La série “Homeland” a repris le 5 octobre avec, en ouverture de cette quatrième saison, une attaque de drones dans le Nord-Waziristan, zone tribale pakistanaise à la frontière avec l’Afghanistan. L’occasion d’admirer le travail d’orfèvre réalisé par les auteurs de la série pour traduire leurs dialogues en ourdou grâce à Google Translate.

Il faut reconnaître qu’il y a tellement peu de gens dans le monde qui parlent à la fois anglais et ourdou que les producteurs ont dû avoir le plus grand mal à vérifier que leurs acteurs parlent bien comme de vrais Pakistanais [en plus du fait que les habitants du Waziristan parlent plutôt pachto]. Techniquement, “je suis désolé” se traduit effectivement par “mujhay maaf kariye” en ourdou, mais dire cette phrase lors de funérailles au Pakistan est plus un aveu de culpabilité que l’expression de ses condoléances. Bref, quand les acteurs indiens et américains qui incarnent des Pakistanais débitent leurs lignes de texte ourdou, ils ont la même authenticité que Siri déclarant qu’elle “m’aime” sur mon iPhone.

Toute ressemblance avec des faits réels…

Après quarante minutes nous permettant de comprendre pourquoi les dommages collatéraux causés par l’explosion d’une bombe lors d’un mariage étaient après tout justifiés, l’histoire s’accélère en se déplaçant à Islamabad [la capitale]. Toute ressemblance entre la série d’incidents qui s’enchaîne alors et l’affaire Raymond Davis [ancien soldat américain proche de la CIA ayant tué deux Pakistanais en 2011] est absolument fortuite.

Des manifestants pakistanais font le pied de grue devant l’ambassade américaine d’Islamabad pendant deux épisodes avant que des agents de la CIA fassent finalement cas de leur présence - encore une victoire des manifestations pacifiques à Islamabad ! Comme quoi, la pression de la rue fait trembler les plus hautes sphères de l’agence de renseignement américaine.

Rayer le Pakistan de la carte

La fin du premier épisode dessine un portrait particulièrement réaliste du Pakistan d’aujourd’hui. Une chaîne d’information pakistanaise révèle le nom du chef de la CIA dans le pays au moment où celui-ci se promène dans un bazar de la ville. Une seconde plus tard – et bien qu’on ne remarque pas le moindre poste de télé ou radio à l’horizon - il est reconnu par toutes les personnes présentes aux alentours (à mon avis, ils ont juste vu un type blanc marchant dans Islamabad et se sont dit que ça devait être lui).

Quoi qu’il en soit, des hordes d’hommes se mettent alors en devoir de faire ce que tout Pakistanais ordinaire ferait dans cette situation : s’armer de bâtons et commencer à fracasser sa voiture. Trois ou quatre d’entre eux se font exploser la cervelle par un agent de la CIA, mais ça, c’est pas important. Les hommes finissent par extirper le malheureux de sa voiture – un véhicule diplomatique – et le piétinent à mort au beau milieu de la rue. Au cas où vous n’auriez pas saisi la gravité de la situation, je vous résume le problème : un responsable de la CIA se fait PIÉTINER A MORT dans une rue d’Islamabad et le Pakistan n’est toujours pas rayé de la carte ! Je vous avais dit que “Homeland” pouvait réserver des surprises !


Voile, barbes et coupures de courant

Cette saison, j’attends avec impatience de voir un peu plus d’hommes barbus et de femmes voilées sillonner les rues du Pakistan en balbutiant des mots rappelant vaguement l’ourdou. Je suis aussi curieux de découvrir quelles nouvelles scènes de vie authentiques nous réservent les auteurs de la série. Peut-être verra-ton Carrie Mathison, la protagoniste, s’aventurer seule dans la rue et entendre un homme lui dire : “dekhti hee rahay gee ya number bhi day gi” [tu vas rester là à me regarder ou bien tu me donnes ton numéro ?] Ou peut-être que Peter Quinn, un agent de la CIA, se fera tirer son portable sous la menace d’une arme ?

Je verrais bien Saul, le mentor de Carrie Mathison, débarquer au Pakistan et infiltrer un groupe terroriste pour y jouer les agents doubles. Il a déjà la barbe et son ourdou ne peut pas être pire que celui des “Pakistanais” de la série. J’attends aussi avec impatience l’épisode où l’écran deviendra noir d’un coup, laissant croire au téléspectateur qu’il est terminé, alors qu’il ne s’agira que d’une coupure d’électricité. Carrie Mathison a été initiée aux méthodes de renseignement les plus sophistiquées, mais est-elle capable de s’aventurer dans les couloirs de l’ambassade américaine d’Islamabad à la seule lumière de son téléphone portable ?

Mariage à la pakistanaise

Ses compétences pourraient être testées jusqu’à leur extrême limite si elle se trouvait un amoureux pakistanais :
- Saura-t-elle convaincre ses parents qu’elle peut être la belle-fille idéale ?
- Est-elle capable de préparer un “roti” [galette] parfait ?
- La CIA fera-t-elle gracieusement don d’une voiture, d’un réfrigérateur et de l’air conditionné à sa belle-famille [en guise de dot] ?

La perspective d’un mariage américano-pakistanais dans cette saison m’inspire les rêves les plus fous. Si on pouvait voir des agents de la CIA danser sur “Desi Thumka”, un tube de pop locale, pendant le “mehndi” [la cérémonie du hénné], la série battrait, à coup sûr, tous les records d’audience.