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Pour la Commission des droits de l'homme, la lutte contre le terrorisme «n’autorise pas tout»

Dans un avis rendu public vendredi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme appelle le gouvernement à la plus grande vigilance dans la lutte antiterroriste, et notamment sur plusieurs dispositions de son projet de loi.
par AFP
publié le 26 septembre 2014 à 21h41

La lutte contre le terrorisme «n'autorise pas tout», souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans un avis rendu public vendredi sur le projet de loi antiterroriste adopté la semaine dernière par l'Assemblée nationale. «L'intention du gouvernement et du parlement est louable», souligne la CNCDH, mais elle recommande aux pouvoirs publics «de ne pas prendre, au nom de la lutte contre le terrorisme, n'importe quelle mesure jugée par eux appropriée, dès lors qu'elle conduirait à fragiliser voire saper l'Etat de droit au motif de le défendre».

L'avis contient plusieurs réserves notamment sur l'interdiction de sortie du territoire pour freiner les départs croissants de jeunes Français candidats au jihad en Syrie. Selon le projet de loi, l'interdiction de sortie d'un Français pourra être prise «dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de croire qu'il projette des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes (...) ou sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes».

D’une durée de six mois, renouvelable jusqu’à deux ans, cette interdiction conduira au retrait immédiat du passeport et de la carte d’identité de la personne concernée qui recevra un récépissé valant justification de son identité.

La Commission recommande notamment «une définition claire et précise de critères objectifs justifiant» cette interdiction, et considère qu'une telle mesure «ne peut être fondée sur des appréciations exclusivement subjectives des services» du ministère de l'Intérieur.

Réprimer «les actes simplement préparatoires» ?

Elle préconise «un réexamen de la situation de l'intéressé tous les trois mois» et souligne que le retrait des pièces d'identité contre remise d'un récépissé «porte atteinte, en raison de la multiplication des contraintes imposées aux personnes concernées, au principe de proportionnalité, au principe de non-discrimination et au droit au respect de la vie privée et familiale».

Concernant la création du délit «d'entreprise terroriste individuelle», la CNCDH appelle à l'extrême vigilance sur «la répression d'actes simplement préparatoires», soulignant que «punir un comportement très éloignée en amont de l'infraction pénale redoutée est de nature à porter atteinte au principe de l'égalité et à la présomption d'innocence».

Concernant le blocage de l’accès aux sites internet incitant à commettre des actes terroristes, prévu par le projet de loi, la CNCDH recommande que ce pouvoir de blocage ne soit pas dévolu à l’autorité administrative, comme le propose le texte, mais à un juge des libertés et de la détention, et seulement après que l’éditeur ou l’hébergeur a été mis en demeure par le parquet de retirer le contenu litigieux.

Enfin, la commission préconise que les mineurs engagés à l'étranger «dans des entreprises terroristes et qui reviennent ultérieurement en France fassent l'objet d'un accompagnement particulier par la justice, au titre de l'enfance en danger ou de l'enfance délinquante».

Vendredi soir, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rappelé dans un communiqué que «le projet de loi s'attache scrupuleusement à entourer chacune des mesures prises des garanties constitutionnelles, s'agissant en particulier de leur proportionnalité au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi».

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