Deux députés enfumés par Philip Morris
Le centriste Charles de Courson et le socialiste Jean-Louis Dumont proposent un amendement qui avantage le fabricant de Marlboro. Et fait perdre 120 millions d’euros à l’Etat.
A l’Assemblée nationale, l’industrie du tabac a toujours de belles entrées. Les discussions pour le projet de loi de finances de 2015 ont débuté la semaine dernière. Et les débats publics commencent jeudi matin dans l’hémicycle. Deux députés, de l’opposition et de la majorité, ont déposé exactement le même amendement (ici et ici ) pour modifier la fiscalité sur les cigarettes. Le socialiste Jean-Louis Dumont et le centriste Charles de Courson, souhaitent limiter les taxes sur le tabac alors qu’elles doivent augmenter au 1er janvier prochain. Concrètement, ce texte conduit à ce qu’une partie des taxes sur le tabac n’augmente plus mécaniquement avec la hausse des prix.
La semaine passée, le député socialiste élu de la Meuse s’était déjà vu refuser en commission sa proposition par la rapporteure du Budget, la députée PS Valérie Rabault. "Votre amendement avantagerait certaines marques de tabac par rapport à d’autres" avait-elle lancé à Jean-Louis Dumont. En clair, il réduirait la fiscalité pour le géant Philip Morris sans agir sur celle de ses concurrents. Selon l’un d’entre eux, le manque à gagner pour l’Etat serait de 120 millions d’euros!
"Les lobbys jouent leur rôle"
Cette proposition "garantira une meilleure protection des recettes fiscales de l’Etat des politiques tarifaires des fabricants de cigarettes", assurent les deux parlementaires dans leur exposé écrit. Mais par oral, leurs explications sont plus fumeuses. "Oui, j’ai discuté avec les cigarettiers et pas que Philip Morris", assure Charles de Courson, député de la Marne, qui ajoute : "Les lobbys jouent leur rôle". Son collègue socialiste ne dit pas autre chose, mais avec plus de gêne. "Oui, j’ai reçu une aide extérieure", reconnaît-il. De Philip Morris? "Peu importe" botte-t-il en touche.
Leurs amendements sont identiques, au mot et à la virgule près. Son impact n’est pas très clair. Protéger les recettes fiscales du tabac qui baissent de 200 millions cette année est l’objectif fixé. "L’importation de cigarettes pèse 25% du marché" tente de justifier Charles de Courson, répétant la rhétorique de Philip Morris sans pouvoir l’expliquer. "Je ne sais pas pourquoi cela protège les taxes" lâche benoîtement son homologue socialiste, ajoutant qu’il attend "la position du secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert".
En réalité, cet amendement télécommandé par Philip Morris vise à contrer la hausse des prix qui doit intervenir au 1er janvier . En limitant la hausse des taxes, le fabricant de Marlboro espère pouvoir maintenir son prix de vente à sept euros. Encore un casse-tête pour le gouvernement.
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Source: JDD papier
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