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Cohn-Bendit : «Il faut être malade pour être jeune et militer au PS, chez les Verts ou à l’UMP»

Une transmission de flambeau un brin désabusée entre l'ex soixante-huitard et la jeune relève politique
par Guillaume Pajot
publié le 24 octobre 2014 à 21h46

Un vol long-courrier turbulent, le cul vissé sur un siège éjectable. Voilà comment pourrait-on résumer l'entrée dans la vie adulte en 2014. Multiplication des contrats précaires avant d'accéder au CDI, petits boulots, difficultés d'accès au logement… L'époque est au «bizutage social» d'après William Martinet, président de l'Unef. «Ce bizutage participe à la défiance et au fossé qui grandit entre les jeunes et les institutions. Néanmoins, ça ne veut pas dire que les jeunes ne sont pas politisés. Ils sont conscients des injustices, mais ne trouvent pas, en politique, de débouchés à leur colère.»

Constat partagé par Thomas Friang, fondateur de l'institut Youth Diplomacy, qui disserte sous le regard bienveillant de Daniel Cohn-Bendit. «Je sens un bouillonnement, corrobore l'ancien président des Jeunes Démocrates. Mais il n'y aura pas de mouvement comme celui de Mai 68. Et si c'était le cas, j'ai peur qu'il ne soit surtout profitable à Marine Le Pen.» Parler des jeunes en tant qu'entité est déjà un exercice périlleux, réducteur. Alors comment analyser les motivations de ceux qui donnent leur voix à l'extrême-droite ? «La jeunesse emmerde le Front National» est-il l'écho d'une autre époque ? Aux dernières élections européennes, le parti des Le Pen a obtenu 30 % des suffrages chez les moins de 35 ans.

Mélancolie. Éternel indigné et fraîchement retraité, Daniel Cohn-Bendit dresse un état des lieux mélancolique : «Beaucoup de jeunes veulent simplement un avenir. Tout est plus compliqué, plus difficile qu'en 1968. Il faut être un peu malade pour être jeune et aller militer au PS, chez les Verts ou à l'UMP.» La démocratie représentative a du plomb dans l'aile et les jeunes sont souvent parmi les premiers à tirer. «Aujourd'hui, tous les élus peuvent se prendre des baffes sur Internet. Ils lisent des commentaires très critiques, leur site peut être hacké, ils doivent rendre des comptes en permanence», énumère Thomas Friang.

En embuscade, la contre-attaque de Daniel Cohn-Bendit, prêt à administrer une gentille claque aux idéalistes – après tout, si les politiques peuvent se prendre des baffes, ils ont aussi le droit de rendre les coups. «Toute une partie de la jeunesse est ultra-conformiste, déplore l'ancien leader de Mai 68. Seule une minorité est prête à s'indigner.» Admirateur déclaré du personnage, Thomas Friang relativise et élargit le débat : «Tout le monde peut faire de la politique à son niveau. Quand on est éducateur spécialisé, qu'on donne le sens des responsabilités, du collectif, on fait de la politique.»

«Tweetisme». Une jeune fille interpelle la tribune : «Vous avez décrit l'outil numérique de façon très positive, mais j'ai l'impression que c'est plutôt un anesthésiant. On ne construit plus, on "s'exprime" sur Internet, et ensuite, on retourne sur son canapé» De quoi enflammer l'ancien député européen, qui s'exclame : «Le tweetisme, c'est une maladie générale !». On retrouve le Dany qu'on aime, bondissant, l'oeil qui frise, terminant son propos sous les applaudissements. Le bon mot a fait le bonheur de la salle. Et de Twitter aussi, évidemment.

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