
Jeudi soir, lors de son premier meeting en vue de la présidence de l'UMP , Nicolas Sarkozy a montré qu'il avait évolué sur le sujet. Il s'est en effet prononcé en faveur de l'exploitation de la ressource hydrocarbure : "Je ne peux pas accepter que la France ne puisse pas profiter de cette nouvelle énergie alors que le chômage ravage tant de nos territoires et tant de nos familles." Au passage, l'ancien Président a souhaité voir supprimer de la loi le "principe de précaution" pour le remplacer par un "principe de responsabilité".
De nombreux responsables de l'UMP soutiennent cette idée. Pour Xavier Bertrand, le gaz de schiste est un "atout à exploiter", tandis que François Fillon estime qu'il est "criminel" de s'interdire les recherches sur cette énergie. A gauche, Arnaud Montebourg a longtemps défendu, en tant que ministre du Redressement productif, l'exploitation du gaz de schiste au travers de nouvelles techniques plus "propres". Quelques élus socialistes le soutenaient en ce sens.
L'actuelle ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, qui a récupéré le dossier, n'a pas fermé la porte au gaz de schiste : "Je ne suis pas dogmatique et si de nouvelles technologies non dangereuses apparaissent, pourquoi pas?" Reprenant l'idée de techniques plus "propres" d'exploitation, la responsable ne s'est toutefois pas avancée davantage, notamment sur la question des crédits alloués à la recherche. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, est sur une autre ligne. Opposé à toute technique de fracturation, il plaide pour l'exploitation du méthane naturellement disponible. "Avant d'aller chercher des gaz de schiste à 1.500 m de profondeur, commençons par valoriser le gaz qui se trouve dans la matière organique dont nous disposons", estime le ministre.
Ceux qui sont contre l'exploitationCe sont les écologistes qui mènent logiquement le combat contre l'exploitation et exploration du gaz de schiste. "Ceux qui aujourd'hui expliquent que l'avenir énergétique c'est d'essayer d'aller chercher l'ultime goutte de pétrole en fracturant le sous-sol, en faisant des explosions qui mettent en danger les ressources d'eau, se trompent", affirme ainsi Cécile Duflot. Le Front de gauche est sur la même position : "Les gaz de schiste extraits sont des énergies fossiles fortement émettrices de gaz à effet de serre qui aggravent le dérèglement climatique quelle que soit la technique utilisée pour les extraire", déclare ainsi François Delapierre, secrétaire national du Parti de gauche. Au PS, de nombreux cadres sont sur cette même ligne à commencer par… Manuel Valls. Pro-nucléaire mais anti-gaz de schiste, le Premier ministre estime qu'il s'agit d'"un problème majeur pour tous ceux qui aiment la nature et qui vivent de l'agriculture".
Mais le débat dépasse les clivages partisans et à droite aussi, il fait rage. L'UDI est, dans son ensemble, plutôt opposée à l'exploitation. Sa vice-présidente et ancienne secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno reste l'une des plus ferventes opposantes au gaz de schiste. Et se demande, vendredi matin sur Twitter, comment "Nathalie Kosciusko-Morizet pourrait rester dans une équipe qui piétine les valeurs de l'écologie qu'elle portait avant". En effet, à l'UMP, NKM a été, pendant longtemps, la porte-parole des anti-gaz de schiste. Jeudi soir, présente devant Nicolas Sarkozy à Lambersart (Nord), elle n'a pas dit un mot quand le sujet a été évoquée. Ce qui n'est pas le cas de quelques députés UMP, très en pointe sur le sujet. Parmi eux, Pierre Morel A l'Huissier a ainsi réagi immédiatement sur Twitter :
Exploitation gaz de shiste c est non ! Je suis totalement opposé a toute hydro fracturation
— MOREL A L'HUISSIER (@MORELPIERRE) 26 Septembre 2014
Source: leJDD.fr
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