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Le couple Balkany raconté par ses comptes

La cellule antiblanchiment de Bercy a épluché les avoirs des époux Balkany. Plongée dans un monde de luxe et d'impunité.

Par , et

Publié le 22 octobre 2014 à 13h52, modifié le 19 janvier 2016 à 16h48

Temps de Lecture 5 min.

Patrick et Isabelle Balkany, en novembre 2009 à Levallois-Perret.

 « Blanchiment de fraude fiscale », « corruption » et « blanchiment de corruption », tels sont les faits pour lesquels le député-maire de Levallois, Patrick Balkany, était déjà mis en examen. Et désormais pour déclarations mensongères sur son patrimoine, depuis le 15 janvier 2016. L'affaire touche à la fortune du couple qu'il forme avec son épouse Isabelle, et notamment à plusieurs propriétés immobilières qu'ils auraient dissimulées au fisc. 

Le Monde a eu accès à trois notes de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des finances, qui a épluché les comptes des deux époux. Ces notes dressent un portrait assez insolite de ce couple emblématique et de son train de vie. 

1. Plus de dépenses de personnel que de revenus déclarés

Les époux Balkany ne sont pas astreints à l'impôt sur la fortune. Leur déclaration d'impôt en ferait presque un couple de la petite bourgeoisie :

Isabelle vit d'une retraite, d'une rente viagère, de quelques produits financiers, et surtout de son indemnité d'élue de Levallois : 50 683 euros au total. Elle a même bénéficié, au titre de « personne isolée, d'un remboursement des impôts, qui lui ont reversé 6 000 euros en 2012. Le couple avait expliqué qu'il avait été un temps séparé (en 1996), et qu'il a, depuis, omis de rectifier sa situation auprès du fisc.

Patrick, lui, affiche des revenus de député-maire plus confortables : 25 000 euros en tant qu'élu local, plus 53 496 euros en tant que parlementaire en 2012. Il touche en outre 8 679 euros de la Semarelp, une société qui se charge de gérer le « patrimoine privé » de Levallois.

143 000 euros Le couple percevait donc, en 2012, environ 143 000 euros par an. Soit 12 000 euros par mois. Pourtant, les deux parviennent à déclarer des dépenses de personnel supérieures : 127 000 euros pour les employés à domicile de monsieur, 68 733 euros pour madame. Soit un total de 195 733 euros, largement plus que les revenus des Balkany !

Tracfin relève également les comptes très positifs du couple : en 2012, ceux de madame affichaient jusqu'à 325 000 euros, quand monsieur était à 375 000 euros.

Officiellement, à Levallois-Perret, sa ville, Patrick Balkany est… locataire, d'un deux-pièces de 34 mètres carrés, ainsi que d'un garage et d'une « pièce d'agrément ». Un appartement qu'il possédait, mais qu'il a vendu, pour 470 000 euros, tout en continuant à l'occuper.

Il est également officiellement propriétaire, en indivision avec son épouse, du « Moulin de Cossy » à Giverny, dans l'Eure, une propriété décrite comme immense et très luxueuse, où le couple réside en réalité, entre deux voyages à Marrakech ou dans les Antilles.

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Ni Isabelle ni Patrick Balkany ne déclarent de compte à l'étranger, et ni l'un ni l'autre ne paient l'impôt sur la fortune.

Pourtant, note Tracfin, les comptes des deux époux montrent des mouvements de fonds largement plus importants. Au total, entre 2007 et 2012, Patrick a enregistré plus de 2 millions d'euros en crédit, quand Isabelle allait jusqu'à 5,2 millions d'euros.

2. Deux globe-trotters dotés de Visa Infinite

Ce n'est là que la première bizarrerie que dévoilent les comptes des époux.

Le couple posséderait, selon les investigations de Tracfin, trois propriétés, l'une à Giverny, la deuxième à Marrakech et la troisième sur l'île de Saint-Martin, cachées derrière des sociétés-écrans.

A Marrakech, Dar Gyucy est un riad de 1 600 mètres carrés et un hectare de jardins aménagés, qui a été proposé à la vente pour 5,5 millions d'euros en 2008. A Saint-Martin, la villa Pamplemousse – dont Isabelle a admis qu'elle était bien propriétaire depuis 1997 – vaut au moins 3 millions d'euros.

