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L'État au chevet d'Areva

De nouvelles mesures d’économies devraient être prises cette semaine chez le géant de l’atome. Le gouvernement réfléchit à le renflouer.

Matthieu Pechberty , Mis à jour le
Des employés d'Areva à la centrale d'Olkiluoto, en Finlande.
Des employés d'Areva à la centrale d'Olkiluoto, en Finlande. © Reuters

Après Alstom, Areva . Trois mois après la vente du fleuron français à l'américain General Electric, l'État se penche sur cet autre dossier sensible. Le fabricant de centrales nucléaires traverse une sérieuse crise financière. Les résultats du premier semestre 2014 ont été catastrophiques : près de 700 millions d'euros de pertes, une baisse de 12% du chiffre d'affaires, et une dette qui ne cesse d'augmenter. Le coût de construction de l'EPR en Finlande n'en finit pas de déraper. Depuis trois ans, Areva a passé 6 milliards d'euros de pertes sur ce chantier, ainsi que sur le rachat de sa filiale Uramin. Tous les signaux sont au rouge. Depuis Fukushima, le marché du nucléaire ne redémarre pas dans le monde. Areva vient de vendre deux EPR en Grande-Bretagne, très loin de son objectif de dix commandes d'ici à 2016… Le groupe souffre aussi de l'arrêt des 50 réacteurs japonais, dont la maintenance lui rapportait 1 milliard d'euros par an, contre seulement 200 millions aujourd'hui.

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Le gouvernement inquiet…

Mercredi, l'agence de notation Standard & Poor's rendra les conclusions de son audit du spécialiste de l'atome. Selon nos informations, Areva va échapper à une dégradation de sa note à condition de réaliser des réductions de coûts et des cessions d'actifs. La veille, les administrateurs se réuniront pour décider des mesures à prendre et comment répondre à ces injonctions. Des baisses d'investissement devraient être annoncées. Mais au-delà de ces mesures immédiates, la situation financière d'Areva inquiète "au plus haut point, au plus haut niveau de l'État", assure un financier. "Elle est préoccupante, le gouvernement en a conscience", reconnaît un proche de l'entreprise. "Il n'y a pas d'urgence et Areva n'est pas au bord de la faillite", tempère une source gouvernementale. Avant d'abonder : "Ses difficultés persistent et des questions se posent sur une transformation plus forte de l'entreprise. Les réflexions ont commencé." L'État, qui détient 88 % du groupe, ne prendra aucune décision avant le début de l'année 2015 et la publication des comptes 2014, en février. Mais les scénarios sont sur la table.

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L'entreprise aurait besoin de 2 à 3 milliards d'euros. Un chiffre que personne ne conteste. Sauf la direction, qui assure "ne pas avoir besoin d'augmentation de capital". Deux options existent : l'État renfloue Areva ou pousse au rapprochement avec EDF. Le gouvernement a réfléchi à ce mariage – un serpent de mer – il y a quelques mois. "Rien n'est à l'étude ni à l'ordre du jour", précisent en cœur Bercy et EDF, sans démentir avoir exploré cette piste. L'électricien reconnaît "le problème financier" d'Areva, qui approvisionne son parc nucléaire en uranium. Mais refuse de tomber dans la sinistrose. EDF préfère souligner la signature de trois gros contrats de plus d'un milliard d'euros avec son partenaire.

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… le patron plus rassurant

Le patron d'Areva, Luc Oursel , se veut plus rassurant, même s'il a amplifié les réductions de coûts de 200 millions d'euros supplémentaires cet été. Lui qui espérait un redémarrage du nucléaire dans le monde l'attend toujours. "Le marché repartira et notre dette commencera à baisser en 2016, insiste son entourage. Il faut continuer nos efforts." Sauf qu'à la fin du mois, l'État décidera s'il reconduit ou évince Luc Oursel. Les relations ne sont pas au beau fixe avec les ministères de l'Économie, de la Défense et des Affaires étrangères. Surtout, le représentant de l'État, Pierre Blayau, n'a pas de bons rapports avec lui et souhaiterait promouvoir le numéro 2, Philippe Knoche, qui fait l'unanimité au sein du gouvernement et chez le grand partenaire EDF. Un conseil décisif se réunira à la fin du mois. "Luc Oursel n'est pas en position favorable", reconnaît un de ses soutiens. S'il part, il emmènera avec lui sa stratégie, qui consiste à "faire le dos rond", et laissera place aux grandes manœuvres.

Source: JDD papier

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