La justice française enquête, depuis le printemps 2012, sur une affaire d’Etat susceptible d’impliquer le pouvoir sarkozyste. Dans la plus grande discrétion, deux juges d’instruction parisiens, saisis de faits de « blanchiment en bande organisée », « corruption d’agents publics étrangers », « complicité et recel » de ces délits, explorent les dessous de contrats signés en 2010 entre la France et le Kazakhstan, pour près de 2 milliards d’euros. Ces marchés, comprenant la fabrication de 45 hélicoptères par Eurocopter, sont susceptibles d’avoir donné lieu au versement en France de rétrocommissions.
Un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, et l’ex-chargée de mission de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, ont été placés en garde à vue en septembre dans cette affaire qui s’annonce explosive. En effet, Nicolas Sarkozy est lui-même soupçonné d’avoir fait pression en 2011 sur le Sénat belge, à la demande du président kazakh, afin d’adoucir le sort judiciaire d’hommes d’affaires d’origine kazakhe poursuivis en Belgique… et de permettre la conclusion de ces mirifiques contrats. Deux intermédiaires et une avocate niçoise ont été mis en examen en septembre dans ce dossier, suspectés d’avoir permis le versement d’importantes rétrocommissions. Le « Kazakhgate » n’en est, sur le plan judiciaire, qu’à ses débuts.
Pour la justice française, le dossier débute réellement au printemps 2012. Le 4 avril, à quelques semaines de l’élection présidentielle, Tracfin, l’organisme antiblanchiment du ministère des finances, signale au parquet de Paris des mouvements de fonds suspects – plus de 300 000 euros – sur les comptes d’un ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Jean-François Etienne des Rosaies. Le parquet ouvre immédiatement une enquête préliminaire visant cet homme de 72 ans, chargé de mission au cabinet de M. Sarkozy, à la présidence de la République, entre 2007 et 2010. Ancien préfet, il est devenu président des Haras nationaux puis de l’Institut français du cheval et de l’équitation.
Au mois de mars 2013, les premières investigations ayant étayé les soupçons de Tracfin, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire. Dans la foulée, le dossier, confié aux juges Roger Le Loire et René Grouman, est transmis au parquet national financier (PNF). Les policiers de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) ont en effet découvert que M. Etienne des Rosaies avait bénéficié, sans raison apparente, de plusieurs virements importants émanant de son avocate, inscrite au barreau de Nice, Me Catherine Degoul. Les fonds proviendraient en fait d’un riche homme d’affaires belge d’origine kazakhe, Pathok Chodiev. Ce dernier avait versé plusieurs millions d’euros à Me Degoul, qui n’est autre que son avocate…
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