Les fraudeurs n'ouvrent plus de comptes en Suisse, ils y créent des fondations

Chaque jour, plus d'une "fondation philanthropique" est créée en Suisse. Mais la plupart d'entre elles "oublient" de donner aux bonnes oeuvres.

De notre correspondant à Genève,

Photo d'illustration.
Photo d'illustration. © Maxppp

Temps de lecture : 3 min

Le think tank libéral Avenir Suisse, l'usine à penser de l'industrie helvétique, publie cette semaine une étude sur les 13 000 fondations qui prospèrent dans la Confédération. Après s'être réjoui que ce secteur connaisse une croissance réjouissante, Avenir Suisse recommande d'accentuer leur surveillance et demande que ces fondations d'utilité publique aient "l'obligation de consacrer annuellement au minimum 5 % de leur capital à la réalisation de leur but statutaire".

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Ce think tank, qui n'a rien de révolutionnaire, estime que les fondations "qui resteraient inactives durant de nombreuses années devraient se voir retirer leur caractère d'utilité publique". On a compris que les quatre cents fondations qui se créent chaque année en Suisse n'ont pas forcément pour vocation première d'aider la veuve et l'orphelin ou de promouvoir de jeunes artistes talentueux. Elles servent surtout à planquer de l'argent non déclaré.

Une fondation au Liechtenstein

Devant les pressions des États-Unis et de l'Union européenne, les banques suisses incitent les "petits" fraudeurs, ceux qui disposent de moins d'un million de francs suisses (830 000 euros), à fermer leurs comptes. Ces clients (comme Jérôme Cahuzac) ont la réputation de très peu rapporter aux établissements financiers. En revanche, les "vrais" riches se voient proposer des formules un peu plus complexes.

Soit de délocaliser leurs avoirs dans une filiale aux Bahamas, à Dubaï ou à Singapour, soit de se fondre dans des fondations où leurs noms n'apparaîtront même pas. C'était le cas de la Fondation pour l'équilibre écologique, esthétique et humain, à Schaan, au Liechtenstein, au capital de 30 000 francs suisses (24 900 euros). Derrière ce montage, imaginé par un avocat genevois, les cocotiers et les plages immatriculées de l'île d'Arros, aux Seychelles, propriété de la famille Bettencourt.

Pas de contrôle, pas d'impôt

Lorsque Le Point.fr avait tenté il y a plusieurs années d'en savoir davantage au registre du commerce de la principauté, il avait dû patienter plus d'une heure avant qu'un fonctionnaire ne consente à lui livrer les noms de Lexadmin Trust Company Limited, une société dans l'île de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, puis ceux de deux personnes en France, Fabrice Goguel et Laurence Medrjevetzki, domiciliés à Paris. En revanche, la famille Bettencourt n'apparaissait jamais dans les documents du registre du commerce.

La situation est à peine moins caricaturale en Suisse. En 2013, le Conseil fédéral (gouvernement), dans un rapport, nie "le besoin de révision du droit suisse des fondations et refuse l'introduction d'une haute surveillance pour les fondations". Mieux, "il n'est pas nécessaire de procéder à des modifications ou à des adaptations prématurées notamment au droit suisse, car cet alignement risquerait de faire perdre à la Suisse de son attrait et de se retourner contre elle".

58 milliards d'euros

En d'autres termes, pour planquer votre argent, il suffit de créer une fondation en faveur des bébés phoques ou des enfants maltraités. Ce qui vous permet de ne pas payer d'impôts, car "seuls les bénéfices dépassant 20 000 francs [16 000 euros] doivent encore être imposés chez les personnes morales poursuivant des buts idéaux". Ensuite, personne ne vous contrôle, et vous passez même pour un bienfaiteur de l'humanité. Seul petit inconvénient : il faut rémunérer le "conseil de fondation", c'est-à-dire vos prête-noms. Moralité ? Aucune.

Selon les dernières statistiques, Zurich compte 2 218 fondations, Lausanne, 1 398, Berne, 1 358, et Genève 1 095. Selon Avenir Suisse, ces fondations détiendraient plus de 70 milliards de francs suisses (58 milliards d'euros).

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Commentaires (38)

  • pinocchio

    Avec internet, même plus besoin de ce déplacer...

  • Ardisson

    "De plus, l'impact de ces optimisations fiscales est a mon avis beaucoup plus grand sur la societe Francaise que celui des Bettencourt ou autres "riches"...

    Qu'est-ce qui est pire ? Racketter les citoyens et les entreprises, par un impôt prohibitif ou libérer l'économie et le capital d'un pays en attirant des entreprises par des mesures fiscales attrayantes ?

    Par ailleurs, merci de bien vouloir nous expliquer en quoi l'optimisation fiscale d'entreprises françaises établies en Suisse aurait un impact sur la société française. Il y a en effet très peu d'entreprises françaises établies en Suisse uniquement pour des raisons fiscales, à part peut-être des banques.

  • lesouffleur

    Pas bêtes les nantis, pas fous les Suisses