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Quatre questions autour du retour de la grippe aviaire en Europe

Des contrôles étaient réalisés, lundi, dans des élevages européens après qu'une souche hautement pathogène a été détectée aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

Par  et  (Bruxelles, bureau européen)

Publié le 17 novembre 2014 à 17h59, modifié le 17 novembre 2014 à 19h06

Temps de Lecture 5 min.

Des experts dans une exploitation de canards dans le Nord-Est de l'Angleterre où des cas de grippe aviaire ont été identifiés lundi 17 novembre.

La grippe aviaire est-elle de retour en Europe ? Alors que la campagne de vaccination pour la grippe saisonnière commence en France à l'approche de l'hiver, trois pays ont été touchés par des souches d'influenza aviaire en l'espace de quinze jours.

Un foyer est apparu au Royaume-Uni, dimanche 16 novembre, dans une exploitation élevant des canards (environ 6 000 oiseaux). Deux autres foyers avaient été identifiés, vendredi 14 novembre, à Hekendorp, dans le centre des Pays-Bas, dans un élevage plus conséquent – 150 000 têtes – de poules pondeuses, et le 4 novembre dans un élevage allemand d'environ 30 000 dindes près de la frontière polonaise. Ces deux derniers foyers sont dus à la même souche du virus : H5N8, jusqu'à présent cantonnée en Asie. Lundi 17 novembre, la Commission européenne a décidé d'appliquer des mesures de restriction et de confinement dans les zones entourant les exploitations agricoles concernées.

  • Quelles sont les différentes souches de grippe aviaire ?

Il existe des dizaines de souches de grippe aviaire. Tous ces virus possèdent à leur surface deux protéines externes, l'hémagglutinine (la lettre H), qui leur permet de se fixer sur un récepteur de la cellule cible, et la neuraminidase (N), qui favorise leur décrochage de la membrane cellulaire pour infecter d'autres cellules. Au total, on compte 16 formes différentes d'hémagglutinine et 9 de neuraminidase. Toutes les combinaisons de virus existent dans la faune animale, en particulier chez les espèces aviaires.

Dans la majorité des cas, ces virus ne touchent que les oiseaux. Des foyers apparaissent ainsi régulièrement en Asie, mais aussi en Europe. Les souches H5 et H7 sont les plus pathogènes pour les animaux. En septembre, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a mis en garde contre une nouvelle forme H5N6, particulièrement pathogène et signalée pour la première fois en avril en Chine.

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Mais parfois, après avoir infecté des espèces aviaires, les virus mutent et acquièrent des capacités qui leur permettent de passer la barrière d'espèce et d'infecter l'homme. « Toutes les souches sont susceptibles de se transmettre un jour aux hommes », assure Vincent Enouf, virologue et responsable adjoint du Centre national de référence des virus influenza de l'Institut Pasteur. 

  • Quels sont les risques pour la santé humaine ?

Une combinaison spécifique de mutations génétiques rend le virus plus ou moins dangereux pour l'homme. Deux souches du virus de la grippe aviaire sont particulièrement suivies dans la mesure où elles ont infecté des hommes, entraînant des complications graves (pneumonies, maladies chroniques) voire la mort : H5N1, qui a provoqué plus de 400 décès, surtout en Asie du sud-est, depuis son apparition en 2003, et H7N9, qui a tué plus de 170 personnes depuis son apparition en 2013. « Les personnes infectées ont été au contact des animaux, dans des environnements avec des quantités de charges virales élevées dans l'air. C'est notamment le cas en Chine, où les éleveurs dorment avec leurs bêtes, poursuit le scientifique. Aucune souche de grippe aviaire ne s'est par contre transmise d'homme à homme. »

Par contre, la souche H5N8, qui sévit en Chine et qui a été identifiée en Allemagne et aux Pays-Bas, bien qu'« hautement pathogène » pour les volailles, n'a pour l'instant jamais été transmise à l'homme. « Il n'y a pour l'instant pas de risque pour les hommes, d'autant que les cas de H5N8 ont été détectés dans des pays qui ont les moyens de juguler des foyers épidémiques. Il faut néanmoins continuer de les surveiller », assure Vincent Enouf.

