ARTExhibit B: La prochaine exposition à faire grand bruit à Paris?

Exhibit B: La prochaine exposition à faire grand bruit à Paris?

ARTL’exposition, qui arrive à Paris fin novembre, interroge sur le colonialisme et les zoos humains en mettant en scène des comédiens noirs amateurs. Une pétition tourne pour annuler l’exposition, vue comme raciste...
Exhibit B avait déjà été programmé au Cent Quatre en novembre dernier. Sans soulever alors de contestations.
Exhibit B avait déjà été programmé au Cent Quatre en novembre dernier. Sans soulever alors de contestations. - © Sofie Knijff-'Travail et Progres' - EXHIBIT B
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

Elle s’appelle Exhibit B et est bien partie pour être la prochaine exposition à susciter le débat à Paris. Exhibit B sera au théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre, et enchaînera au Cent Quatre, rue d’Aubervilliers, du 7 au 14 décembre.

Cette fois-ci, il est question de colonialisme et plus précisément des zoos humains, très répandus à une époque en Europe et aux Etats-Unis. Des lieux où le public pouvait découvrir des habitants des lointains pays colonisés du XIXe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, explique Brett Bailey, l’artiste sud-africain qui met en scène Exhibit B, dans une interview à Altermondes. C’était la pleine époque de la hiérarchisation raciale, pendant laquelle on mesurait les crânes pour établir une classification.»

Des comédiens noirs dans des tableaux vivants

Brett Bailey a repris le principe de «ces expositions de sauvages» pour, cette fois-ci, dénoncer les barbaries du colonialisme. Exhibit B se compose de douze tableaux vivants où prennent place des comédiens amateurs qui vous fixent, immobiles. Voilà ce qui choque John Mullen, Montreuillois à l’origine d’une pétition demandant l’annulation de l’exposition en France. «Les comédiens y sont dénudés, silencieux, sous une lumière décorative et mis en scène par un artiste blanc qui s’adresse à un public blanc invité à réfléchir sur l’histoire du colonialisme, estime John Mullen. Le corps des Noirs est ici exhibé et, Brett Bailey a beau s’en défendre, c’est inacceptable et raciste.»

Une pétition pour annuler Exhibit B

C’est un point de vue. Le Cent Quatre et le théâtre Gérard-Philipe n’ont rien contre son expression et renvoient à une lettre ouverte écrite par les représentants des 14 théâtres, festivals et établissements culturels qui ont accueilli l’exposition depuis quatre ans: «Nous reconnaissons le droit de protester contre toute œuvre d’art qui provoque, défie et invite à la réflexion et au dialogue», y est-il écrit. Comme à Londres en septembre dernier lorsqu’Exhibit B avait été annulé au Barbican suite à une pétition qui avait récolté 23.000 signataires.

«Une communautarisation des idées qui pose question»

Pour l’historien Pascal Blanchard, spécialiste de l’Empire colonial français, la démarche n’est pas si éloignée de ceux qui ont dégonflé l’arbre de Noël en forme de jouet sexuel de Paul McCarthy ni la pétition de SOS Education contre «Zizi sexuel, l’expo». «Dans les trois cas de figure, on assiste à une communautarisation des idées où chacun défend sa morale et tente de l’imposer au reste de la société.»

Un phénomène qui prendrait de l’ampleur. Exhibit B tourne depuis quatre ans et est déjà passé au Cent Quatre l’an dernier sans provoquer le moindre remous. Dans la pétition lancée par John Mullen, Pascal Blanchard y voit l’arrivée en France d’une pensée en vogue en ce moment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. «Elle consiste à dire que ce n’est pas à un Blanc d’expliquer ce qu’est le combat des Noirs et que, même si c’est pour la bonne cause, il ne faut plus montrer une image négative du mouvement black. Cela veut dire quoi pour demain? Nous ne pourrons plus rien montrer, plus rien dire?»

Le théâtre Gérard-Philipe et le Cent-Quatre ne cèdent pas à ce jour et gardent Exhibit B à leur agenda. John Mullen aussi campe sur ses positions et invite le plus de monde possible à signer sa pétition.

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