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Où est le mari? Soupçons dans les camps de réfugiés irakiens


Dimanche 5 octobre 2014 à 11h51

Khanaqin (Irak), 5 oct 2014 (AFP) — Dans le camp de réfugiés d'Aliama, au Kurdistan irakien, les nouveaux arrivants doivent présenter leurs documents d'état civil. Si le mari est absent, la famille devient suspecte par crainte que l'homme ne combatte au sein du groupe de l'Etat islamique.

Aliama est l'un des nombreux camps qui sont gérés par les autorités kurdes mais accueillent en très grande majorité des Irakiens arabes sunnites ayant fui les zones conquises par l'EI lors de sa fulgurante offensive de juin.

"Ici, 99% des familles sont arabes sunnites", affirme Taleb al-Dalaoui, le responsable de ce camp qui abrite 1.757 familles en bordure de la ville de Khanaqin.

"Il y a un million d'Arabes déplacés au Kurdistan. Parmi eux, il y a évidemment des gens bien, mais il y en a aussi qui coopèrent avec l'EI", souligne le général Halgord Mulla Ali, porte-parole du ministère des peshmergas (forces kurdes).

Il accuse ces derniers d'être responsables d'attentats perpétrés à proximité de postes militaires kurdes dans la province de Diyala (nord-est). L'explosion d'une bombe sur le passage d'un convoi a ainsi tué quatre peshmergas une semaine plus tôt.

"Nous savons que ce sont des réfugiés qui ont fait ça", affirme le général, sans apporter de preuves.

C'est pour tenter de limiter les risques que des contrôles ont été mis en place dans les camps d'accueil. Les déplacés doivent y présenter leur "carte de famille", sorte de livret de famille tenant lieu de document d'identité.

Au camp d'Aliama, également connu sous le nom d'Ayden, "il y a ici 150 familles qui n'ont pas été rejointes par le mari", indique Taleb al-Dalaoui.

Si une femme débarque sans son époux, "nous lui demandons de fournir des preuves de l'endroit où il se trouve", explique M. al-Dalaoui.

"Si elle prétend que son mari est mort, elle doit présenter un certificat de décès", précise-t-il.

Dans le cas où elle explique que son mari ne peut pas venir car il travaille dans une autre ville, "nous vérifions auprès des services de sécurité de cette ville ou nous contactons le mari par téléphone".

La réponse est parfois jugée crédible. Mais il arrive aussi "que le mari ordonne à sa femme de quitter immédiatement le camp lorsque nous commençons à poser des questions", ajoute M. al-Dalaoui.

Si l'absence du mari n'est pas justifiée, les familles sont chassées des camps et finissent parfois dans des immeubles en construction de la ville, explique-t-il.

- Armes et explosifs -

Malgré ce contrôle des arrivants, les assayesh -- un corps de sécurité kurde distinct des peshmergas -- fouillent régulièrement les tentes des réfugiés à la recherche d'armes et d'explosifs.

"Ils en ont trouvé chez ces familles dont le mari est membre de l'EI", affirme le colonel peshmerga Ali Abdullah, en charge du commandement dans la zone de Khanaqin, refusant de révéler l'identité de ces familles "pour les protéger".

Dans une annexe du camp d'Aliama entourée d'ordures et de chiens errants, où s'entassent 150 familles venues des secteurs de Diyala contrôlés par l'EI, les familles dont l'homme est absent sont également refoulées.

"Si l'homme n'est pas là et qu'il n'est pas mort, cela signifie qu'il combat dans les rangs de l'EI pendant que sa famille est ici", assure le responsable, Souar Ismaïl Hussein, en refusant d'en dire plus.

Les déplacés refusent de s'exprimer sur le sujet. Ils ne savent rien, affirment-ils.

Malgré cette atmosphère de suspicion et de crainte non-dite, il n'y a pas de tensions dans les camps, ni avec la population locale ou les forces kurdes, affirment les peshmergas.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.