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Harcèlement et parachutage : le cas d’une directrice de FRAC crée le malaise

Hilde Teerlinck est imposée par le ministère de la culture à la tête de l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges… qui refuse de l’accueillir.

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Publié le 14 novembre 2014 à 18h17, modifié le 08 janvier 2018 à 18h31

Temps de Lecture 5 min.

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Après le Centre Pompidou ou le Musée Picasso, c’est une institution culturelle plus discrète qui est secouée par des accusations de harcèlement au travail : la « Cathédrale », c’est-à-dire le fonds régional d’art contemporain (FRAC) Nord-Pas-de-Calais, qui a déménagé de Lille à Dunkerque il y a un an. Rien ne va plus, en effet, pour Hilde Teerlinck, qui a quitté ses fonctions à la direction du FRAC dans un climat délétère, le 15 septembre, pour se voir imposer par le ministère de la culture à la tête de l’Ecole nationale supérieure d’art (ENSA) de Bourges… école qui refuse de l’accueillir.

Après huit années passées à la tête de l’institution nordique, le bilan de la directrice, commissaire d’exposition et critique d’art belge de 48 ans, est accablant, à en croire le « protocole d'accord transactionnel » établi entre le FRAC et l’intéressée au moment de son départ. Ce document confidentiel a été révélé et mis en ligne le 8 novembre par La Voix du Nord : « Depuis septembre 2006, le FRAC est confronté à des problèmes récurrents de souffrances au travail : il a été constaté un nombre important de démissions (quinze départs depuis 2006), et des arrêts de travail conséquents. Plusieurs salariés ont mis en cause le comportement de Madame Hilde Teerlinck et dénoncé une situation de harcèlement moral. »

Licenciement pour faute grave

La Voix du Nord évoque « des salariés minés par le sentiment d’avoir été abandonnés par le conseil d’administration du FRAC », notamment composé des représentants de l’Etat, des élus de la région, de la communauté urbaine et de la ville. Selon le document mis en ligne, des salariés avaient adressé, en mars 2013, un « courrier d’alerte » au vice-président du FRAC, Michel Delebarre, alors maire (PS) de la ville, pour dénoncer leurs difficultés avec la directrice du lieu. Un an plus tard, trois salariés ont finalement saisi le conseil des prud’hommes de Dunkerque, rappelle le quotidien nordiste. Dans la foulée, « au vu du risque évident de dépôt d’une plainte pénale à son encontre », dit le document, le FRAC a finalement informé sa directrice qu’il allait procéder à son licenciement « pour faute grave pour manquement à ses obligations contractuelles ».

Outre des relations professionnelles viciées, La Voix du Nord pointe également « un contrat frappé d’une suspicion d’abus de confiance, passé entre la directrice et une société de conseil en management ». Fragilisée par un audit au sein de la FRAC commandé par la structure à la suite des dysfonctionnements dénoncés par les salariés, explique le journal, la professionnelle aurait fait appel à l’entreprise chargée de cet audit pour lui commander des services de coaching personnalisé. Un contentieux découvert par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) en 2011.

« Egos surdimensionnés »

« On assiste actuellement à un règlement de comptes un peu sale », a confié un ancien collaborateur du FRAC au Monde.fr. Selon lui, « dans cette affaire, il y a du vrai et il y a du faux. Par exemple, toutes les démissions ne lui sont pas imputées. Il y a d’autres égos surdimensionnés dans l’équipe et beaucoup de rumeurs », détaille ce professionnel, pour qui l’ancienne directrice « n’a pas su gérer son équipe car elle ne met pas de limites entre vie professionnelle et vie privée, elle ne respecte pas ça. Mais, nuance-t-il, on ne tire pas assez sur un conseil d’administration qui a laissé la situation pourrir : on ne maintient pas quelqu’un en place pendant huit ans dans un tel climat, d’autant qu’elle-même cherchait à partir... »

Face à l’annonce de son licenciement, la directrice du FRAC a, pour sa part, formellement contesté des allégations qu’elle a jugées « fantaisistes », dit encore le document publié par La Voix du Nord. Et riposté en annonçant qu’elle allait à son tour saisir les prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et divers défauts d’indemnisations. A l’issue de ce bras de fer, et sous réserve d'un devoir de discrétion, les deux parties ont finalement convenu d’une rupture conventionnelle. La responsable a obtenu au passage des indemnités s'élevant à plus de 55 000 euros, précise encore le document.

« Situation explosive »

Elle a également obtenu du ministère un nouveau poste à l’Ecole nationale supérieure d’art (ENSA) de Bourges (Cher), parachutage qui a immédiatement créé une nouvelle polémique. Des attaques violentes la mettant en cause ont notamment été publiées (puis dépubliées) sur la page Wikipédia de l’école début septembre. Le 10 septembre, le conseil d’administration de l’école, dont l’avis n’est que consultatif, a rejeté cette nomination.

Mercredi 12 novembre, douze enseignants de l’école ont envoyé une lettre ouverte au ministère pour demander « l’annulation immédiate de la procédure de recrutement et la mise en place rapide d’un prochain concours ».

« Bourges est une excellente école des Beaux-Arts, très polyvalente, avec une formidable équipe. Nous avons simplement besoin de quelqu’un d’apte à la porter », a confié au Monde.fr un des signataires. Depuis le départ de son directeur, arrivé en fin de mandat en juin, l’école en est à sa troisième direction par intérim. « Nous sommes mêlés à quelque chose qui ne nous regarde pas. On ne peut pas mettre l’école en danger comme ça. Nous n’avons rien contre Mme Teerlinck, mais il y a eu trop de retours négatifs et convergents. La situation est devenue explosive », explique l’enseignant, qui affirme avoir reçu de nombreux soutiens.

« Monarchie »

« Le ministère continue de fonctionner comme une monarchie, mais les choses vont trop loin, tout le monde est choqué », poursuit le professionnel. Dans un article mis en ligne le 13 novembre, Paris-art.com va dans le même sens : « Au-delà de soulever la réelle question de la non consultation des personnels dans la désignation d'un dirigeant – cas propre à la France –, cette affaire met en lumière le jeu de chaises musicales qui semble décider des nominations institutionnelles. » Selon le site, le ministère prévoierait de nommer la professionnelle « pour un an, avant de partir vers un autre poste, conformément à une logique de réseaux fondée sur l'éphémère et la recherche de l'opportunité ».

« Le projet pédagogique qu’elle a présenté, qui tenait sur deux pages, était absolument indigent, témoigne encore l’enseignant de l’ENSA. Elle ne comprend aucune des problématiques de cette école, qui ne semble pas vraiment l’intéresser, et nous avons le sentiment de n’être qu’un simple lot de consolation. Nous sommes en colère face au mépris du ministère. Notre cas devient emblématique de ceux que traversent les écoles d'art aujourd'hui. »

Alors que la nomination n’a toujours pas été signée, la situation semble désormais bloquée.

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