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NIGERIA

Décryptage de la "troisième mort" de Shekau, leader de Boko Haram

L’armée nigériane a déclaré, jeudi, qu’un commandant de Boko Haram était mort au combat. Les militaires ont affirmé, photos et vidéos amateur à l’appui, qu’il s’agit de la personne qui "jouait le rôle" d’Abubakar Shekau, chef de Boko Haram. Cette annonce confuse peine à convaincre, alors que la stratégie de communication de la secte islamiste semble consister à brouiller les pistes. Lire la suite...

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Photos diffusées par l'armée nigériane lors d'une conférence de presse le 25 septembre montrant un homme tué lors de combats à Konduga au Nigéria (à gauche). Selon elle, l'homme a un oeuf de pigeon sur le front qui ressemble fortement à celui d'Abubakar Shekau, leader de Boko Haram.

ACTUALISATION 2/10/2014 : Pour la quatrième fois, le chef de Boko Haram a annoncé être toujours en vie, dans une nouvelle vidéo obtenue par l'AFP, démentant ainsi l'annonce de son décès par l'armée nigériane.

L’armée nigériane a déclaré, jeudi, qu’un commandant de Boko Haram était mort au combat. Les militaires ont affirmé, photos et vidéos amateur à l’appui, qu’il s’agit de la personne qui "jouait le rôle" d’Abubakar Shekau, chef de Boko Haram. Cette annonce confuse peine à convaincre, alors que la stratégie de communication de la secte islamiste semble consister à brouiller les pistes.

Second de Mohammed Yousouf, le chef originel de Boko Haram assassiné par la police nigériane en 2009, Abubakar Shekau avait réussi à réorganiser la secte à l’origine du rapt des 200 lycéennes au Nigeria. Shekau est apparu à plusieurs reprises dans des vidéos, où il tient des propos excentriques, allant jusqu’à affirmer qu’il assassinerait des personnes décédées comme Jean-Paul II, ou proclamer la création d’un califat islamique. Ennemi numéro 1 de l’État nigérian, l'armée a déjà annoncé à deux reprises, en 2009 et 2013, la mort du leader de Boko Haram. Des affirmations sur lesquelles les autorités ne sont pas revenues, mais auxquelles Boko Haram a repondu en diffusant des vidéos d’un homme bien vivant présenté comme… Abubakar Shekau.

C’est donc la troisième fois que l’armée nigériane annonce sa mort. Retour sur une semaine d’interrogations.

1. Après des combats au Nigeria : un cadavre qui ressemble à Shekau

Le 18 septembre, l’armée nigériane annonce sur son compte Twitter qu’un "leader terroriste sérieusement blessé était traité dans un camp militaire "de la région de Konduga, où des combats entre l’armée et des membres de la secte Boko Haram ont eu lieu mi septembre.

Le site nigérian Ynaija est le premier à diffuser des images des combats. Sur l'une des photos on aperçoit, étendu sur le sol, un homme barbu vêtu d’un pantalon bleu. Il présente une ressemblance avec le Shekau que le monde entier a pu voir dans des vidéos. Le site se garde cependant de toute analyse sur l’identité des combattants.

Une des photos diffusées sur le site nigérian Ynaija.com.

Dimanche, c’est côté camerounais que les réseaux sociaux s’agitent après la publication, sur le compte Facebook non officiel "Armée camerounaise", d’une photo du même cadavre présenté comme celui d’Abubakar Shekau, mort lors de combats à Konduga, au Nigeria. Plusieurs médias camerounais relaient l’info en affirmant qu’il a été tué par l’armée camerounaise. Quelques heures plus tard, la photo est supprimée du compte Facebook.

Contacté mardi par France 24, le ministre de la Communication du Cameroun, Issa Tchiroma, affirme que ni lui, ni le ministre de la Défense ne sont au courant d’opérations camerounaises à Konduga au Nigeria, pas plus que du décès de Shekau. À ce stade, les autorités nigérianes ne s’expriment pas.

Le photomontage relayé sur la page "Armée camerounaise" dimanche sans aucune précision, et effacé quelques heures après.

