La situation dans laquelle se trouve aujourd'hui Areva apparaissait comme inéluctable depuis plusieurs années. Dans "la vérité sur le nucléaire" -Albin Michel-, ouvrage publié en 2011, j'écrivais: "la situation était déjà très difficilement avant le 11 mars 2011... La difficulté principale réside dans le cœur de la société elle-même. Son activité initiale se poursuit en raison de l'obligation faite à EDF de retraiter ses déchets, l'EPR est un gouffre et l'activité de production d'uranium est très fragilisée dans la conjoncture internationale: il est fort possible que les conséquences de la catastrophe japonaise soient tragiques pour Areva... A aucun moment le débat public autour de cette société n'est posé. Est-ce normal pour un pays qui donne des leçons de démocratie au monde entier?".
Mais, la technostructure et le lobby nucléaire ont choisi de rester dans le déni de la situation financière d'Areva comme de rester dans le déni du gouffre financier et du fiasco commercial que représente l'EPR. Quant à la question de la sécurité des centrales, l'autorité de sûreté nucléaire a tiré à de nombreuses reprises la sonnette d'alarme, soulignant que ses moyens ne lui permettaient plus de contrôler les centrales en activité, de procéder à l'examen des visites décennales pour décider ou non de la prolongation de la durée de vie des centrales et a fortiori de s'intéresser à la mise en service d'un nouveau réacteur, en l'espèce: Flamanville.
Jusqu'où le déni organisé par l'État nucléaire ira-t-il et contre quel mur allons nous nous fracasser? Le monde économique français et européen ne peut plus aujourd'hui se cacher derrière son petit doigt pour considérer que le nucléaire français ne pose aucun problème puisque le problème financier vient de lui exploser à la figure. Mais nous ne parlons aujourd'hui que d'Areva alors même que la situation d'EDF est très délicate, non seulement parce que le démantèlement est infinançable et non financé mais encore et surtout par ce que le financement du grand carénage et même de la simple mise à niveau de nos centrales n'est pas du tout acquis. D'où les grandes manœuvres engagées avec l'autorité de sûreté nucléaire pour réduire à minima les investissements de sécurité à faire alors même que cette autorité, qui porte la responsabilité de la sûreté, est de moins en moins encline au laxisme.
Jusqu'où le déni sur le fiasco commercial que représente aujourd'hui, malheureusement pour notre pays, notre industrie nucléaire va-t-il être nié?
Jusqu'où le déni sur la prétendue sécurité absolue nos centrales nucléaires va aller alors que nous sommes totalement incapables de mettre un terme au survol de nos installations par des drones, opération qui dure depuis plus d'un mois sans qu'apparemment aucune solution technique ni du reste aucun progrès dans la recherche des coupables n'ait été réalisés?
Jusqu'où le déni sur le prétendu avenir du nucléaire dans le monde va se poursuivre alors que la part du nucléaire ne cesse de reculer et qu'aujourd'hui près de 70 centrales ferment dans le monde ; c'est en tout cas ce qu'indique Areva pour justifier ses résultats s'agissant de l'entretien et la maintenance des centrales dans le monde.
Il est plus que temps que l'État et la technostructure industrielle de notre pays changent leur fusil d'épaule et acceptent le principe de réalité que tous les autres pays du monde ont pris en compte.
Nous n'avons que peu de temps pour orienter massivement nos investissements sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables et cesser de penser que le nucléaire est la solution absolue à la production énergétique française.
Pour ne pas le faire, l'État nucléaire engagerait très gravement sa responsabilité devant tous les Français et devant l'Histoire.