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Le chercheur Robert Vachy a peut-être fait une découverte révolutionnaire. Depuis plus de vingt ans, il travaille sur un spectre de molécules, baptisé Amovir, qui a la capacité de tuer certains virus enveloppés comme ceux de l’herpès, du sida, de l’hépatite C, d’Ebola. Une recherche approuvée par le Pr Chermann, codécouvreur du virus du sida. Mais les essais cliniques nécessaires ne peuvent aboutir faute d’argent. Indifférents, les labos semblent préférer s’assurer des revenus pérennes avec les trithérapies.
Paris Match. Comment se fait-il qu’une telle découverte n’ait pas mobilisé l’industrie pharmaceutique ?
Robert Vachy. Depuis trente ans, on demande de plus en plus de preuves à la fois de l’efficacité et de l’innocuité des nouvelles molécules. On a multiplié les essais qui, la plupart du temps, sont redondants, n’apportent aucune sécurité supplémentaire, mais rendent le produit très lourd à élaborer afin de répondre aux normes de la législation internationale. On a augmenté les frais de mise au point d’un médicament, sans améliorer la connaissance des effets secondaires. Le temps nécessaire pour développer un produit s’est tellement allongé que les labos sont moins enclins à rechercher des médicaments en dehors des maladies bien connues et à fort marché. Bref, on fait de la recherche orientée par le marketing.
Si le médicament est efficace, en quoi le VIH cesserait-il d’être un marché juteux ?
On a transformé une maladie aiguë en maladie chronique. C’est rentable pour les labos, car ils apportent un confort à une population sûre. Pendant dix ou quinze ans, vous êtes assuré d’avoir un malade qui va consommer régulièrement tous les jours.
Votre découverte, que vous appelez Amovir, a été fortuite…
A l’époque, dans les années 1970, je faisais beaucoup d’alpinisme. Je fabriquais une crème solaire moi-même car je trouvais celles sur le marché inefficaces. Mes copains de cordée l’utilisaient. Certains m’ont dit : “Depuis que j’utilise ta crème, je n’ai plus jamais d’herpès en montagne.” Par acquit de conscience, je teste chacun de mes composants pour voir si, parmi ceux-là, il y a un antiviral. Je ne trouve rien. J’en déduis qu’ils ne font plus d’herpès parce que ma crème coupe les UV, facteur déclenchant bien connu des crises herpétiques ; c’est normal. Un jour, je visite une fabrique de tubes et de matières plastiques. Je leur demande : “Comment réussissez-vous à garder leur souplesse aux macromolécules (du plastique) ?” “Tu le sais, on met des antioxydants !” Je me suis dit : ce serait le comble que ce que je n’ai pas mis dans ma crème – cet antioxydant qui est un conservateur, un bactéricide, un antioxygène – ait eu cette activité antivirale en migrant de la tunique plastique du tube jusque dans la crème ! J’ai en effet trouvé des traces d’antioxydant dans mes tubes. Quand j’ai testé ces traces sur le virus de l’herpès, aucun effet. Mais, quand j’augmentais les doses d’antioxydant, j’avais un effet sérieux. Poussant plus loin mes recherches sur l’antioxydant, je tombe sur plusieurs publications américaines qui, dès 1973, confirmaient son activité antivirale, mais surtout, décrivaient son mode d’action par lyse (désintégration) de l’enveloppe virale. Non seulement son mode d’action était connu, mais il avait même été déterminé. Et personne ne s’en servait. J’ai eu l’idée de développer ce filon.
Aucun médicament à l’heure actuelle n’utilise cet antioxydant ?
On s’en sert comme conservateur à des doses infimes pour les huiles, le beurre, les plastiques, les pneumatiques, les crèmes…
Dans vos molécules, l’antioxydant est présent en plus grande quantité ?
Oui. C’est pour cela que j’ai besoin d’en faire un médicament qui réponde aux normes législatives. Il passe par quatre phases : la phase préclinique ; la phase I sur l’animal ; puis la phase II où l’on commence à faire des études sur l’homme sain ; et la phase III, grande phase clinique sur l’homme malade. Entre le début et la fin, il peut s’écouler entre huit et douze ans, et ça peut coûter entre 800 millions et 1 à 2 milliards d’euros. Vous ne commencez à avoir une sécurité pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) qu’en fin de phase II. A ce stade, les grands groupes sont prêts à vous l’acheter. Je n’en suis pas là.
Pourquoi avoir abandonné vos recherches en 1990 ?
