mercredi 29 octobre 2014

On ne devrait pas mourir pour ses idées

Le week-end dernier a encore été émaillé par les manifestations contre le projet de barrage de Sivens. Cela fait plusieurs semaines que l’on en parle rapidement dans les journaux, sans trop s’appesantir sur le sujet. Jusqu’au week-end dernier, ce n’était pour moi qu’un autre combat d’alternatifs écolos, un peu comme celui contre l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ou contre le TGV Lyon-Turin. Mais le week-end dernier un jeune militant écologiste est décédé, mettant bien plus en lumière le projet du barrage de Sivens.

Ce barrage est un grand chantier mis en place depuis 2005 par le Conseil Général du Tarn. Le département souhaite créer de grandes retenues d’eau pour aider à l’irrigation de cultures intensives fortement consommatrices en eau. Car contrairement à ce qu’explique Luc Chatel, ce n’est absolument pas un projet de barrage hydroélectrique, mais bien une installation qui a pour but de venir en aide aux professions agricoles locales. Le week-end dernier, Rémi Fraisse et de nombreux autres militants écologistes engagés, étaient donc sur place pour continuer leur combat contre le début des travaux associés aux barrages. Ce combat, du peu que j’en sache, semble juste. Pour aider une agriculture non raisonnée, il faudrait mettre à mal tout un écosystème. On est loin de l’image de l’agriculteur qui sent et vit sa terre au jour le jour. On est dans l’exploitation agricole de masse, les « big company » en quête de rendement, de productivisme et de retour sur investissement. Peu leur importe de cultiver des produits locaux, adaptés au climat et aux contraintes géographiques. Dans ce sens, le combat de Rémi Fraisse est louable et doit être salué.

En parallèle, on peut s’interroger des motivations du président socialiste du département du Tarn. Pourquoi s’acharne-t-il à vouloir mettre en place ce projet ? Si en novembre 2012 une enquête publique donne un avis favorable sous réserve d’un avis scientifique favorable, tous les autres avis seront négatifs. En décembre 2013, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel rend un avis défavorable. Quelques mois plus tôt, c’était le Conseil National de la Protection de la Nature qui émettait deux avis négatifs. Cette semaine, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable publiait un rapport commandé par le Ministère de l’Ecologie, lui aussi négatif mais fataliste sur un possible arrêt du projet vu l’état d’avancement des travaux et des engagements pris. D’après ce rapport, le projet ne profiterait qu’à 40 exploitations agricoles mais couterait 8,4 millions d’euros et impacterait 34 hectares de terrain. D'après ce rapport, l'état serait incapable d'intervenir sur le projet et seul le département serait responsable.

Le week-end dernier, certains  opposants au projet ne se sont pas conduits comme de simples opposants pacifistes faisant de la résistance passive mais ont volontairement cherché le combat. D’après les récits des événements, ils ont voulu forcer l’accès aux locaux du chantier et se sont violemment opposés aux forces de l’ordre présentes. Ces dernières auraient utilisées les traditionnels gaz lacrymos et des grenades assourdissantes pour se défendre d’attaques à base de jets de pierre et de jets de cocktails molotov. C’est dans ces combats nocturnes que Rémi Fraisse serait mortellement touché.

Contrairement au Président du Conseil Général du Tarn, je ne dirais pas qu’il est stupide de mourir pour ses idées. En revanche, aujourd’hui, en France, on ne devrait plus mourir pour elles. Rémi Fraisse n’est pas une victime d’une quelconque dictature ou d’un état policier. D’ailleurs le ministre de l’Intérieur a annoncé lancer une enquête sur les conditions de sa mort et sur les conséquences à tirer (une interdiction de l’emploi de certaines grenades ?). Aujourd’hui en France, nous avons tous les moyens de discuter, de débattre. Quand certains comme le président du Conseil Général du Tarn s’entête, alors il existe la contestation du terrain comme le font depuis des mois les opposants au barrage. La violence de certains opposants ne peut pas être considérée comme une opposition respectable, mais avouons que sans celle-ci, le projet du barrage de Sivens n’aurait jamais eu une mise en avant nationale et serait resté comme un sujet ultra-local (bien plus qu’une ligne à grande vitesse entre l’Italie et la France ou qu’un aéroport international).

4 commentaires:

  1. "Aujourd’hui, en France, on ne devrait plus mourir pour elles. Rémi Fraisse n’est pas une victime d’une quelconque dictature ou d’un état policier". Vrai, dire le contraire est une hérésie.

    Aussi, prendre du recul sur ce projet, réfléchir à ce drame est le propre d'une conscience que nous devons partager. Ce projet, tout intéressant qu'il soit ne vaut pas une vie.

    Ne jamais construire sur un drame

    (@bembelly)

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    1. Oui il faut réfléchir à ce projet et renouer avec le dialogue.

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  2. "Cela fait plusieurs semaines que l’on en parle rapidement dans les journaux, sans trop s’appesantir sur le sujet"

    normal, "ils" ont viré les journalistes du site pour pouvoir raconter ce qu'ils veulent

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