Centrafrique : "La France n'a pas à assumer seule"
INTERVIEW - Député socialiste, membre de la commission des Affaires étrangères, Pouria Amirshahi est prudent quant à une intervention militaire française en Centrafrique. "La France n'est pas le gendarme de l'Afrique", prévient l'élu des Français d'Afrique du Nord et de l'Ouest.
Soutenez-vous François Hollande dans sa volonté d'intervenir militairement en Centrafrique?
Oui, à trois conditions. Il faut que cela réponde à une demande des populations civiles, clairement formulée. Ensuite, cette opération doit avoir lieu dans le cadre d'un mandat politique confié par l'ONU. Et enfin, les pays riverains - qui seront forcément concernés par les conséquences de cette intervention militaire - doivent être pleinement associés. Si ces trois conditions sont réunies, l'intervention aura une légitimité. Autrement ce ne sera pas le cas. La dernière fois qu'il y a eu une intervention militaire unilatérale sans associer les pays riverains, c'était en Libye. Regardez la catastrophe que cela a générée. On l'a payé au Mali, on le paye ailleurs.
L'urgence de la situation humanitaire en Centrafrique justifie-t-elle l'envoi de 1.000 soldats supplémentaires?
L'urgence existe depuis plus d'un an et la situation s'aggrave de jour en jour. Mais encore une fois, il faut que l'ONU se prononce. Les questions de forme ne sont jamais accessoires. Dans ce cas précis, si un mandat autorise à la France à engager en premier ses troupes, cela peut s'entendre. Mais il faut toujours être prudent. De plus, comme il s'agit de la France, il y a toujours le procès de la Françafrique qui revient. Il était fondé jadis mais est devenu parfois facile.
Avec cette intervention, existe-t-il le risque que la France soit de nouveau considérée comme le "gendarme de l'Afrique?
Il ne le faut pas. Que l'on demande à la France, qui a le plus de capacité militaire à intervenir, est une chose. Mais la France n'est pas le gendarme de l'Afrique, c'est un pays de droit qui doit faire valoir le droit. Nous n'avons pas à faire justice à la place du droit. C'est un principe qui vaut pour la France comme pour l'étranger. Par ailleurs, la pédagogie est nécessaire. Il faut expliquer aux Français le pourquoi de cette intervention, en détailler les objectifs. Et surtout, dire ce qu'on envisage de faire après.
L'opposition dénonce l'incohérence du gouvernement français qui, en dépit de ces interventions extérieures, réduit les capacités de la Défense…
Manifestement, cela n'empêche pas la France d'avoir une capacité militaire. Mais c'est vrai que passer d'un théâtre militaire à un autre suppose d'en avoir des moyens. C'est pourquoi l'intégration des militaires des pays africains dans une mission internationale est déterminante. C'est d'abord un problème africain. Par solidarité et par respect du droit, la France a son rôle à jouer. Mais il ne peut s'agir d'une initiative française. La France n'a pas à assumer seule.
Source: leJDD.fr
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