Rapport : pourquoi ces jeunes sont attirés par le Jihad

Rapport : pourquoi ces jeunes sont attirés par le Jihad

    Des candidats au jihad recrutés dans des milieux très divers, un embrigadement par internet voire des jeux vidéo qui s'est affiné et individualisé : alors qu'un Français a été identifié parmi les bourreaux du groupe Etat Islamique, un rapport met en lumière l'impact des «nouveaux discours terroristes». Pour établir ce document de 90 pages, le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI) a travaillé sur les données concernant les 160 familles qui l'ont contacté depuis février.

    «Durant nos études précédentes, et notamment Désamorcer l'islam radical (paru en février aux éditions de l'Atelier, NDLR), il apparaissait clairement que le discours de l'islam radical touchait prioritairement des jeunes fragilisés sur le plan social et familial. Aujourd'hui, ce discours arrive à faire autorité sur des jeunes de familles très diverses», écrit la directrice du CPDSI et anthropologue du fait religieux Dounia Bouzar, coauteure du rapport avec l'ancien négociateur du Raid Christophe Caupenne et le professionnel de l'éducation Sulaymân Valsan.

    Parmi les familles ayant appelé le centre pour faire échec à l'endoctrinement d'un enfant et à son départ vers la Syrie et l'Irak, 80% se déclarent athées, et seules 10% comportent un grand-parent immigré, selon cette étude. Les classes moyennes sont majoritaires (67%), et les milieux populaires (16%) ne sont pas plus représentés que les catégories socioprofessionnelles supérieures (17%).

    Les 15-21 ans sont la tranche d'âge la plus touchée (63%) et seuls 5% des jeunes étudiés ont commis des actes de petite délinquance. En revanche, 40% d'entre eux ont connu la dépression, ce qui amène les auteurs à émettre «l'hypothèse que l'endoctrinement fonctionne plus facilement sur des jeunes hyper sensibles, qui se posent des questions sur le sens de leur vie».

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    Internet, le mode d'endoctrinement privilégié

    Internet est le mode d'endoctrinement repéré dans 91% des cas, notamment avec des vidéos en ligne et des groupes Facebook invitant à lutter, par l'islam, contre le «complot» de sociétés secrètes. Le passage par la mosquée n'est en revanche «pas systématique», et les relations à l'islam semblent «à géométrie variable selon les rabatteurs et les réseaux».

    La radicalisation ne se repère d'ailleurs pas forcément par une visibilité religieuse, mais par des ruptures avec les amis, les loisirs, l'école ou l'apprentissage, mais aussi les parents dont l'autorité s'efface au profit du groupe. Le rapport décrit ensuite un recul des «identités individuelles» passant par l'adoption du vêtement long pour les femmes (jilbab laissant le visage à découvert ou niqab l'occultant), le changement de nom pour les hommes.

    «Les nouveaux discours terroristes ont affiné leurs techniques d'embrigadement en maîtrisant l'outil internet, à tel point qu'ils arrivent à proposer une individualisation de l'offre qui peut parler à des jeunes tout à fait différents», soulignent les auteurs. Ils ont mis au jour «cinq mythes» efficaces : le modèle du «chevalier héroïque» qui fonctionne auprès des garçons, le départ au nom d'«une cause humanitaire» prisé par de jeunes filles mineures, le «porteur d'eau» désignant ceux qui cherchent un leader, la référence au jeu vidéo de guerre «Call of duty» pour les jeunes gens qui souhaitent combattre, ou encore la quête de toute puissance attirant des personnes «sans limites».

    Le rapport insiste sur l'impact de vidéos utilisant des images subliminales, postées en particulier par le recruteur Omar Omsen lié au front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda. Dans ce cas, une participation virtuelle du jeune à travers le jeu vidéo «Assassin's Creed» a pu favoriser ensuite «le départ pour une confrontation réelle», notent les auteurs.

    Dounia Bouzar reconnaît toutefois que la population étudiée ne constitue pas un échantillon représentatif des personnes impliquées dans les filières jihadistes françaises, au nombre d'un millier selon les autorités. «C'est le haut de l'iceberg, des gens qui font confiance à l'Etat et nous ont repérés comme étant mandatés par lui», dit-elle, ajoutant : «Il y a un gros problème, que montre notre rapport : comment toucher les classes populaires?»