Pour la première fois, un témoignage vient éclairer les étranges arrangements financiers qui ont eu cours pendant des années entre les centristes et l’UMP au Sénat, sur lesquels deux juges parisiens enquêtent depuis plus d’un an. Ces révélations proviennent d’un homme, méconnu du grand public, mais qui occupe depuis trente ans un poste de choix au Sénat.
Historien de formation, François Thual travaille pour le groupe centriste dont il fut d’abord conseiller, puis secrétaire général adjoint. En 2002, lorsque la droite décide de fonder une grande famille, il devient conseiller du groupe UMP. Ces fonctions de l’ombre offrent à ceux qui les occupent un observatoire privilégié sur le fonctionnement interne des groupes politiques.
Cette petite cuisine est précisément au cœur de l’enquête judiciaire. Il y est question de détournements de fonds, d’abus de confiance, de retraits d’argent en liquide. Longuement auditionné par les policiers de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) en mars 2013, François Thual revient en exclusivité pour Le Monde sur les pratiques dont il a été témoin.
L’une des questions qui taraudent les juges est de savoir pourquoi, entre les mois de décembre 2009 et mars 2012, l’Union républicaine du Sénat (URS), l’une des composantes de la famille centriste, a versé quelque 210 000 euros en chèques à une trentaine de ses sénateurs. Une autre, plus troublante, concerne des sommes d’argent liquide – quelque 113 000 euros selon Le Parisien – retirées d’un des comptes de l’URS, le compte des sénateurs centristes. L’enquête des juges porte sur trois années. Mais, selon François Thual, ces agissements sont bien plus anciens.
Des mouvements qui intriguent Tracfin
L’association des élus centristes est financée par le groupe UMP du Sénat. Mais les circuits financiers ne sont visiblement pas à sens unique. Pendant douze ans, « jusqu’à cet été, confie François Thual, j’allais tous les mois, ou presque, retirer entre 5 000 et 6 000 euros en liquide de l’un des comptes de l’URS, et je les remettais au trésorier du groupe UMP du Sénat, Jean-Claude Carle » – lequel n’a jamais répondu aux sollicitations du Monde.
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