PRESIDENCE DE L'UMP - "Voilà notre France. Ce n'est pas pour nous, ce n'est pas pour un parti, c'est pour elle que nous allons nous battre". Sachez-le, ceci n'était pas la conclusion d'un discours présidentiel mais celui d'un candidat à la présidence d'une formation politique dont il n'a jamais cité le nom.
Alors que l'entourage de Nicolas Sarkozy proclamait partout qu'il allait profiter de son grand meeting parisien pour révéler enfin les contours du nouveau parti qu'il veut bâtir sur les ruines de l'UMP, c'est un discours empreint de lyrisme et très éloigné des contingences pratiques de la vie partisane qu'a finalement livré le concurrent de Bruno Le Maire et Hervé Mariton.
Les quelque 3000 adhérents et partisans qui avaient fait le déplacement Porte de Versailles n'en sauront pas beaucoup plus que ce qu'ils avaient déjà lu dans la presse sur le "rassemblement du XXIe siècle" promis par Nicolas Sarkozy. Ce vendredi soir, l'ancien maire de Neuilly visait l'Elysée davantage que le siège de la rue de Vaugirard. Et pourtant s'agissant de 2017, le candidat de la rupture a joué sur les mots: "Chaque chose en son temps".
Un "éternel recommencement de l'Histoire"
Cette campagne deux en un, que voulait à tout prix éviter Henri Guaino, l'auteur du discours de ce soir, explique pour beaucoup les paradoxes idéologiques et stratégiques du retour de Nicolas Sarkozy. A commencer par cet "éternel recommencement de l'Histoire" évoqué par l'ancien président lui-même. Lui qui, à dix ans d'intervalle, brigue la présidence du même parti en utilisant les mêmes promesses de renouvellement.
Paradoxe encore que cet éloge de la courtoisie et ces paroles d'apaisement adressées à sa famille politique alors que ses injures visant ses propres amis fuitent quotidiennement dans la presse.
Paradoxe toujours que cette promesse de rompre avec la "politicaille" sous les applaudissements de ses proches poursuivis par la justice, Patrick Balkany et Claude Guéant en tête.
Paradoxe enfin que cette volonté de bâtir une nouvelle formation sur le "refus du mensonge" pour "réconcilier les Français avec la politique" alors que pas une fois n'a été évoquée l'affaire Bygmalion qui ronge l'UMP de l'intérieur.
Une République laïque et chrétienne, généreuse mais pas pour tous
Entre Patrick Buisson, chantre de la nation "éternelle" contre le mondialisme, et Henri Guaino, gaulliste nostalgique, Nicolas Sarkozy n'a toujours pas choisi. Ce qui ne fait qu'accroître le flou autour de son positionnement idéologique. Qui faut-il croire entre le candidat qui surfe sur "la peur de se sentir un jour étranger dans son propre pays" et le promoteur du "miracle français" et partisan de "l'ouverture de la France au monde"?
Paradoxe toujours. Alors que l'UMP n'a jamais été aussi à droite, voilà que l'ancien président propose d'abandonner les clivages partisans pour "construire le parti de la France". Ignore-t-il alors que ce titre a été déposé par des dissidents du Front national qui contestaient la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen? C'est justement pour contrer la présidente du parti d'extrême droite que Nicolas Sarkozy s'est aussi vigoureusement réapproprié le thème de la République. Un mot prononcé plus de 80 fois sans pour autant, là encore, éviter les contradictions et les récupérations.
Laïque et méfiante à l'égard des religions, la République de Nicolas Sarkozy revendique pourtant "l'héritage de la Chrétienté". Solidaire avec les plus modestes, la République de Nicolas Sarkozy est pourtant "incompatible avec l'assistanat", ce "cancer" pointé du doigt par Laurent Wauquiez. Bienveillante, la République de Nicolas Sarkozy "ne refuse pas de soigner quelqu'un parce qu'il est pauvre", même si lui pourfend à longueur de meetings l'aide médicale d'Etat (AME) accordée sous conditions aux étrangers.
Le grand oubli d'une victoire annoncée
Ces paradoxes en pagaille gêneront-ils la réélection de celui qui n'a plus cessé de diriger la droite depuis une décennie? L'affluence et la vigueur des "Nicolas président" scandés avec enthousiasme laissent peu de place au doute. "Les adhérents veulent avant tout un leader qui insuffle de l'enthousiasme et de l'énergie", prévenait le patron (filloniste) de la fédération UMP de Paris Philippe Goujon en introduisant l'ancien président.
On imagine mal pourtant Nicolas Sarkozy rééditer son exploit de 2004 lorsqu'il avait conquis son parti avec 85% des voix alors que les trois quarts des Français jugent son retour raté. Bruno Le Maire, son concurrent le plus sérieux, affirme que lui seul saura mettre "l'UMP au travail". Dans les travées du Parc des Expos justement, personne ou presque n'a relevé que l'ancien président n'a jamais prononcé le seul mot qui hante véritablement la France: le chômage. Ce véritable cancer français responsable de l'impopularité historique du pouvoir actuel et qui coûta sa réélection à Nicolas Sarkozy. Paradoxal, non?