Johnny Hallyday : “Le manque de père a hanté ma vie”

Un nouvel album, deux nouveaux spectacles et un retour aux sources du rock. Johnny Hallyday est l'invité de “Télérama” cette semaine. En voici un aperçu.

Par Hugo Cassavetti

Publié le 28 octobre 2014 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h21

Nul besoin d’aimer l’intégralité de sa discographie pléthorique pour s’intéresser à l’homme. Et difficile de ne pas être touché par sa candeur, sa franchise, sa sincérité. Il sort un nouvel album, Rester vivant, s'installe à Bercy avec Jacques Dutronc et Eddy Mitchell du 5 au 10 novembre et prépare une tournée en 2015. Johnny Hallyday nous a reçu à Los Angeles. Il est l'invité de Télérama cette semaine.

Sorti du coma, le retour aux sources

« Longtemps, surtout chez Universal, j’ai été poussé à faire des disques dont la seule finalité était le potentiel commercial. Ça m’a moralement anéanti. Je ne veux pas être catalogué chanteur de variétés. C’est tout ce que je ne suis pas. A mon âge, j’ai décidé de revenir à ce que j’aime depuis toujours : le rock. Fini les compromis. C’est le seul moyen d’être heureux. Rien de cela n’était clair dans ma tête jusqu’à mon accident, il y a cinq ans. J’ai passé trois semaines dans le coma. A mon réveil, quelque chose a basculé. Et j’ai fait le ménage dans mon entourage. J’ai toujours un doute sur tous ces gens qui gravitent autour de moi. »

La vie à Londres, un drame familial

Abandonné par ses parents, le petit Jean-Philippe Smet est élevé par sa tante Hélène et ses cousines Menen et Desta.

« Vers l’âge de 4, 5 ans, je vivais à Londres dans une pension de famille, parce que Desta et Menen avaient été engagées à l’Opéra là-bas. C’est là que j’ai rencontré Lee Ketcham, un Américain aux allures de cow-boy, qui avait pris comme nom de scène Halliday [avec un i, NDLR]. Il me fascinait. Lui jouait dans la comédie musicale Oklahoma. Avec les filles, Lee a monté un numéro de danse acrobatique. Jusqu’à ce que Menen file avec un chorégraphe noir, Fleming, qu’elle aimait. Elle s’est suicidée, parce que c’était mal vu. Je n’ai jamais compris le racisme. »

Son père, « alcoolique, séducteur, incontrôlable »

« De lui, je n’ai connu que les pires aspects. L’abandon petit, puis les factures ou les frais d’hôpitaux à régler, la déchéance. On le trouvait ivre mort, écroulé au milieu de la rue. C’était dur, douloureux de n’avoir que ça de lui. Le manque de père a hanté ma vie. Jusqu’à sa mort, en 1989, à Bruxelles. Je ne souhaite à personne de finir ainsi. A son enterrement, j’étais seul. Pas une femme qui l’aurait aimé, pas un ami. Juste moi, son fils, qui ne l’avais pas connu. J’étais confronté à la solitude absolue : celle non pas de vivre seul, mais de mourir seul. »

Sur Bob Dylan, « génial, mais bizarre »

« En 1966, je vivais à Neuilly. Dylan passait à l’Olympia et logeait au George-V. En coulisse, il me dit que trop de gens l’emmerdent à l’hôtel et me demande s’il peut habiter chez moi. Et le voilà qui débarque avec, sous le bras, sa discographie complète. Il n’a fait que ça : écouter ses propres disques. Toutes les nuits. Quand je me levais, il allait se coucher. Le soir, il partait chanter à l’Olympia. Puis il rentrait et se mettait à réécouter ses disques. Un matin, je me suis levé, il n’était plus là, disparu sans dire merci, et je ne l’ai plus revu. »

Au bordel avec Jacques Brel

Dans les années 1970, l'auteur du Plat Pays pilote un petit avion avec lequel il vient débaucher Johnny, en pleine tournée.

« A 9 heures du matin, autant dire l’aube pour un couche-tard comme moi, il me réveillait pour m’emmener déjeuner puis me ramenait au spectacle, attendait la fin pour m’embarquer à nouveau, cette fois dans un bordel. Il ne touchait jamais aux filles, mais, dans tous les bordels de France, les filles connaissaient bien Jacques. Il leur offrait le champagne, buvait avec elles. Ensuite, de retour à l’hôtel, on sifflait des bières. Jusqu’à ce que, écroulé de fatigue, j’aille me coucher. Mais, dès 9 heures du mat, le téléphone sonnait de nouveau et je l’entendais hurler : “T’es levé ? Allez, on décolle !” Et c’était reparti… Au bout d’une semaine, j’étais lessivé. »

Monument national

« Etre Johnny Hallyday, c’est un métier. Je le fais sérieusement, en essayant de mon mieux de faire plaisir aux gens. Mais quand je ne travaille pas, je suis Jean-Philippe Smet. J’ai appris à dissocier les deux, même si j’ai mis longtemps. Je suis discret de nature, pudique, je n’aime pas parler de moi. Tout ce que je sais, c’est que je ne pourrais pas chanter avec autant de conviction si je n’avais pas vécu cette vie-là. »

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