DROGUEVers une contravention pour les usagers du cannabis?

Vers une contravention pour les usagers du cannabis?

DROGUEUn rapport parlementaire préconise de contraventionnaliser le cannabis...
Illustration de cannabis
Illustration de cannabis -  Brennan Linsley/AP/SIPA
Anissa Boumediene

A.B. avec AFP

Sanctionner l'usage de cannabis par une contravention, l'idée revient sur le devant de la scène avec un rapport parlementaire qui préconise cette solution, mais ses auteurs sont partagés sur l'expérimentation d'une salle de shoot.

Une contravention au lieu d'un délit

Constatant que la politique de prohibition adoptée par la France depuis 1970 n'a pas empêché la hausse de la consommation de drogues, les deux auteurs d'un rapport d'information parlementaire, la députée socialiste Anne-Yvonne Le Dain et son collègue UMP Laurent Marcangeli, s'accordent «a minima» sur l'idée de «contraventionnaliser» l'usage de cannabis, ont-ils expliqué jeudi, lors d'une conférence de presse.

L'idée de transformer le délit d'usage de cannabis, -théoriquement sanctionné par un an d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende-, en contravention, n'est pas nouvelle. La gauche et la droite l'ont déjà proposée à tour de rôle.

Jean-Pierre Raffarin l'avait suggérée en 2003 et Nicolas Sarkozy en 2007, lors d'une interview à la radio Skyrock. Mais il avait ensuite jugé cette proposition « irresponsable », quand elle avait été faite par le sénateur-maire PS de Dijon François Rebsamen, pendant la campagne présidentielle de 2012. François Hollande n'avait pas retenu cette idée, notamment «pour des raisons qui tiennent à la nécessité de l'interdit».

Une loi inefficace «face à une explosion de la consommation»

Dans leur rapport sur «l'évaluation de la lutte contre l'usage des substances illicites», les députés préconisent la «refonte» de la loi de 1970, qu'ils jugent inefficace «face à une explosion de la consommation». «On est passé de 2.000 interpellations pour usage de drogue en 1970 à 170.000 l'an dernier», explique la députée socialiste.

La France fait partie des pays où les niveaux de consommation sont les plus importants, rappelait en février un rapport européen, avec environ un tiers des adultes ayant expérimenté une drogue. Le cannabis arrive largement en tête: 13,4 millions de Français l'ont expérimenté au cours de leur vie, et 1,2 million en consomme régulièrement.

Offre réglementée sous contrôle étatique

Aujourd'hui, «plus personne ne va en prison pour usage de stupéfiant», les juges préférant le plus souvent sanctionner par des amendes, des stages, des rappels à la loi, des travaux d'intérêt général, etc. souligne Laurent Marcangeli. «Or, si on respecte la loi, une personne qui fume un joint devrait être mise en garde à vue. Les policiers et gendarmes ont autre chose à faire», dit-il.

La convergence des positions s'arrête là: alors que Anne-Yvonne Le Dain propose de «réfléchir à rendre légale la consommation de cannabis pour usage privé pour les adultes» et même «d'instituer une offre réglementée du produit sous le contrôle de l'Etat», le député UMP s'oppose «à toute dépénalisation». «Quelle que soit la drogue, dit-il, la mesure d'interdit doit être maintenue».

«Divergence totale» sur les salles de shoot

Autre point de «divergence totale», l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque -ou salles de shoot-, destinées à accueillir des toxicomanes très désocialisés qui se droguent dans la rue, prévue dans le projet de loi Santé qui doit être examiné début 2015 à l'Assemblée.

Jugeant les expériences similaires menées à l'étranger «concluantes» et estimant «opportun d'introduire ce nouvel outil de réduction des risques», Anne-Yvonne Le Dain propose d'expérimenter «au moins trois établissements dans différentes villes», afin de permettre, «en cas d'évaluation positive, la généralisation du dispositif».

Laurent Mercangeli refuse leur ouverture, «faute de sécurisation suffisante du dispositif s'agissant du travail de la police, de la justice et des questions de responsabilités en jeu».

Plus largement, les deux députés font une douzaine d'autres propositions consensuelles pour améliorer la lutte contre l'usage de drogue. Ils suggèrent par exemple d'appliquer l'obligation d'information des élèves dans les programmes scolaires, de mettre en place la e-prescription (prescription électronique) pour les traitements de substitution aux opiacées, ou encore d'expérimenter les programmes d'échanges de seringues en milieu pénitentiaire.

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