"État islamique" : et si la Turquie se réveillait...

Depuis des mois, la guerre est à ses frontières. Et pourtant, par dépit, par intérêt et par prudence, Ankara ne bougeait pas... Jusqu'à présent.

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Le 26 septembre, des réfugiés kurdes cherchent à fuir l'avancée des djihadistes de l'EI.
Le 26 septembre, des réfugiés kurdes cherchent à fuir l'avancée des djihadistes de l'EI. © AFP

Temps de lecture : 2 min

Six mois après le début de la guerre civile en Syrie, en juin 2012, un avion F4 des forces aériennes turques est abattu par la défense antiaérienne de Bachar el-Assad, sous le prétexte - jamais prouvé - que l'appareil a franchi la frontière. Deux mois plus tard, un tir d'artillerie tue cinq personnes et en blesse dix dans le village frontalier turc de Akçakale. À part une protestation du secrétaire général de l'Otan, dont la Turquie est membre, la communauté internationale et en particulier les États-Unis réagissent plus que mollement. Personne ne songe à invoquer l'article 4 de la charte de l'Otan en vertu de laquelle un pays de l'Alliance attaqué peut demander à tous ses membres de le défendre.

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Depuis, par dépit ou par calcul, la Turquie, qui doit faire face à un afflux énorme de plus d'un million et demi de réfugiés en provenance de Syrie, puis aujourd'hui d'Irak, a joué profil bas. Et même, selon certains experts, favorisé le développement de l'organisation État islamique : en fermant les yeux sur les trafics d'armes, le passage des apprentis djihadistes venant d'Europe, puis la contrebande de pétrole passant par son territoire.

LIRE notre article "Djihadistes de l'État islamique : qui a joué à l'apprenti sorcier ?"

Aujourd'hui pourtant, les choses pourraient changer et la Turquie, en rejoignant la coalition internationale contre l'organisation État islamique, pourrait devenir un élément clé pour contrer l'agressivité et le désir d'expansion appuyé sur une violence incontrôlée du soi-disant califat. Ce week-end, en effet, le président turc Erdogan a déclaré que son pays était prêt à envoyer des troupes pour s'opposer aux djihadistes dans le nord de la Syrie. Et au moins, assurer la sécurité d'une zone tampon où pourraient être regroupés les réfugiés qui continuent à affluer.

Les Turcs ont les coudées plus franches

Une décision qui, si elle était suivie d'effets, aurait au moins trois bonnes raisons d'être prise : le siège par les troupes de l'organisation État islamique de la ville de Kobani, où 400 000 personnes, en majorité kurdes, sont prises au piège. Les frappes aériennes américaines ont probablement empêché jusqu'à présent l'assaut de la ville. Mais il n'est pas sûr qu'elles suffisent à contenir longtemps les assaillants. Les laisser faire, pour le gouvernement d'Ankara, ressemblerait à assister, à quelques kilomètres de sa frontière, à un possible nettoyage ethnique.

Les Turcs ont d'autre part les coudées plus franches, car ils viennent de récupérer quarante-neuf de leurs ressortissants qui étaient les otages des djihadistes depuis la prise de Mossoul. Enfin, Ankara, qui a toujours été (et notamment pendant la guerre froide) un bon petit soldat de l'Otan, a sans doute intérêt à réintégrer l'action de la communauté internationale après avoir boudé celle-ci depuis deux ans.

Un premier geste de la part du président Erdogan pourrait être d'autoriser les avions américains qui décollent de Bahreïn pour aller bombarder l'Irak ou la Syrie à utiliser la base de l'Otan d'Incirlik sur le territoire turc. De quoi rendre leurs raids moins coûteux et plus efficaces. La base se trouve à moins d'une demi-heure des principaux objectifs visés par les Américains en Syrie.

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Commentaires (47)

  • Bastogne

    Je trouve cela scandaleux et bien révélateur de la duplicité des Turcs : ils prétendent combattre l'EI, mais, en fait ils essaient de tirer parti de la situation. Ils font partie de l'OTAN parait-il ; L'assassinat de ressortissants européens et américains, les déclarations belliqueuses de ces monstres, tout cela ne constitue pas une déclaration de guerre à leur yeux. Quels bons alliés !

  • charly100

    L'attitude de la Turquie n'est pas du tout ambiguë. Au contraire, elle est on ne peut plus claire... Sa ligne dans cette coalition est claire : pas question de se débarrasser de l'état islamique pour sauver El-Assad le boucher de Damas qui a son actif plus de 200 000 morts, plus de 3000 000 de réfugiés et plus de 6 000 000 de déplacés depuis sa répression criminelle de la révolution syrienne pacifique... La Turquie participera activement à cette coalition si au final aboutit à l'élimination de l'état islamique et à la chute du régime criminel de Damas. On ne peut pas être plus clair... La Turquie ne peut pas garder sur son territoire près de 2000 000 réfugiés syriens jusquà la fin du temps.

  • mine16

    Qu'il y a encore Assad pour lutter contre les fanatiques religieux et protèger les chrétiens de Syrie (qui le soutiennent ). Assad est un laic ( comme Saddam Hussein l'était). Il faut l'aider à triompher de ces malades du soit disant " état islamique ". Assad et les Occidentaux, ont les mêmes ennemis. Si Assad tombe un jour, on le regrettera amèrement, tout comme les chrétiens d'Orient.