Préventivement, les personnels des exploitations contaminées sont malgré tout traités au Tamiflu, et les personnels chargés de tuer les bêtes et de nettoyer les exploitations sont équipés de masques et de combinaisons. Un laboratoire de référence de l'Union européenne – Weybridge, près de Londres – travaille également sur ce virus tout nouveau en Europe.

  • Comment le virus a-t-il pu arriver en Europe ?

La souche H5N8 sévit actuellement en Chine, en Corée et au Japon depuis trois ou quatre ans. Selon un expert européen, la contamination des exploitations européennes pourrait provenir d'oiseaux migrateurs, en particulier de cygnes sauvages migrant du Nord au Sud de l'Europe. Ces oiseaux seraient des porteurs sains du virus, et l'auraient attrapé lors de contacts avec d'autres volatiles, au Nord de l'Europe, provenant, eux, d'Asie. Le virus se serait transmis aux exploitations britannique, allemande et néerlandaise par des déjections des oiseaux migratoires tombées sur les fermes. Le virus pourrait, selon les experts, être le même dans les trois foyers épidémiques identifiés.

  • Quelles sont les mesures prises par l'Union européenne pour prévenir et contrôler des épidémies ?

L'Europe s'est dotée en 2003 d'une législation définissant les mesures de précaution à prendre d'urgence en cas d'apparition de foyers de grippe aviaire virulente. Il s'agit de la directive 2005/94/CE, qui stipule qu'en cas d'apparition d'un foyer infectieux dans une exploitation, « aucun cadavre, aucune viande provenant de volailles, […] aucun ustensile, aucune matière ni aucun déchet, aucune déjection, aucun fumier de volailles, [...] ne doit sortir de l'exploitation sans l'autorisation ». Idem pour les œufs. Les Etats membres doivent donc obligatoirement notifier les cas de grippe aviaire à l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Ils doivent ensuite abattre les élevages contaminés, et appliquer des mesures de restriction et de confinement. Les mouvements des personnes sont aussi contrôlés.

Lundi 17 novembre, la Commission européenne a systématisé ces mesures de restriction dans les zones entourant les exploitations agricoles concernées. Sans attendre les décisions de la Commission, les Pays-Bas avaient pris des mesures conservatoires radicales : depuis ce week-end, et pendant encore trois ou quatre jours, ils ont interdit le transport de poulets et d'œufs dans tout le pays, et décidé d'une mesure encore plus stricte de confinement autour de l'exploitation concernée. Seize autres exploitations ont été inspectées dans un périmètre de 10 kilomètres. Les autorités sanitaires veulent éviter une propagation, alors que le pays est connu pour sa forte densité d'élevage de volailles. Les dirigeants ont aussi en tête l'épisode épidémique de 2003, où une souche de grippe aviaire avait conduit à une hécatombe aux Pays-Bas : il avait fallu tuer jusqu'à 25 millions de bêtes à l'époque.

En Grande-Bretagne, la ferme d'élevage contaminée, située dans le Yorkshire, a été mise en quarantaine bien que les autorités britanniques aient qualifié le risque de « très faible » pour la santé publique. L'abattage des canards a commencé.

Depuis le début du mois, l'Allemagne a également mis en place des mesures restrictives dans deux zones, à 3 km autour de la ferme, puis 10 km. Depuis, « la situation est stable », selon une source européenne. Il faut entre plusieurs jours et une à deux semaines pour que la maladie se déclare chez les oiseaux après contamination. Les risques d'apparition d'autres foyers ne sont pas à exclure, estimait une source européenne, lundi, notamment en Belgique et en France, sur le parcours des oiseaux migrateurs, actuellement en route vers le Sud de l'Europe.

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