
SOVALDI - Payer 41.000 euros pour se soigner de l'hépatite C, vous trouvez ça justifié? Cette somme exorbitante a pourtant été négociée de haute lutte par le ministère de la Santé, auprès du laboratoire qui fabrique le remède miracle. Baptisé Solvadi, ce médicament produit par l'Américain Gilead permet de guérir en 3 mois cette maladie du foie qui touche environ 230.000 personnes en France. Et le montant que prendra en charge la Sécurité sociale sera le plus bas d'Europe, selon Marisol Touraine.
Imaginez qu'il en coûte 67.000 euros à un Américain qui voudrait bénéficier du traitement, le plus souvent à sa charge... Un Britannique devra débourser 45.000 euros et un Allemand 49.000 euros. Mais le jeu en vaut la chandelle: le Sovaldi représente un véritable espoir pour les malades puisque le traitement est beaucoup plus court (12 semaines) sans effets secondaires et avec plus de 90% de chances de guérison. Les autres solutions sont très lourdes avec des effets secondaires comme la dépression ou l'épuisement. Leur taux de guérison se situe entre 50 et 80%. De quoi ériger le Sovaldi en remède miracle.
Jusqu'à présent, la France devait débourser 57.000 euros pour chaque traitement, faisant grimper le coût annuel à un milliard d'euros, selon les projections de l'Assurance maladie. À 41.000 euros, c'est déjà mieux. Mais comment justifier un tel tarif ? Certainement pas son coût de fabrication qui tourne autour de 100 euros. Son caractère "innovant" comme l'affirme le labo? "Non", répondent les associations, dans la mesure où des décennies de recherches publiques ont précédé sa découverte.
Le laboratoire au cœur d'un "coup" financier
En effet, le Sovaldi résulte surtout d'un pari financier de Gilead qui a racheté pour 9,7 milliards d'euros la start-up Pharmasset (et ses brevets), à l'origine de la molécule sofosbuvir. Gilead argumente qu'il lui faut rentabiliser ses dépenses (le coût de développement d'un médicament s'élève en moyenne à 1 milliard d'euros). Le groupe ajoute que son produit est rentable à long terme pour la collectivité, car il guérit les patients, leur épargnant de coûteuses complications.
Mais le laboratoire soulève la question du prix "raisonnable" d'un médicament. Il assure que le prix élevé facturé aux pays riches permet de financer le traitement des plus pauvres.
En Egypte ce sera seulement 720 euros. Ce dernier pays est très touché par l'hépatite C (14% de la population infectée) et ce prix est peut-être un geste de générosité de la part de Gilead. Le PIB par habitant en Egypte est de 2500 euros (2012) contre environ 40.000 euros aux Etats-Unis, soit une différence d'environ en proportions 16 et pas de 100 sur le prix du Sovaldi. La logique de la fixation du prix obéit donc à une logique économique, mais aussi médiatique.
En France, les autorités sont plus circonspectes. "On ne sait jamais à partir de quel seuil un médicament est rentable pour un laboratoire", soulignait en septembre au Monde une source proche du dossier. "Surtout si le prix a d'abord été déterminé en fonction de critères financiers pour doper le cours de Bourse." Gilead est valorisé à plus de 160 milliards de dollars (126 milliards d'euros), plus que Sanofi. Le cours de son action a bondi de près de 70% en un an.
Que faire des patients modestes des pays riches ?
Poussé par la polémique de son prix, Gilead a autorisé mi-septembre une version générique de son traitement pour 91 pays en développement. Environ 54% des malades touchés par l'hépatite C vivent dans ces pays-là. En Inde, par exemple, le traitement coûtera 705 euros. Mais pour plusieurs ONG, la décision de Gilead ne résout pas le problème de millions de patients de pays aux revenus plus élevés qui n'auront pas accès au traitement. Cet accord "prive des millions de malades de l'hépatite C de tarifs abordables, ce qui n'est pas acceptable", explique Médecins sans frontières.
Marisol Touraine a de son côté prévu de passer par un dispositif limitant les abus. Dévoilé fin septembre à l'occasion de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), il est destiné à plafonner le chiffre d'affaires global que les laboratoires peuvent réaliser avec les médicaments prescrits pour traiter l'hépatite C. Dès que leurs ventes auront atteint un certain seuil - fixé à 450 millions d'euros pour 2014 et à 700 millions d'euros pour 2015 - ils devront reverser une partie de ce qu'ils ont gagné à l'Assurance maladie.