2. Une fausse image circule sur Internet

Entre lundi et mercredi, plusieurs images émergent sur les réseaux sociaux et les sites Internet pour tenter de confirmer la mort du leader de Boko Haram. L’image ci-dessous est par exemple présentée comme une photo d’Abubakar Shekau agonisant à l’hôpital. Mais elle avait, en réalité, déjà été utilisée en mai 2014 sur un site d’information local pour annoncer, la aussi, sa mort.

À gauche, la présumée photo de Shekau sur son lit d'hôpital diffusé le 22 septembre sur le site 360nobs spécialisé sur les infos du Nigeria. La même photo, à droite, diffusée sur un site nigérian le 15 mai 2014.

Cette autre vidéo a été diffusée au même moment sur Internet avec en titre "Est-ce Shekau ?" puis a été relayée par des grands médias nigérians. L’homme a effectivement la même barbe et le même pantalon que le cadavre dont la photo circule, mais semble plus maigre. Rien ne prouve donc qu’il s’agisse là encore de la même personne, ni de Shekau, d’autant que le chef de Boko Haram est connu pour utiliser des doubles pour confondre l’ennemi.

Vidéo publiée le 22 septembre sur AwaReporter s'interrogeant sur l'identité de l'homme au pantalon bleu.

3. Le corps du remplaçant du "défunt Shekau" ?

Jeudi, l’armée nigériane convoque finalement la presse pour donner les résultats de son enquête. Selon elle, il s’agit sur la photo d’un chef islamiste "se faisant passer dans des vidéos pour le défunt Abubakar Shekau, le personnage excentrique connu comme chef du mouvement, tué dans des combats avec les militaires [ à Konduga, ndlr]". Ce dernier aurait plusieurs identités "Bashir Mohammed alias Abubakar Shekau, alias Abacha Abdullahi Geidam alias Damasack etc." explique l’armée.

Et pour prouver qu’il s’agit du chef apparu ces derniers mois dans différentes vidéos, les autorités militaires font remarquer que l’homme au pantalon bleu présente un œuf de pigeon sur le front qu’on retrouve sur d’autres photos et vidéos de Shekau précédemment diffusées.

Document présenté par l'armée nigériane à la presse mettant en évidence l'œuf de pigeon présent sur le front de l'homme tué à Konduga (à gauche) placé au même endroit que l'homme apparaissant régulièrement sur les vidéos de Boko Haram (à droite).

4- Shekau, une "marque" qui cache plusieurs individus ?

Les autorités nigérianes expliquent dans leur communiqué que "Shekau" n’est plus une seule et même personne mais que ce nom est devenu une "marque emblématique" pour Boko Haram. L’armée affirme d’ailleurs qu’elle se battra contre toute personne portant ce titre.

Par ailleurs, si un personnage que l’on connaît sous le nom de Shekau a régulièrement été mis au devant de la scène, ce n’est pas pour autant qu’il dirige la secte. Boko Haram est effectivement orchestré par un conseil consultatif.

Boko Haram n’a pas officiellement communiqué sur le décès ou non de sa principale figure. Un compte Twitter qui poste régulièrement "des informations fiables sur les jihadistes du Sahel" selon David Thomson, journaliste à RFI, a toutefois confirmé la mort du chef de la secte. Plusieurs comptes Twitter de personnes proches de Boko Haram ont également relayé l'information avant d’affirmer l’inverse ce vendredi.

Après avoir posté un tweet annonçant le décès du leader de Boko Haram, ce compte Twitter se disant proche de la secte publie un démenti en arabe : "Aucun communiqué officiel ne confirme pour l'instant le décès de l'émir de Boko Haram"

De leur côté, les États-Unis, qui avaient offert 7 millions de dollars contre la capture de Shekau en 2013, ne semblent pas être au courant du remplacement d’Abubakar Shekau par un "imitateur". Washington n’est d’ailleurs pas convaincu par la démonstration de l’armée nigériane et a demandé "plus de preuves "aux autorités du pays.

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