J’étais sur le point d’obtenir l’AMM pour ma crème antiherpétique, mais mon actionnaire principal dans l’étude a fait faillite. Je n’avais plus d’argent pour la finir. J’avais déjà des idées pour le reste (VIH, grippe, hépatites…) mais j’étais découragé. J’ai eu des problèmes de santé et je me suis mis à la retraite. J’en avais marre. J’ai laissé tomber. Finalement, ce sont des amis qui m’ont remis en selle. “Il faut que tu reprennes tes recherches. Sinon, on t’attaque pour non-assistance à personne en danger !” ont-ils plaisanté. J’étais en meilleure santé. Je me suis relancé à partir de 2004. J’ai récupéré 1 million d’euros. Il m’aurait fallu 1 million par an, sur dix ans ! Mes études n’en finissaient pas, faute d’argent : ce que j’aurais dû faire en deux ans m’a pris dix ans. J’ai fait appel aux banques spécialisées d’Etat dédiées aux fonds pour la recherche. Je n’ai jamais eu de réponse.
Vous n’avez pas publié votre découverte ?
Non, mais j’ai déposé beaucoup de brevets. Je ne veux écrire que ce dont je suis sûr. Et ce dont je suis sûr, je le sais depuis quatre ou cinq ans. Depuis, j’ai tout axé sur mes recherches. Je n’avais pas non plus envie de me trouver dépouillé de mes travaux. Aujourd’hui, j’en ai marre et je m’en fous. Je suis sûr que ça marche ! Et, si ce n’est pas moi qui le fais, ce sera quelqu’un d’autre. Aucune importance.
Quel est le mécanisme d’action de vos molécules ?
Le virus qui sort de la cellule constitue sa propre enveloppe virale en utilisant le matériau de la membrane cellulaire. Non seulement mes molécules détruisent l’enveloppe virale mais elles protègent la membrane cellulaire. Pourquoi ? Je ne le sais pas encore. Ce que je sais, c’est comment fabriquer des molécules actives sur l’enveloppe virale. A chaque fois que je fais la synthèse d’une nouvelle molécule, elle est active sur le VIH, sur l’herpès et sur la grippe. La même molécule ! Ça prouve bien que je détruis seulement l’enveloppe virale. Le très gros avantage de mon système révolutionnaire, c’est que ce n’est pas un virustatique limitant la prolifération (trithérapie) mais un virucide ou, comme je l’appelle pour signifier la différence, un “virocide”. Il entraîne la mort du virus, qui est un parasite total, incapable par lui-même de forger sa propre substance. S’il n’entre pas dans une cellule qui assure son développement, il meurt. Le virus, une fois dans la cellule, va détourner à son profit tout le métabolisme de celle-ci pour constituer sa propre substance. Cela nécessite plusieurs étapes. Il faut d’abord qu’il réussisse à fixer son enveloppe à la membrane cellulaire. Ensuite, il y a fusion. Le virus peut alors traverser le cytoplasme de la cellule jusqu’à être intégré dans son génome. Là, c’est la cellule qui va se mettre à produire les substances nécessaires pour que le virus se développe. Les médicaments actuels bloquent le métabolisme du virus, mais perturbent par là même celui de la cellule qui nourrit ce virus. C’est ce qui explique l’importance des effets secondaires de ces virustatiques qui ne font pas le détail entre le métabolisme de la cellule et celui du virus.
Le virus s’adapte en permanence aux attaques ?
Oui, à mesure qu’on utilise un médicament, le virus s’efforce de détourner le risque d’être pris sous la fusillade de cet antimétabolique ; il cherche un autre système : on lui bloque la porte, il entre par la fenêtre. Alors, il mute. Constamment. Il faut sans cesse trouver un autre médicament. La liste des antirétroviraux est affolante. On est parfois obligé de multiplier les médicaments.
Le gros avantage de votre technique est que le virus (ayant perdu son enveloppe) ne peut plus entrer dans la cellule…
Oui, il meurt, il est phagocyté. Et, si nous l’associons aux antirétroviraux actuels, nous aurions une chance d’aller vers une éradication de la maladie. On voit bien sous IRM que l’on détruit ou que l’on ramollit l’enveloppe virale. Or c’est dans l’enveloppe virale que se trouve tout le nécessaire au virus pour se diriger vers les cibles de la membrane cellulaire. S’il n’a plus d’enveloppe, il n’a plus de navigation ni de harpons pour s’accrocher à la membrane. On pourrait dire que c’est une nouvelle voie qui est aux virus ce que la pénicilline a été aux bactéries.