Les Balkany l'ont parfois louée, entre 5 500 et 8 000 euros la semaine, notamment à Liliane Bettencourt ou à l'un des fils de Mouammar Kadhafi, selon Le Point. Problème : selon Tracfin, le produit de ces locations n'est jamais apparu sur les comptes du couple. Ce qui alimente les soupçons de comptes offshore.

41 Tracfin relève, depuis 2008, au moins 11 déplacements d'Isabelle à Saint-Martin et 20 à Marrakech, parfois pour deux mois consécutifs. M. Balkany, lui, se contente de 14 séjours au Maroc et 13 à Saint-Martin.

Pour prouver qu'ils en sont propriétaires, la cellule d'investigation financière a remonté la « piste de papier » de leurs cartes bleues. Et donne un tableau de synthèse des paiements effectués par Patrick et Isabelle Balkany, que ce soit avec leurs American Express ou leurs cartes Visa Infinite, la plus luxueuse de la marque.  

On y découvre, en cinq ans, pas moins de 37 périodes où Isabelle a effectué des paiements depuis l'un des deux endroits : 21 fois au Maroc et 16 à Saint-Martin. Plus globe-trotter, Patrick Balkany, outre ces deux destinations, se rend également souvent en Suisse (cinq fois), en Israël (trois fois), au Qatar (deux fois), au Royaume-Uni (trois fois)... 

Plusieurs points étonnent Tracfin. Notamment le fait qu'« aucun paiement par carte bancaire n'a été relevé entre septembre 2010 et août 2012 (soit un an) sur l'île de Saint-Martin ». La cellule émet plusieurs hypothèses, dont celle de comptes offshore qui leur permettraient de payer leurs dépenses sur place.

3. Abonnements Canal+ et dépenses de décoration

Les rapports dévoilent aussi de plus petits détails, mais qui sont révélateurs. Comme les dépenses du couple. On apprend ainsi qu'entre le 30 décembre 2008 et le 28 octobre 2009, et en cinq séjours au Maroc, Isabelle Balkany a dépensé 15 000 euros en décoration, prêt-à-porter ou courses.

A Saint-Martin, les factures de supermarché vont de 1 000 à 2 000 euros, quand il ne s'agit pas de décorer la maison, pour 40 000 euros en cinq ans.

De même, en 2008, Mme Balkany signe un chèque de 18 500 euros à « Motor World », concessionnaire automobile de Saint-Martin. Et Patrick est signataire de contrats d'assurance, auprès d'un assureur de l'île, pour deux véhicules : un Nissan X-Trail (un 4 × 4 qui se vend autour de 30 000 euros neuf) et un Infiniti Q56 (autre 4 × 4 de valeur équivalente). Madame, elle, assure un Infiniti FX35 (toujours un 4 × 4 de luxe) et un Daihatsu Tipper (un camion à benne).

18 265 La décoration est un souci constant du couple, au vu de ces autres factures détaillées dans les rapports : entre mars 2009 et janvier 2010, les Balkany ont dépensé 18 265 euros sur divers sites Web dédiés à la décoration.

7 Mais les cartes bleues des Balkany montrent que ce ne sont là que quelques petites dépenses. Elles affichent des débits qui vont jusqu'à 360 000 euros pour une année. Tout ou presque est excessif chez les Balkany, jusqu'à – détail qui étonne Tracfin – le nombre d'abonnements à Canal+ du couple : pas moins de sept !

Les Décodeurs

Résumé de l'affaire

Le député UMP des Hauts-de-Seine et maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, a été mis en examen le 21 octobre pour « blanchiment de fraude fiscale », « corruption » et « blanchiment de corruption ». Officiellement, lui et sa femme Isabelle, première adjointe au maire de Levallois, déclarent des revenus d'environ 145 000 euros.

Problème : les enquêteurs mettent en lumière un train de vie beaucoup plus important qu'annoncé. La seule déclaration de rémunération des employés à domicile pour l'année 2012 s'élève ainsi à… 127 000 euros.

L'enquête du pôle financier cible ainsi le patrimoine supposé important des Balkany (comprenant notamment trois propriétés, dont une au Maroc et une à Saint-Martin, île des Antilles), qui aurait été acquis par « un schéma sophistiqué de fraude » par le biais de sociétés écrans et de comptes offshore. L'étude des comptes du couple montre également un train de vie faramineux (voyages, dépenses diverses).

Lire : Tout comprendre à l'affaire Balkany

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