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Santé

Quel impact a vraiment eu le scandale des pilules de 3e et 4e génération ?

Le scandale de 2013 sur les pilules aurait permis de diminuer le nombre d'embolies pulmonaires. Mais pourrait avoir causé de nombreuses IVG. Décryptage et bilan.
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Quel impact a vraiment eu le scandale des pilules de 3e et 4e génération ?
l'année 2013 a été marquée par le haro sur les pilules de 3e et 4e génération, suite au dépôt de plainte en décembre 2012 d'une jeune femme lourdement handicapée, Marion Larat. Quelles en ont été les conséquences ?
SERGE POUZET/SIPA

Les scandales sanitaires se suivent et malheureusement se ressemblent. D'abord le Médiator, puis les statines. Un livre choc publié en février 2013 incriminent ces dernières. Branle-bas de combat : les patients s'inquiètent, les autorités réagissent (plus ou moins rapidement) et de nouvelles recommandations sont éditées. Au passage, la crédibilité des prescripteurs est quelque peu écornée et un soulèvement de cardiologues soulignent les conséquences sanitaires de l'alerte. Difficile donc de faire la part des choses.

PILULES. Mais l'année 2013 a été également marquée par le haro sur les pilules de 3e et 4e génération, suite au dépôt de plainte en décembre 2012 d'une jeune femme lourdement handicapée, Marion Larat. Elle accuse la pilule de troisième génération Meliane®, fabriquée par le laboratoire Bayer, d'avoir provoqué son accident vasculaire cérébral.

L'histoire parle, la presse relaie largement, les recommandations sont revues (plus ou moins rapidement), la confiance dans le système de santé en reprend un coup. Un an après, où en est-on ?

341 cas d'embolies pulmonaires évités en 1 ans...

Jeudi 6 novembre 2014, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Dominique Martin, a communiqué lors d'une rencontre avec la presse les résultats d'une étude réalisée par le service d'épidémiologie de l'Agence. Selon lui, les changements de comportements faisant suite à l'affaire auraient entraîné une diminution significative du nombre d'embolies pulmonaires. Plus exactement, chez les femmes de 15 à 49 ans, entre 2012 et 2013, le nombre d'hospitalisations pour embolie pulmonaire a baissé de 11,2%, passant de 3.045 à 2.704 (soit 341 cas "évités"). "Ces chiffres sont en accord avec les modélisations de l'ANSM qui estimait à près de 10 % la réduction théorique attendue", a précisé M. Martin.

À CONFIRMER. Un impact positif donc. Reste que l'étude n'est pas encore publiée et qu'il est difficile pour l'heure d'en évaluer la méthodologie. Elle se base sur les chiffres du Programme de médicalisation des systèmes d'information de Médecine-Chirurgie-Obstétrique (PMSI-MCO) qui évoqueraient une baisse significative du nombre d'hospitalisations pour embolie pulmonaire chez les femmes en âge de procréer.

Cette diminution est également constatée chez les hommes et chez les femmes plus âgées, mais elle est moins importante. Ce qui permet aux auteurs d'en conclure qu'elle est liée aux changements de contraception, sans toutefois que ce lien ne soit scientifiquement établi. En effet, alors qu'en 2013, les pilules de 3e et 4e génération représentaient 50% des ventes de contraceptifs oraux, les pilules de 1ère et 2e génération représente désormais 75 % des ventes. Mais, on le sait, les données sont toujours plus compliquées à interpréter qu'il n'y paraît...

La baisse pourrait être imputable à l'inversion des ventes, à un changement de prescription des gynécologues, une évolution des comportements avec une prise de conscience des facteurs de risque (comme le tabagisme)...

... et près de 100 IVG en 3 mois

Mais l'affaire pourrait également avoir eu d'autres retentissements. Les conclusions ont fait moins de bruit, mais une équipe de médecins français a publié fin septembre 2014 une "Enquête concernant le retentissement des alertes médiatiques sur la pilule" dans le Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction. Il s'agit d'un travail prospectif évaluant le nombre de femmes ayant demandé une interruption volontaire de grossesse (IVG) et qui déclaraient spontanément que cela était survenu suite à un arrêt de leur contraception orale parce qu'elles avaient eu peur des informations véhiculées dans les médias.

IVG. Onze centres ont répondu, ce qui a représenté 2.300 IVG entre le 18 février 2013 et le 30 avril 2013. Parmi elles, 98 (4,2 %) ont été directement imputées à l'arrêt de la pilule (de 2e génération dans 7 cas, de 3e génération dans 17 cas, de 4e génération dans 32 cas et microprogestative dans 2 cas). Et cela bien que le ministère de la Santé ait demandé en janvier 2013 aux femmes "de ne pas paniquer et de ne pas interrompre totalement leur contraception".

À noter que plus d'un quart des demandes dans l'étude était lié à un arrêt intempestif de Diane35®. La pilule avait fait l'objet d'un arrêt de commercialisation en janvier 2013 pour le mois de mai 2013, pour être ré-autorisée en juillet de la même année suite à une décision de la Commission européenne.

Les auteurs précisent que la méthodologie possède certaines limites, notamment parce qu'il s'agit d'une enquête non exhaustive, basée sur des déclarations. Par ailleurs, les résultats ont pu être sous-estimés car certains centres étaient en cours de déménagement ou de ré-organisation. Mais l'étude a le mérite de mettre en exergue certains aspects négligés des "scandales sanitaires".

"On sait que la communication dans les médias au sujet de la contraception peut avoir des vertus mais il ne faut pas négliger les possibles évènements délétères que cela peut entraîner", écrivent-ils.

En outre, les auteurs posent certaines questions tout à fait intéressantes sur les raisons et conditions de l'arrêt : "Avaient-elles cherché à entrer en contact avec leur médecin ? Attendaient-elles leur rendez-vous pour une nouvelle prescription ou pour être rassurées ?" En effet, si ces questions étaient résolues, cela pourrait enclencher un autre système de gestion des scandales sanitaires efficace. De là à enrayer l'anxiété générée et la perte de confiance envers le prescripteur, la route est encore longue.

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