En revanche, une fois le virus entré dans la cellule, il a sa propre vie…
Et là, je ne peux plus rien faire. Mais, si on l’associe aux antirétroviraux, ceux-ci auront des quantités moindres de virus à juguler : vous allez donc diminuer considérablement la charge virale dans le sang. In vitro, une très faible dose de mes molécules potentialise à ce point l’AZT (virustatique) que l’on abaisse entre cinquante et cent fois la dose d’AZT pour bloquer la réplication. L’association avec les antirétroviraux actuels, AZT et autres, fait qu’on aurait de grandes chances d’éradiquer la maladie au bout de quelque temps.
En 1995, l’Institut Pasteur a testé, in vitro, vos molécules sur le VIH. L’action virucide a été confirmée. Mais Pasteur parle aujourd’hui d’une “action désinfectante”, la comparant à celle de l’eau de Javel.
Je ne pense pas que le Pr Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine, qui a en effet testé deux de mes molécules (AVF1 et BG4), ait pu répondre pareille énormité. L’eau de Javel est un excellent désinfectant ; rien ne lui résiste en effet, pas même les cellules, support de la culture du virus. Dans les tests de Pasteur, les cellules ont survécu. Sinon, impossible de constater l’action de mon produit qui ne tue que le virus.
Vous ne craignez pas de donner de faux espoirs ?
Nous sommes sûrs de l’activité virocide, mais nous ne pourrons crier victoire qu’après avoir rempli les conditions exigées par la législation pharmaceutique pour obtenir une AMM.
De combien d’argent avez-vous besoin aujourd’hui ?
Pour arriver en phase II en visant le plus urgent – le VIH – et entamer une étude clinique sur l’homme : de 4 à 5 millions d’euros. Mais, avec 15 millions, étalés sur quatre ans, j’aurais au moins quatre “candidats médicaments” pour quatre indications majeures : le VIH, les hépatites, la grippe et l’herpès. Nos chances de succès sont grandes. Ce qui m’autorise à vous le dire, c’est que l’une des molécules brevetées, qui se réclame du même mécanisme d’action, a déjà franchi l’étape d’essai clinique chez l’homme dans l’herpès, autre virus enveloppé. Ces produits seraient probablement actifs sur d’autres infections comme la dengue, le chikungunya et l’Ebola. Mon équipe est prête et on sait que l’on peut travailler avec les centres de recherche comme celui que dirige le biologiste Patrick Curmi, de l’Inserm. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls dans cet axe de recherche. Un laboratoire en Californie travaille aussi sur la membrane virale.
Si vos recherches aboutissent, quel serait le timing ?
Cela est consigné dans un tableau précis, trimestre par trimestre, étalé sur quatre ans. Dès aujourd’hui, avec cette molécule antiherpétique dont je vous parlais (active également sur le virus de la grippe, comme nous l’avons constaté expérimentalement sur l’œuf embryonné de poule), nous pourrions extrapoler nos essais sur l’Ebola, lui aussi virus enveloppé. J’aurais aimé vérifier cette hypothèse sur Ebola par un essai in vitro. Sollicité à plusieurs reprises depuis le mois d’août, le laboratoire de Pasteur-Mérieux de Lyon est surchargé et n’a pas pu répondre encore à ma demande.
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Qui est Robert Vachy ?A 82 ans, ce retraité de l'industrie pharmaceutique est un chercheur-inventeur né. Formé en médecine, en chimie organique et en marketing/gestion, il se décrit lui-même comme un « self-made-man ». Visiteur médical au début de sa carrière, en 1958, chez Sandoz, il devient directeur des Recherches cliniques, puis directeur de l’Innovation et Fondé de pouvoir des fameux laboratoires suisses. Spécialisé en recherche et développement, il est à l’origine de plusieurs produits qui ont participé à l’expansion de la filiale française de Sandoz. Inventeur d’un dispositif de sécurité hydraulique, il participe au succès, en 1975, d’une société innovante de grues automobiles.
En 1980, il crée les laboratoires Gresval avec son épouse, et commercialise de nombreuses spécialités dermo-cosmétiques à base de plantes médicinales et d’eau thermale, soit prescrites par les dermatologues et les gynécologues, soit vendues clés en main à des sociétés pharmaceutiques ou cosmétiques. Parallèlement, il dépose des brevets sur ses fameuses molécules antivirales. A partir de 1999, il prend sa retraite mais reste actif en tant qu’inventeur indépendant (conception galénique). En dépit de l’âge et des difficultés, c’est à partir de 2004 qu’il reprend les recherches sur son projet Amovir (création de start-up et dépôts de nouveaux brevets sur les molécules anti-VIH).
Les Pr Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann ont testé la molécule anti-VIH de Robert Vachy. Voici leur expertise.